Ça suffit : la Silicon Valley doit mettre fin à son élitisme et son arrogance

Les entreprises de nouvelles technologies n'embauchent que des hommes jeunes et pratiquent ainsi une politique à l'embauche discriminatoire.

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Lorsque les ordinateurs n'étaient destinés qu'aux fous d'informatique et aux grandes entreprises, l'élite de la Silicon Valley pouvait s'en sortir avec arrogance, insularité et sexisme. Ils créaient des produits pour ceux qui leurs ressemblaient. Les petits génies inspiraient tellement d'émerveillement que leur comportement d'étudiants confraternels était un sujet d'amusement.
Aujourd'hui, la technologie est partout. Elle est utilisée partout. Mamie télécharge des applications et communique avec son petit-fils via Facebook. Les femmes dominent les réseaux sociaux et les afro-américains deviennent le groupe démographique qui se développe le plus rapidement sur Twitter.
Le public investi des milliards de dollars dans des entreprises de technologie et s'attendent à du professionnalisme, de la maturité, et une responsabilité sociale des entreprises. Il y a une perte de tolérance face à l'élitisme et l'arrogance.
Regardez ce qui s'est passé lorsque la sommité Tom Perkins a écrit au Wall Street Journal pour se plaindre des critiques du public relatives à l'élite de la Baie de San Francisco et son ex-femme Danielle Steel. Il a déclaré : "J'écris depuis San Francisco, l'épicentre de la pensée progressive. Je voudrais attirer l'attention sur les parallèles avec l'Allemagne nazie et fasciste concernant sa guerre contre le "un pour cent", à savoir les juifs, et la guerre progressive contre le un pour cent américain, à savoir les "riches".
Il y a eu un tel déversement de colère sur les réseaux sociaux sur la comparaison faite avec le génocide nazi que la société de capital risque que Tom Perkins a fondé, Kleiner Perkins Caufield & Byers, a désavoué la collaboration qu'elle avait lui. Les blogs technologiques et les journaux s'en sont pris violemment à Tom Perkins. Les poids lourds de la Silicon Valley tels que Marc Andreessen et Marc Benioff ont exprimé leur désapprobation. Il est rare qu'à la Silicon Valley un entrepreneur capitaliste ou un PDG s'élève contre une sommité de la technologie, quel que soit son degré de dépassement des limites. Donc, cela a été une surprise.
La polémique Perkins est la partie émergée de l'iceberg. Kleiner Perkins est elle-même impliquée dans un scandale de harcèlement sexuel pour lequel elle a préféré intenter une action en justice plutôt que de passer un accord à l'amiable. Lorsque Twitter s'est introduit en bourse avec un conseil composé uniquement d'hommes, le New York Times l'a critiqué en disant que c'était un club de vieux garçons. Plutôt que d'admettre que sa société avait commis une erreur, le PDG de Twitter, Dick Costolo a choisi de s'en prendre publiquement à la critique (moi), pour avoir exprimé mon indignation dans l'article. Quelques semaines plus tard, Twitter a cédé à la levée de boucliers et a annoncé qu'une femme était nommée directrice. Toutefois, aucune excuse n'a été formulée.
Dans la plupart des entreprises industrielles, avoir des pratiques discriminatoires en termes de genre, race ou d'âge serait considéré comme illégal. Pourtant, dans le milieu de la technologie, les entrepreneurs capitalistes exhibent systématiquement des aptitudes de "reconnaissance de formes". Ils disent qu'ils peuvent reconnaître un entrepreneur prospère, un ingénieur ou un homme d'affaires quand ils en voient un. Le modèle ressemble toujours à celui de Mark Zuckerberg, Bill Gates, Jeff Bezos ou bien eux : les hommes fous de technologie.
Les femmes, les noirs et les latins sont défavorisés ainsi que les entrepreneurs plus âgés. Les entreprises à capital risque admettent ouvertement financer uniquement les jeunes entrepreneurs et prétendent que les plus âgés ne sont pas innovants.
Les entreprises de capital risque ne sont pas les seules à être insensibles aux lois sur la discrimination liée à l'emploi. La plupart des entreprises de technologie refusent de diffuser leurs données liées au genre, à la race ou à l'âge. Elles affirment que ces informations font partie du secret industriel. Quelles que soient les données disponibles, elles révèlent un fort penchant pour les hommes jeunes.
Dans sa lettre au Wall Street Journal, Tom Perkins s'est plaint de la réaction publique scandalisée face à des bus de Google transportant des travailleurs du secteur de la technologie et face à la montée des prix de l'immobilier. Mais ce sont de véritables griefs. Des habitants de San Francisco qui vivaient là depuis longtemps sont déplacés à cause des prix à la location qui ne cessent d'augmenter.
Les arrêts de bus sont envahis par un parc de bus de luxe. L'industrie de la technologie bénéficie des investissements que les contribuables ont effectués dans les infrastructures publiques, l'Internet et l'éducation, sans avoir de retour ou sans qu'il y ait une reconnaissance de ces dettes envers la société.
Les sociétés de technologie de la Silicon Valley sont également déconnectées des communautés parmi lesquelles elles vivent. Elles restent à l'écart concernant les problèmes auxquels les pauvres font face. Très peu aident à la mise en place de soupes populaires, à la construction de maisons pour les sans-abris ou l'attribution de bourses pour les enfants défavorisés. Les magnats de la technologie comme Peter Thiel vont jusqu'à réprimander la valeur de l'enseignement supérieur lui-même et payer les jeunes jusqu'à 100 000 dollars pour qu'ils quittent l'université. La plupart des startup se concentrent sur la création d'applications de type réseaux sociaux stupides ou de résoudre les problèmes des riches, et c'est cela que typiquement financent les entrepreneurs capitalistes.
La Silicon Valley a un rôle important à jouer dans la résolution des problèmes du monde. C'est l'épicentre de l'innovation. La plupart des technologistes que je connais ont une conscience sociale et veulent faire ce qu'ils peuvent afin que le monde devienne un endroit plus agréable. Pourtant, ceux qui détiennent le pouvoir (la plupart des entrepreneurs capitalistes, des investisseurs providentiels super riches et des PDG) montrent systématiquement du mépris pour les causes sociales. Ils affichent un niveau d'arrogance élevé, exigent des réductions fiscales pour eux-mêmes et ont une attitude je-m'en-foutiste. Comme cela a été démontré dans la lettre de Tom Perkins, ce comportement envoie un message négatif au monde et tire la Silicon Valley vers le bas.
Il est l'heure pour l'élite de la Silicon Valley de se réveiller et de réaliser que le monde a changé et qu'elle aussi doit changer. C'est l'heure pour les entrepreneurs de technologie de se concentrer sur la résolution des grands problèmes et de rendre au monde ce qu'ils ont reçu.


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Traduction par Sylvie Ségui, JDN

Cette chronique traduite par le JDN a été publiée via le programme Influencers de LinkedIn, où s'expriment près de 300 leaders d'opinion. Retrouvez la version originale en anglais ici.