Les start-up françaises sont-elles sorties du radar des fonds américains ?

Les start-up françaises sont-elles sorties du radar des fonds américains ? Les investissements américains en Europe ont chuté de 46% depuis 2021. Dans ce contexte, l'Hexagone conserve une place stratégique, mais suscite aussi des interrogations.

En 2024, les investisseurs américains ont fortement réduit leurs activités en Europe. Selon le baromètre EY de l'attractivité, le nombre de projets portés par des entreprises américaines sur le Vieux Continent a reculé de 11% par rapport à 2023, et de 46% par rapport à 2021. Une contraction historique, à mettre en lien avec la politique américaine, mais aussi avec une plus grande prudence des fonds dans un contexte de taux durablement élevés, de moindres perspectives de croissance en Europe et d'incertitudes réglementaires.

Dans ce paysage globalement attentiste, certains acteurs se distinguent. C'est le cas de White Star Capital. "On double notre exposition à la France entre notre précédent fonds et le fonds actuel", indique Matthieu Lattes, partner chez White Star Capital. Le fonds vient de signer un ticket de 38 millions d'euros dans la start-up Vision, sa plus grosse série B hexagonale à ce jour.

White Star ne se contente pas d'investir : le fonds a créé son bureau parisien en 2018 et y compte aujourd'hui une dizaine de personnes. Il est aussi l'un des rares fonds étrangers à avoir obtenu le label Tibi, attribués aux fonds qui s'engagent à soutenir l'innovation française. "C'est une reconnaissance de notre volonté de nous inscrire durablement dans l'écosystème", souligne Matthieu Lattes.

Pourtant, cet intérêt ne fait pas consensus. Certains fonds américains indiquent ne "pas être en mesure de commenter leur exposition à la France actuellement". Un silence qui révèle en creux un certain attentisme, voire une réallocation des priorités d'investissement vers des zones jugées plus prévisibles.

Les atouts français toujours salués

La France conserve cependant des atouts indéniables, notamment dans les secteurs stratégiques. Le Baromètre EY souligne que l'Hexagone est en tête des investissements étrangers en intelligence artificielle en Europe, avec 41 projets recensés en 2024, loin devant le Royaume-Uni (27). La qualité de l'enseignement scientifique et le soutien public à l'innovation continuent de porter l'écosystème. "Dans les secteurs de l'IA ou de la transition énergétique, où l'excellence mathématique est clé, la France a un vrai leadership", insiste Matthieu Lattes.

Hussein Kanji, partner chez Hoxton Ventures, abonde : "Paris n'a jamais été aussi dynamique au niveau seed. A tel point que nous y passons plus de temps que jamais". Il voit même Paris comme la deuxième place tech européenne derrière Londres, avec un potentiel de passage en tête sous cinq ans grâce à l'IA.

Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, soulignait lui aussi récemment sur LinkedIn la solidité de l'écosystème tech français malgré les vents contraires, appelant à "préserver ce capital de confiance" face aux tentations de retrait.

Mais l'instabilité politique et les débats récurrents sur la fiscalité inquiètent. La dissolution de l'Assemblée nationale et les incertitudes budgétaires, combinées aux perspectives de durcissement sur les stock-options, freinent les ardeurs. "La fiscalité sur les stock-options est un point d'alerte majeur pour l'attractivité des packages", prévient Matthieu Lattes.

Les contraintes réglementaires européennes jouent également un double rôle. Elles freinent les jeunes pousses encore fragiles, mais deviennent un avantage stratégique pour celles qui souhaitent adresser le marché européen avec une architecture conforme dès l'origine.

Un capital-risque plus exigeant, mais plus ancré ?

La rentabilité est aujourd'hui un passage obligé pour les jeunes entreprises, mais elle ne constitue plus un handicap pour les start-up françaises. "Les fondateurs sont aujourd'hui plus mûrs, plus rationnels sur leurs plans de développement", estime Matthieu Lattes. Un changement de culture salué par les VC, qui peuvent aborder plus sereinement les discussions sur l'autonomie financière et la trajectoire de marge.

Malgré la tendance au repli observée dans les chiffres, des modèles hybrides émergent. White Star Capital, présent à Paris, Londres, Berlin, mais aussi New York, Toronto et Montréal, incarne cette stratégie multilocale. "Ce n'est pas un mouvement opportuniste. Nous avons dès le départ choisi de nous implanter localement des deux côtés de l'Atlantique", affirme Matthieu Lattes. Un modèle encore minoritaire, mais qui pourrait faire école.