Numérique et présidentielle : que proposent les candidats ?

Numérique et présidentielle : que proposent les candidats ? Cette présidentielle encore, le numérique n'est pas un thème de campagne prioritaire. Pourtant les candidats ont quelques idées, qu'ils ont partagées lors d'une soirée organisée par le collectif Convergences numériques

Ce mercredi 9 mars, dix associations de la scène technologique française ont organisé un évènement unique dans le secteur numérique* à l'approche de l'élection présidentielle 2022. Sept candidats à la présidentielle, ou leurs représentants, ont fait le déplacement. Tous ont eu 15 minutes pour convaincre, gong en main, les quelque 1 600 inscrits que leur programme numérique tenait la route. Le JDN s'est rendu au Cirque d'Hiver Bouglione pour écouter tous les pitchs. Voici les principales thématiques et les mesures phares de chacun.

Souveraineté numérique

La souveraineté numérique et la dépendance aux Gafam a probablement été le sujet le plus abordé. Beaucoup de candidats n'ont pas pu s'empêcher de faire un lien direct avec la situation critique en Ukraine en soulignant la nécessité pour la France et l'Europe de rester maître de son destin. Valérie Pécresse a proposé la création d'un "cloud de confiance" souverain. Yannick Jadot a fustigé des données d'utilisateurs stockées aux Etats-Unis, dont le droit permet d'agir au-delà de ses frontières et donc de faire usage de ces données si nécessaire.

Pour retrouver cette souveraineté à l'échelle européenne, Bastien Lachaud, représentant de Jean-Luc Mélenchon, a prôné le "protectionnisme  et a affirmé que la France présidée par Jean-Luc Mélenchon désobéirait à l'UE si l'institution s'y opposait. Eric Zemmour a lui aussi fait usage du terme protectionnisme en précisant que la Chine comme les Etats-Unis le pratiquent dans des domaines stratégiques. Pour Yannick Jadot, "l'Europe est la seule entité économique à permettre l'ouverture de ses marchés par défaut, il faut changer cela". Le candidat écologiste a indiqué vouloir donner priorité aux entreprises européennes sur les appels d'offres.

Protection des données

Cette nécessité d'une souveraineté européenne a aussi pour objectif de limiter le traçage des citoyens et les mesures éventuelles de censure. "Je n'accepte pas qu'un acteur économique basé en Californie puisse censurer des comptes," a ainsi déclaré le candidat Nicolas Dupont-Aignan. De son côté, Yannick Jadot a lui fustigé la "Big Brotherisation" actuelle, en ajoutant vouloir "ouvrir des data centers localisés en France et donc de droit français pour garantir un cadre de souveraineté". Cédric O, le secrétaire en charge du numérique qui s'était déplacé pour représenter le candidat Emmanuel Macron, a précisé que cette question de la création d'un cloud européen était loin d'être évidente à mettre en œuvre, notamment en raison des coûts importants à prévoir.

Enfin, côté législation, Yannick Jadot s'est dit favorable à un RGPD 2 incluant une portabilité des données pour ses propriétaires. "Ce serait aux plateformes de venir demander aux consommateurs leurs données personnelles et non l'inverse" a-t-il indiqué. Anne Hidalgo, la candidate et maire de Paris, a indiqué de son côté vouloir mettre les Gafam à contribution.

La France et ses ambitions dans le paysage numérique actuel

Tous les candidats se sont rejoints sur le fait que la France et l'Europe avaient désormais une nouvelle carte à jouer. "On ne peut plus concurrencer les Gafam, c'est déjà perdu, mais on peut développer des géants dans le secteur de la blockchain, de l'ordinateur quantique et de la cybersécurité", a déclaré ainsi Eric Zemmour, citant Ledger à qui il a rendu visite. Le représentant de la France Insoumise a de son côté indiqué que la France avait "les compétences matérielles et intellectuelles pour devenir une grande nation du numérique". Cédric O a également inscrit les actions d'Emmanuel Macron dans une certaine continuité en déclarant vouloir "massifier ce qui a été fait ces cinq dernières années". Le secrétaire d'Etat au numérique vise 30 milliards investis dans les start-up chaque année. Son objectif est ambitieux : détrôner la Grande-Bretagne en ayant un schéma fiscal comparable afin de devenir le premier pays en Europe en termes d'attractivité pour le financement des startups. "Dans les 5 à 10 ans qui viennent, Paris doit devenir le Nasdaq européen", a estimé Cédric O.

Un Internet plus écologique

Yannick Jadot a logiquement souligné dès le début de son pitch la responsabilité écologique du secteur technologique qui consomme beaucoup d'énergie. A la question d'un spectateur lui demandant s'il fallait rationner le temps de streaming ou limiter le nombre d'emails envoyés, le candidat écologiste a alors répondu : "Quand on développe une technologie, on ne peut pas s'affranchir de penser à l'impact de ces technologies".

En termes de solutions concrètes pour rendre l'Internet plus "vert", certains, à l'instar du représentant mélenchoniste et du candidat vert, ont déclaré souhaiter que les data denters puissent être utilisés comme sources de chaleur et chauffages urbains. Valérie Pécresse a quant à elle indiqué souhaiter la création d'un "green data hub" visant à mettre à disposition les données publiques environnementales.

L'Etat et des administrations publiques comme partenaires

Autre point sur lequel tous les candidats présents se sont accordés : faire en sorte que la commande publique puisse mieux soutenir le secteur du numérique. "Les entrepreneurs n'ont pas besoin de plus de subventions mais de plus de commandes publiques", a martelé Valérie Pécresse.

Tous se sont aussi prononcés en faveur de plus de simplicité et d'une réduction des normes. Yannick Jadot a notamment fustigé la "paperasse" à la française. Parmi les promesses entendues hier, Valérie Pécresse a indiqué vouloir diviser par deux le temps d'obtention d'autorisations administratives en évoquant "un choc de simplicité". La candidate LR a par exemple indiqué vouloir démocratiser l'usage des technologies blockchain et IA, notamment au sein des ministères et administrations.

Le numérique au service des Français

Les candidats ont également évoqué la fracture numérique entre certains territoires français. Anne Hidalgo a ainsi rappelé qu'Internet permettait de fournir des services à des Français dans des territoires enclavés et ainsi réduire les distances physiques les séparant de leurs administrations.

Nicolas Dupont-Aignan s'est prononcé en faveur d'un égal accès de tous les français au numérique et a promis de "mettre au pas les opérateurs qui ne feraient pas leur travail".  Bastien Lachaud de la France Insoumise s'est dit favorable à un accès gratuit à Internet pour tous les Français.

Formation des talents

La formation des futurs talents du numérique a également été au cœur des débats. Interpellé par Frédéric Mazzella (fondateur de Blablacar) sur ce sujet, la candidate LR a indiqué vouloir créer un Revenu Jeune Actif (RJA) de 670 euros par mois pour les jeunes qui se forment dans les métiers en tension, comme dans le secteur numérique. "Nous allons avoir besoin d'un million de jeunes talents", a précisé Valérie Pécresse. Elle s'est aussi prononcée, tout comme Cédric O, en faveur d'un enseignement de la programmation dès la 5e. "Le code est devenu une langue vivante", a même déclaré le secrétaire d'Etat au numérique.

Interrogé sur la question de l'immigration, Eric Zemmour a maintenu souhaiter une immigration zéro mais s'est déclaré prêt à faire une exception pour accueillir des talents étrangers en cas de besoin. Le candidat a indiqué vouloir faire en sorte que les jeunes restent en France. Parmi les mesures en faveur de l'emploi, il propose d'exonérer de charges l'embauche de deux apprentis pendant deux ans, et de permettre aux employeurs de verser des primes exonérées de charges pouvant correspondre à 1 à 3 mois de salaire aux salariés les plus méritants. Anne Hidalgo a de son côté indiqué vouloir valoriser davantage les formations en alternance.

La création d'un ministère du Numérique ?

Interpellé sur la non-existence d'un ministère entièrement dédié au numérique, le secrétaire d'Etat Cédric O a indiqué que la création d'un tel ministère serait purement symbolique et n'aurait pas de réelle utilité. "L'écosystème surestime la question institutionnelle. Si j'avais été ministre, je ne pense pas que j'aurais pu faire plus", admet-il humblement. Interrogé également sur son intérêt éventuel pour prendre en charge ce ministère en cas de réélection d'Emmanuel Macron, Cédric O a déclaré, ému, ne pas vouloir faire carrière en politique.

* L'événement était organisé par le collectif Convergences numériques regroupant : France Digitale, Numeum, Cigref, Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), Systematic Paris-Region, Alliance Française des Industries du Numérique (AFNUM), Cinov Numérique, France Datacenter, Talents du numérique, Syndicat national du jeu vidéo (SNJV).

Pour en savoir plus sur le programme numérique des candidats.