Zoom sur la stratégie de contenus générés par l'IA de Red Ventures

Zoom sur la stratégie de contenus générés par l'IA de Red Ventures Le propriétaire de CNet, ZDNet ou encore Lonely Planet mise sur le SEO et l'intelligence artificielle générative pour monétiser ses contenus.

Red Ventures n'est pas une entreprise quelconque aux Etats-Unis. C'est un mastodonte, aux chiffres d'affaires de 650 millions de dollars et aux 3600 employés, selon Zippia.  Cette  société de médias propose de guider leurs lecteurs vers des achats dans des domaines comme la santé ou la technologie, via des informations, des conseils et des avis. Elle possède par exemple CNet, ZDNet, Lonely Planet ou Healthline.

Pour réaliser son chiffre d'affaires, Red Ventures accorde une grande importance au SEO. Objectif : apparaitre dans les SERP sur des requêtes à forte intention, afin de générer du trafic et de le monétiser avec des liens d'affiliation souvent juteux. Red Ventures possède en effet, par exemple, en plus de CNet,  The Points Guy, Bankrate et CreditCards.com, qui sont monétisés grâce aux frais d'affiliation souvent importants des cartes de crédit.

L'IA sur des sujets "ennuyeux"

C'est dans ce contexte, à la frontière parfois floue entre le journalisme et le commercial, que Red Ventures a tenté de mettre en place l'IA pour la génération de certains contenus.  Selon des salariés de CNet, une des raisons invoquées pour justifier l'utilisation de l'IA est que celle-ci s'appliquait à des sujets "ennuyeux" et propres au référencement. Les articles générés par l'IA de Red Ventures portent par exemple sur les conseils d'achat de cartes de crédit ou des recommandations liées aux comptes bancaires. Avec à la clef des erreurs factuelles… et du plagiat.

Une communication évolutive

L'utilisation de l'IA aurait permis à certains éditeurs de Red Ventures de générer du contenu à partir de sujets ou en combinant des textes générés par l'IA et de leurs propres écrits. Selon The Verge, citant un ancien employé de CNET, l'entreprise utilisait auparavant un outil appelé Wordsmith, surnommé "Mortgotron" en interne en raison de son utilisation dans les contenus de prêts hypothécaires. Une utilisation pas nouvelle chez d'autres, à en croire un tweet de Glenn Gabé, consultant SEO chez G-Square :

Les articles étaient publiés de façon relativement opaque en interne, au point que certains salariés eux–mêmes ne savaient pas toujours qui de l'humain ou du robot avaient produit tel ou tel contenu. Certainement dans un souci de clarté et de cohérence, des éléments ont été progressivement intégrés ou supprimés sur les pages en question pour prévenir de l'utilisation de l'IA. Un article publié sur Bankrate en mai et signé par un humain a par exemple été mis à jour pour répertorier un auteur IA. Pour le savoir, il s'agit tout de même de cliquer sur "Bankrate".

Autre exemple, l'article de Cnet intitulé "Can You Buy a Gift Card With a Credit Card ?" ne comporte plus de bandeau en haut du titre mettant en avant l'expertise et l'indépendance de leurs rédacteurs. L'encadré apparaissait bien sur cette capture d'écran du 13 janvier 2023.

Une stratégie SEO fiable?

La direction de Red Ventures a récemment décidé d'arrêter la génération d'articles par l'IA, après les critiques essuyées. Sollicitée, elle n'a pas répondu à nos questions.  Si cette affaire amène en effet un certain nombre d'interrogations, elle pose notamment celle-ci: quels types de contenus SEO se prêtent le plus à l'IA ?

Pour justifier l'utilisation de l'IA, beaucoup de référenceurs mettent en avant le fait que Danny Sullivan, porte-parole de Google, a récemment tweeté sur le fait que l'important pour le moteur de recherché américain n'est pas savoir comment le contenu avait été rédigé, mais que celui-ci soit unique et pertinent pour l'utilisateur. La position des référenceurs interrogés à ce sujet donne différentes interprétations.

"L'IA n'est jamais intéressante pour l'internaute", réagit Christian Méline, fondateur des metamots. "C'est de la mécanique. Les textes qu'elle produit sont plats, insignifiants et souvent plein d'erreurs.  Sur des listes de produits, et encore, comme cela n'est pas sanctionné, l'IA peut probablement être utilisée. Est-ce que Google peut aujourd'hui se permettre d'avoir des textes très moyens sur des requêtes e-commerce ? S'ils ne contiennent pas d'erreurs, à la limite. Ce qui va d'ailleurs être difficile à mettre en place, car ChatGPT est très fort pour dire des bêtises. Mais si cela touche des descriptions,  des textes engageants, ou encore des commentaires, et qu'il y a beaucoup d'inexactitudes, la firme de Mountain View va sévir. Pas comme avec Panda, un filtre qui a grillé beaucoup de sites dans les premières pages des SERP. Aujourd'hui, Google fait ça plus discrètement. Il intègre la suspicion d'IA comme un facteur probable de basse qualité."

David Groult, head of SEO chez Noiise, semble plus enthousiaste quant à l'utilisation de l'IA. "Les IA génératives, comme peut l'être GPT3, offrent des solutions incroyables pour générer des contenus textuels. Elles ont la possibilité de répondre à toute sorte de problématiques de génération de contenus, comme les contenus evergreen, les guides conseils, les guides comparatif, les fiches produits et même des articles d'actualité. Tout est possible donc, mais à condition de bien orienter le prompt, c'est-à-dire le brief que l'on envoie à la machine. L'important est que le contenu soit unique et pertinent pour l'internaute. La Helpful Content de Google va justement dans ce sens en pénalisant les contenus et les sites web inintéressants pour les utilisateurs de Google."

En ce début mars, CNet et ZDNet procède à des licenciements massifs. Red Ventures assure que cela n'a rien à voir avec l'IA.