Gary Shapiro (CES Las Vegas) "Nous cherchons à réduire le nombre de visiteurs du CES"

Le président de la Consumer technology association, qui organise le CES Las Vegas, détaille les tendances de l'édition 2020 et répond aux critiques faites au plus grand salon tech du monde ces dernières années.

JDN. Quelles tendances fortes attendez-vous au CES 2020 ?

Gary Shapiro et le président et CEO de la Consumer technology association. © CES

Gary Shapiro. Nous verrons davantage d'entreprises dans le secteur des mobilités et l'écosystème automobile, ainsi que de nouveaux appareils comme les trottinettes ou des hélicoptères de transport. Nous n'avons même plus assez de place pour tous les accueillir dans le North Hall, réservé aux mobilités. Nous sommes d'ailleurs totalement à court d'espace supplémentaire. Heureusement, un nouveau bâtiment d'exposition devrait être prêt pour l'édition 2021. Parmi les autres tendances, les technologies de santé, de sport et d'activité continueront à prendre de l'importance. Tout comme l'industrie du voyage. Le CEO de la compagnie aérienne Delta animera notamment une keynote lors de laquelle il expliquera comment sa société devient une entreprise technologique. L'espace dédié aux smart cities s'agrandira également. Sans oublier l'IA, qui restera une énorme tendance.

Entre les smart cities ou des acteurs comme les équipementiers auto, le CES, historiquement grand public, est-il en train de devenir B2B ?

C'est vrai, nous avons évolué car les innovations ont évolué. Désormais, près d'un tiers du salon porte sur du B2B, avec des grands noms comme Panasonic ou Intel, ainsi que toute la chaîne de valeur de l'industrie auto. Et cette proportion est en augmentation. Beaucoup de dirigeants des industries traditionnelles se rendent compte qu'ils doivent se trouver des partenaires pour innover, sans quoi leurs produits deviendront des commodités.

Que pensez-vous de la taille de la délégation française envoyée l'année dernière et critiquée, notamment par le JDN, pour sa taille disproportionnée ?

Le nombre d'entreprises françaises devrait être proche de celui de l'année dernière (autour de 400, ndlr) et nous n'avons de toute façon plus de place pour augmenter le nombre d'exposants à l'Eureka Park (l'espace d'exposition du CES dédié aux start-up, ndlr). J'ai discuté avec Business France, qui souhaite cette année centraliser d'avantage le pavillon français, plutôt que de laisser les régions choisir les start-up. Mais je ne pense pas qu'il y a trop de start-up, car la philosophie du CES est de permettre à n'importe qui avec une idée d'exposer à des partenaires potentiels.

Pourquoi laisser faire cette course à l'échalote entre pays plutôt que de réfléchir en termes d'entreprises et d'innovations ?

"Il n'y a pas besoin d'être innovant pour exposer au CES Las Vegas"

Lorsqu'un pays construit un stand il envoie aux autres le message "Voilà qui nous sommes, nous souhaitons attirer les talents, venez chez nous". C'est ce qu'Emmanuel Macron avait réussi à faire lorsqu'il s'était rendu au CES en 2016 (en tant que ministre de l'Economie, ndlr). Cela a changé la réputation de la France dans le monde entier. Désormais, de nombreux pays viennent nous voir et disent "nous voulons être comme la France". Par ailleurs, avoir des stands par pays a du sens pour regrouper les entreprises et visiteurs parlant la même langue.

Les produits de certains exposants n'ont aucunes perspectives commerciales sérieuses et ne finiront jamais dans les mains des consommateurs. Ne devriez-vous pas être plus sélectifs ?

Nous refusons des centaines d'exposants qui ne rentrent pas dans les catégories de produits que nous avons définies. Mais il n'est pas nécessaire d'être innovant pour exposer au CES Las Vegas, seulement de rentrer dans ces catégories. Contrairement à notre édition chinoise, où les entreprises doivent avoir une marque reconnue et proposer des produits innovants, car le contexte est différent et les entreprises sur places sont en attente d'un événement plus petit et qualitatif que ceux qui existaient déjà. A Las Vegas, il est normal que vous voyiez des produits expérimentaux ou qui ne sortent jamais. Nous conseillons justement aux start-up de ne pas se ruiner pour arriver au CES avec des produits finis. Car pendant quatre jours, elles seront confrontées aux critiques d'autres start-up, de journalistes ou d'investisseurs. Ces retours changeront leur business et leur produit. C'est précisément à cela que sert l'Eureka Park.

Le CES est passé de 150 000 visiteurs en 2011 à environ 180 000 ces dernières années, tout en étendant sa superficie jusqu'à 270 000 mètres carrés, répartis en différents endroits de Las Vegas. A quel point pouvez-vous encore croître avant que cela ne devienne insoutenable ?

C'est toujours soutenable car venir au CES est extrêmement efficace. Le visiteur moyen a 33 rendez-vous pendant le salon. S'il devait prendre l'avion pour se rendre à tous ces rendez-vous individuellement, cela lui prendrait des mois. Mais nous cherchons en effet à réduire le nombre de visiteurs, qui est en baisse ces deux dernières années. Nous avons notamment réduit la durée de la période d'inscription, limité le nombre de pass gratuits et sommes devenus plus pointilleux sur les références des visiteurs. Nous avons aussi augmenté les prix. Mais il n'est pas simple de diminuer l'affluence. Par exemple, certaines augmentations de prix, comme ceux des conférences autrefois gratuites, ont tendance à augmenter la valeur perçue et à provoquer davantage de visites.