Frédéric Mazzella (Blablacar) "Plus de 20% de nos réservations se font sur mobile"

Lancé en Allemagne en avril dernier, Blablacar est aujourd'hui le leader européen du covoiturage. Entretien avec son fondateur qui présente sa stratégie d'internationalisation du service.

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Frédéric Mazzella est fondateur et CEO de Blablacar, ex-Covoiturage.fr) © S. de P. Blablacar

Où en est le développement de Blablacar ?

Blablacar est le leader européen du covoiturage avec plus de 3 millions de membres dans toute l'Europe pour un total de 600 000 passagers transportés par mois, soit l'équivalent de 1500 TGV. La société compte aujourd'hui 70 collaborateurs répartis dans six pays, dont une grande majorité est basée à notre bureau de Paris.

La société est-t-elle rentable ?

Nous sommes actuellement dans une phase de croissance et non de monétisation. Par conséquent nous avons fait le choix de réinvestir nos bénéfices pour nous permettre d'accélérer encore davantage notre développement. Nous sommes dans une logique d'investissement et la rentabilité n'est pas notre premier objectif pour le moment.

Vous vous êtes lancé récemment en Allemagne où votre concurrent Carpooling est déjà bien implanté. Réfléchissez-vous également à une implantation dans d'autres pays comme le Brésil ou en Asie, par exemple ?

Notre stratégie est avant tout de développer le meilleur produit et la meilleure expérience possible. Pour le reste, c'est l'utilisateur qui fera son choix... En ce qui concerne une implantation hors zone européenne, ce n'est vraiment pas à l'ordre du jour. S'implanter dans ces pays que vous nécessiterait de repartir de zéro... Et aujourd'hui nous avons encore beaucoup à faire en Europe pour réaliser les économies d'échelle nous permettant de disposer des moyens nécessaires à l'innovation permanente que demande notre activité.

Quels sont les critères qui interviennent lorsque vous décidez de vous implanter dans un pays et comment faîtes-vous pour y développer une communauté ?

Nous utilisons la proximité avec la France et ses frontières comme premier critère de sélection. Nous apprécions également les pays avec une grande superficie et avec plusieurs dizaines de millions d'habitants. Pour ce qui est de développer une communauté, le fait d'aller dans des pays frontaliers nous permet d'avoir déjà une base d'utilisateurs sur laquelle nous appuyer, ce qui nous permet de ne pas partir de zéro.

Enfin, nous faisons également beaucoup de pédagogie, par exemple à travers la presse, afin d'expliquer notre fonctionnement. Le bouche à oreille est aussi précieux, c'est pourquoi nous nous efforçons de développer le meilleur service possible car la première expérience d'un utilisateur est primordiale si l'on veut qu'il revienne une seconde fois.

Un mot sur votre trafic mobile ?

Il augmente rapidement et aujourd'hui plus de 20% de nos réservations de trajets se font sur le mobile. D'ailleurs de plus en plus d'entres elles sont désormais réalisées à la dernière minute. Et le mobile se montre très utile pour effectuer ces réservations tardives.

Pensez-vous que le mode de déplacement en covoiturage peut encore gagner du terrain ? Quels sont vos objectifs pour la suite ?

Il est encore difficile aujourd'hui de faire des estimations sur ce que le covoiturage pourrait représenter dans le futur mais il est clair que ce mode de transport ne cesse de faire des adeptes. Il ne s'agit pas d'un simple engouement mais plutôt du fait que l'existence d'Internet nous permet désormais de mettre en place des utilisations beaucoup plus rationnelles de nos voitures.  En ce qui concerne nos objectifs, nous voulons aujourd'hui nous concentrer pleinement sur notre expansion européenne. Nous consacrons également beaucoup d'efforts à instaurer un climat de confiance sur notre plateforme afin qu'aucun de nos membres ne puisse se montrer inquiet à l'idée de voyager avec un inconnu. Nous avons ainsi fait en sorte que les informations sur chaque membre soit le plus détaillées possibles, en leur permettant d'ajouter une photo et de préciser leurs préférences. L'idée ici est vraiment d'en savoir plus sur la personne avec qui l'on va partager un trajet.

Anciennement Covoiturage.fr, le service a été rebaptisé Blablacar en France en avril dernier. Ce changement de marque vous a-t-il fait peur ?

Changer de nom peut être quelque chose de dangereux lorsque l''on est une marque déjà connue. Dans notre cas, les bénéfices tirés de ce changement de nom, qui avait pour but d'uniformiser notre nom de marque à l'échelle européenne, valaient bien la peine de prendre ce risque. Et puis changer de nom de marque pour un site Internet s'avère souvent plus simple que pour une entreprise d'un autre secteur.  Nous avions ainsi pris nos dispositions en informant au préalable nos membres de ce changement. Le fait d'avoir ce lien direct avec nos utilisateurs, tous déjà familiers du service, n'a pas créé de problème particulier.

Quel est le modèle de revenus de Blablacar ?

Nous prélevons une commission sur le montant des réservations de trajets qui sont effectuées directement sur le site par le passager. Nous conservons l'argent que nous reversons ensuite au conducteur. Nous avons été les premiers à implanter ce modèle  de réservation en ligne dans l'univers du covoiturage. Ce modèle a joué un rôle clé dans notre succès.

En effet, avant la mise en place de ce système de réservation en ligne, plus de 35% des passagers décommandaient dans les dernières 48 heures, ils ne sont désormais plus que 4% à le faire. Nous avons donc réussi à diviser par 10 le nombre de désistements et à instaurer un effet de filtrage extrêmement positif. Le fait de payer à l'avance a changé les comportements et a notamment rassuré conducteurs et passagers, raison pour laquelle je ne crois pas aux modèles de covoiturage entièrement gratuits.

Bio : Initialement chercheur pour la NASA en Californie puis pour NTT au Japon autour des années 2000, Frédéric Mazzella revient en France et conçoit la plateforme européenne de covoiturage BlaBlaCar. Parallèlement à son activité de CEO, il enseigne également les "Stratégies Internet" à Sciences Po Paris. Frédéric Mazzella  est issu de l'ENS Ulm en Physique et est titulaire d'un Master en Informatique de l'Université de Stanford et d'un MBA à l'INSEAD.