Daniel Chao (CEO Halo Neuroscience) "Halo va stimuler votre cerveau grâce à des impulsions électriques"
Mémoire, apprentissage d'une langue, capacités mathématiques... Halo Neuroscience prépare un objet connecté destiné à stimuler le cerveau. Entretien avec son CEO, en visite à Paris pour LeWeb.
JDN. Pouvez-vous me décrire la technologie Halo Neuroscience ?
Daniel Chao. Je m'intéresse à la stimulation du cerveau depuis 2006. Mais cela a pris un moment aux scientifiques pour montrer les effets cliniques que cela peut recouvrir. Je pense que nous sommes l'une des sociétés les plus folles présentes à LeWeb cette année ! Nous travaillons sur un stimulateur électrique pour le cerveau que l'on puisse utiliser chez soi, à destination des particuliers. La technologie a un nom barbare : elle s'appelle "Transcranial direct current strimulation" (TDCS). Aucune société ne propose encore de technologie semblable.
Pourquoi se lancer dans ce projet ?
Nous stimulons tous notre cerveau de manière chimique : avec des cigarettes, du café, du thé... Il existe aussi des stimulants électriques, mais ce sont toujours des produits chirurgicaux. Par exemple, des malades atteints de la maladie de Parkinson se font implanter un stimulateur pour stopper le tremblement de leurs mains, ou bien des épileptiques y ont recours pour prévenir leurs crises. Mais tous ces devices nécessitent des opérations importantes et la batterie doit être rechargée tous les trois, quatre ou cinq ans : le patient doit alors subir une nouvelle chirurgie. Nous pensons que nous pouvons faire mieux et parvenir à de nombreux effets similaires en agissant de l'extérieur, en portant un objet qui stimulera le cerveau avec des impulsions électriques.
Concrètement, comment ça marche ?
Le cerveau est hautement anatomique dans ses fonctions. Les différentes parties du cerveau sont responsables de différents processus. C'est très intéressant parce que nous pouvons donc créer une plateforme : en bougeant une électrode de quelques millimètres, on peut atteindre une partie différente du cerveau et obtenir un effet différent.
Quelles applications imaginez-vous ?
"Stimuler l'apprentissage, la mémoire, améliorer le mouvement..."
On ne peut pas dire exactement ce sur quoi l'on travaille, mais la littérature scientifique est très documentée en ce qui concerne l'apprentissage et la mémoire. Le produit pourrait par exemple aider des adultes à apprendre plus facilement. Mais pas des enfants, du moins pour l'instant. Pour des raisons éthiques, nous voulons attendre d'avoir conduit davantage de tests et d'avoir plus de données sur cette tranche d'âge avant d'autoriser l'utilisation. Une deuxième application pourrait concerner les fonctions motrices. La stimulation électrique du cerveau peut permettre d'aider les malades comme les personnes saines à mieux se mouvoir.
D'autres terrains restent à explorer : l'apprentissage d'une langue –la technologie pourrait permettre de parler plus couramment une langue étrangère, les capacités mathématiques, l'humeur –cela pourrait être utilisé pour les personnes déprimées, comme alternative aux médicaments. C'est génial d'imaginer quelles pourraient être les limites d'un tel produit. Par exemple, j'ai travaillé auparavant sur le système de simulation Closed Loop, qui permet de surveiller les signaux du cerveau d'un épileptique grâce à un capteur et de prédire une crise, puis de stimuler le cerveau électriquement en conséquence. On pourrait imaginer une application similaire avec notre technologie : on mesurerait le monde extérieur et les signaux du cerveau pour réagir en fonction.
Comment cela se présentera ? Sous la forme d'un casque ?
Micro-casque ou bandeau
Un produit qui stimule électriquement le cerveau et qui soit à destination des particuliers n'existe pas encore. Donc nous ne voulons pas d'un device dont les gens pourraient avoir peur. Un masque serait trop effrayants pour les utilisateurs. Nous sommes encore en train de finaliser la forme du produit, mais nous voulons nous approcher d'un objet qui leur est déjà familier et qui est moins effrayant, comme un micro-casque ou un bandeau.
Vous voulez envoyer des impulsions électriques dans le cerveau des utilisateurs. Comment leur faire accepter cette idée ?
La question, c'est "comment faire pour que le produit ne soit pas effrayant ?" C'est le plus grand défi qui se pose à notre société, car nous sommes conscients que l'idée de stimuler électriquement son cerveau fait peur. C'est pour cela que nous travaillons pour finaliser un produit qui n'est pas effrayant, un produit sûr et extrêmement simple d'utilisation. D'abord, nous misons sur notre background médical et d'ingénieurs confirmés. Nous avons travaillé énormément sur la sécurité. Je ne pense pas que tout le monde sera intéressé par la stimulation du cerveau au début, mais j'espère qu'une petite communauté s'y mettra, puis qu'elle se développera.
Etes-vous en règle avec les autorités sanitaires ?
En Europe, la régulation est différente et la Commission se base énormément sur la qualité des ingénieurs. Nous commençons tout juste à soumettre nos documents pour approbation. Aux Etats-Unis, le processus d'approbation de la FTA est bien plus compliqué et bien moins transparent. Nous commençons également à nous y attaquer. Nous voulons travailler de concert avec ces instances pour assurer le public de la sécurité de nos objets et nous différencier de nos concurrents.
Vous avez levé deux millions de dollars en mai auprès de Marc Andreessen, d'Andreessen Horowitz et de Jeff Clavier de SoftTech VC. Était-ce important pour vous de faire entrer ces grands noms à votre board ? Planifiez-vous déjà un second tour de table ?
Horowitz et Jeff Clavier au board
Nous avons en effet levé deux millions de dollars en amorçage et nous voulons boucler un autre tour de table, plus important, dans un ou deux trimestres. Cela aide forcément d'avoir de tels noms au capital de Halo, et nous avons eu la chance de pouvoir choisir nos investisseurs. Jeff est l'un des investisseurs les plus réputés en amorçage dans la Silicon Valley.
De nombreux objets connectés restent considérés aujourd'hui comme des gadgets par les consommateurs. Comment éviter de subir un même sort ?
L'un de mes amis a demandé autour de lui si votre Fitbit ou votre Withings est suffisamment important pour que vous retourniez le chercher chez vous si vous l'avez oublié. La plupart du temps, la réponse est non. Je pense que c'est une bonne question à se poser : vous retourneriez immédiatement chercher votre smartphone, ou votre veste un jour où il fait froid. Je pense que c'est notre principal challenge. Nous voulons construire un produit qui a de la valeur pour le consommateurs et qui les ferait revenir chez eux le chercher s'ils l'oubliaient en partant le matin. Nous mettons en avant les talents de nos ingénieurs, nous nouons des partenariats avec des universités et nous soutenons des essais cliniques, tout ça pour mieux comprendre la science du produit et bâtir de meilleurs objets. La dernière chose que je veux, c'est tomber dans le charlatanisme et vendre un remède qui semble marcher mais ne fonctionne pas vraiment.
Quand le produit sera-t-il commercialisé ?
Commercialisé en 2015
Nous espérons arriver sur le marché américain l'année prochaine, et peut-être dans l'Union européenne. Nous vendrons le produit sur notre site. Nous n'avons pas de distributeur pour l'instant. Nous ne sommes pas fermés à l'idée, mais il faudrait vraiment trouver un distributeur qui soit compétent sur ce créneau.
Google se montre de plus en plus intéressé par le secteur de la neuroscience et a racheté plusieurs start-up dans le domaine. Est-ce que votre stratégie s'oriente vers un rachat par un géant comme celui-ci ?
Un rachat par Google... Pour la plupart des sociétés, c'est une sortie raisonnable ! Mais ce n'est pas une bonne manière de manager votre société et ce n'est pas très motivant pour les employés. Nous ne cherchons pas seulement à être assez bon pour nous faire racheter. Pour l'instant, nous restons indépendants, mais nous ne sommes bien sûr pas fermés aux discussions...
Daniel Chao est intervenu à LeWeb le 10 décembre, à 10h20, sur la scène Pullman ("The reinvention of healthcare").
Daniel Chao est un entrepreneur dans le secteur des "medtech". Il est le co-fondateur et CEO de Halo Neuroscience. Auparavant, il a été à la tête du développement commercial à NeuroPace. Daniel Chao a aussi été consultant pour McKinsey & Company à New York et est titulaire d'un doctorat en neuroscience de l'université de Stanford.