Crowdfunding, des changements à venir…

Dès le 1er octobre 2014, un système de régulation du crowdfunding verra le jour en France via un nouveau dispositif de financement participatif. Le point sur les changements à attendre.

Le financement participatif, en anglais crowdfunding, littéralement « financement par la foule », désigne un  financement faisant appel à un grand nombre de personnes, généralement des internautes, pour qu'elles investissent les fonds nécessaires à la réalisation d'un projet artistique ou entrepreneurial au sens large. Les projets sont très divers et peuvent aller de la création de meubles à la réalisation de films en passant par l’édition de livres ou celle de jeux vidéo. La rencontre du public de « contributeurs» avec ces projets se fait via Internet grâce à des plateformes numériques d’intermédiation.

Depuis une dizaine d’années ce nouveau modèle de financement est en plein essor. Le vide juridique et l’absence de régulation ne pouvaient plus perdurer tant pour les acteurs principaux du crowdfunding que pour nos politiques… En 2012, les acteurs français du financement participatif se sont alors organisés en association dans le but de rédiger un code de déontologie, puis, de réaliser un important travail de lobbying afin d’obtenir la création d’un dispositif législatif encadrant notamment les investissements.

En février 2014, le Président de la République, François Hollande, qui avait annoncé, lors de son déplacement dans la Silicon Valley vouloir promouvoir le crowdfunding, avait aussitôt rappelé qu’il fallait créer un cadre juridique français favorable au développement de la finance participative afin d’éviter toutes les dérives liées à l’absence de transparence (escroquerie, blanchiments de capitaux etc…). Outre- Atlantique, les Etats-Unis ont aussi mis en place, le 5 avril 2012, un arsenal juridique adapté au crowdfunding par le JOBS (Jumpstart Our Business Startups) Act ayant pour but de favoriser les petites entreprises dynamiques selon le Président américain, Barack Obama. Ainsi, le JOBS Act prévoit une grande innovation avec la création d’un « funding portal » qui est un nouvelintermédiaire sur Internet, différent du courtier classique, mais intervenant également dans une transaction impliquant l’offre ou la vente de valeurs mobilières pour le compte de tiers.

La France s’inscrit dans ce sillage favorable au développement du crowdfunding avec un nouveau dispositif de financement participatif né lors de la promulgation de l’ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 qui entrera en vigueur le 1er octobre prochain.

 

Avant de présenter brièvement quelques nouveaux acteurs de ce dispositif, il convient de rappeler que les plateformes de crowdfunding peuvent être réparties en trois catégories :

  1. les plateformes consacrées aux dons, connues sous leur nom anglais « crowdgiving » ; et
  2. les plateformes permettant le financement de projet grâce à des prêts rémunérés, en anglais « crowdlending » ; et
  3. les plateformes permettant un investissement participatif avec la souscription de titres, en anglais « crowdequity ».

En l’absence de régime sui generis, c’est-à-dire de cadre juridique spécifique pour poser les règles applicables à ces types de projets, il convient d’analyser les services offerts par ces plateformes et de les rattacher à des régimes juridiques existants. Le statut des contributeurs, la nature des contrats formés sur les plateformes ainsi que les risques liés aux investissements étaient très incertains. En pratique, on constate que les projets évoluent depuis la création de la plateforme au cours de sa vie et doit donc constamment adapter son cadre juridique. La variété des services proposés sur ces plateformes complexifie l’analyse juridique qui doit être faite. En effet, le service offert peut être un service de paiement ou d’investissement ou encore une offre de titres financiers ou s’apparenter à une opération bancaire.

L’autre problème important qui se posait était celui lié au défaut de régulation des plateformes qui entraînait une opacité quant aux garanties offertes aux contributeurs. Il est satisfaisant de constater que l’ordonnance de mai 2014 tend à réguler les plateformes de crowdfunding en France. En octobre 2014, les porteurs de projets de crowdfunding devront donc faire application du nouveau dispositif sous peine de sanctions civiles et pénales. En outre, ils devront faire appel à de nouveaux acteurs. En plus des partenaires financiers pour procéder à des levées de fonds, les porteurs de projets devront parfois s’adresser à des Intermédiaires de Financement Participatif (IFP) et/ou des Conseillers en Investissement Participatif (CIP).

S’agissant des plateformes de Crowdlending, il sera possible d’investir à hauteur d’un million d’euros. Un statut d’IFP a été créé pour les plateformes de prêt sans minimum de fonds propres, il peut donc d’agir de prêts à titre onéreux ou à titre gratuit. L’IFP est soumis à des règles de bonne conduite et d’organisation, et à l’obligation de souscrire un contrat d’assurance de responsabilité civile professionnelle et est placé sous la tutelle de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR).

Concernant les plateformes de Crowdequity, bien qu’elles permettent la création de titres, en-dessous du plafond de levée de fonds fixé à un million d’euros, elles échapperont aux contraintes de l’Autorité des Marchés Financiers(AMF), comme l’avait annoncé Fleur PELLERIN, ministre déléguée chargée des PME, de l’Innovation et de l’Economie numérique,  en février dernier.

Aux côtés de l’IFP, des CIP pourront donc intervenir. L’ordonnance du 30 mai 2014 définit son statut. Il s’agit de personnes morales exerçant à titre de profession habituelle une activité de conseil en investissement portant sur des offres de titres de capital et de titres de créance définies par décret. Cette activité est menée au moyen d'un site Internet remplissant les caractéristiques fixées par le règlement général de l’AMF. Ils devront notamment s'assurer :


« 1° Que les sociétés dans lesquelles leurs clients investissent directement ou indirectement par une société dont l'objet est de détenir et de gérer des participations dans une autre société respectent, le cas échéant, les dispositions de l'article L. 227-2-1 du code de commerce ;


« 2° Lorsque la société dans laquelle leurs clients investissent a pour objet de détenir des participations dans une autre société, que leurs intérêts ne sont pas lésés et qu'ils disposent de toutes les informations nécessaires à l'appréciation de leur investissement, notamment qu'ils sont, le cas échéant, destinataires du rapport du commissaire aux comptes, aux associés approuvant les comptes. ».

L’ordonnance du 30 mai 2014 prévoit que ces CIP pourront fournir aux entreprises le service connexe d’une prestation de prise en charge des bulletins de souscription dans les conditions définies dans le règlement général de l’AMF. L’ordonnance précise qu’ils « ne peuvent à titre de profession habituelle donner de consultations juridiques ou rédiger d'actes sous seing privé pour autrui que dans les conditions et limites des articles 54, 55 et 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ». Aussi, il pourra être impératif de renforcer ces prestations par celles d’un conseil juridique tel qu’un avocat afin de sécuriser les risques juridiques.

Enfin, il conviendra d’être particulièrement vigilent sur le traitement fiscal du crowdfunding tant du côté des contributeurs que des sociétés à l’initiative des projets, qui font appel à des investissements.

Il faut saluer l’initiative de création d’un label pour les plateformes de financement participatif. Ce label permettra aux internautes de déterminer les plateformes crédibles des autres qui ne respecteraient ni le cadre juridique ni leurs investisseurs

Anne-Katel Martineau, Avocat au Barreau de ParisElle est intervenue en qualité de conseil sur de nombreux projets de crowdfunding en France et aux Etats-Unis dès 2008. En 2011, elle avait été interviewée par Bruno FRIDLANSKY sur le financement participatif (interview publiée sur le blog Locita). En février 2015, elle sera à Siem Reap au Cambodge pour animer une conférence sur le crowdfunding lors de AngkorPAT- IPR PEOPLE ARTS TECHNOLOGIES organisée par Maître Thum BRANLY.