Et si nos prochaines licornes européennes étaient moins numériques que responsables ?

Notre gouvernement a affirmé récemment vouloir récompenser la désormais auto-proclamée "Start-up nation" grâce à la somme de 40 milliards d’euros, au soutien des pépites technologiques les plus prometteuses. Si cette annonce reste bien évidemment une excellente nouvelle pour l'attractivité de notre pays, il est également judicieux de s'interroger sur le choix d’un seul cheval de bataille : le numérique, à défaut d’autres critères qui paraissent essentiels comme l'innovation sociale.

Il y a quelques mois, nous nous sommes réjouis de voir notre Gouvernement désigner les 40 pépites technologiques les plus prometteuses de l’Hexagone, et débloquer dans le même temps la somme de 40 milliards d’euros, au soutien de la désormais auto-proclamée « Start-up nation ». Si cette dynamique est évidemment une excellente nouvelle pour l’attractivité de notre pays, il me paraît judicieux de nous interroger sur le choix d’un seul et unique cheval de bataille - à savoir le numérique - sans aucune autre considération.

Tandis qu’il semble en effet peu probable que nous puissions un jour rattraper les géants américains et chinois sur ce terrain, ne devrions-nous pas capitaliser à échelle européenne sur nos atouts intrinsèques en faveur d’une économie plus respectueuse de nos valeurs historiques ?

L’Europe, terre de conscience sociale

Il me semble ici fondamental de rappeler en premier lieu que notre Histoire, et in fine, notre Culture aujourd’hui, constituent un héritage social inégalé et inégalable sur la planète. Tandis qu’un pays comme la Chine aura tendance à mettre la notion de « groupe » au premier plan, et que les Etats-Unis se focaliseront davantage sur « l’individu », nous disposons en Europe de parties prenantes solides (gouvernements, entreprises, collectivités, associations) qui ont l’habitude de dialoguer ensemble, et où la liberté individuelle et l’intérêt général vont de pair.

En outre même les catastrophes qui ont émaillé l’histoire de l’Europe au cours du siècle dernier ont contribué à renforcer cette vigilance toute particulière que nous nous efforçons chaque jour d’apporter, à nos concitoyens, à nos entreprises et à notre environnement. Un atypisme qui se confirme malheureusement chaque jour un peu plus sur l’échiquier politique international…

L’Union Européenne, organisation d’innovation sociale

Souvent qualifiées d’imparfaites, nos démocraties européennes ont pour autant le mérite de compter parmi les plus inclusives du monde. Tirées vers le haut par des pays comme le Danemark ou la France (pour ne citer qu’eux), ces dernières invitent en effet constamment toutes les parties prenantes à la table des grands arbitrages économiques, donnant ainsi à nos entreprises une conscience et un rôle politique quasi innés. Tandis que nos voisins outre-atlantique s’évertuent à promouvoir, depuis quelques mois seulement, la notion de « purpose » (c’est-à-dire de but ou de mission au sens contribution sociétale du terme), nous partons donc avec une énorme longueur d’avance, épargnés que nous sommes d’un Président climato-sceptique…

En conséquence, l’Europe, et la France en tête, disposent d’un cadre législatif de pointe au sujet de l’entreprenariat social (citons par exemple la création récente du statut « d’entreprise à mission »). En conséquence également, nos entrepreneurs sont naturellement les plus innovants sur le secteur de l’Impact.

Alors que nous manque-t-il pour propulser à l’échelle mondiale les prochaines licornes de l’entreprenariat social ? En premier lieu, un renforcement des cadres réglementaires et législatifs existants (notamment via la loi PACTE, encore imparfaite). En second lieu, une meilleure collaboration européenne pour des réponses adaptées aux enjeux internationaux (sociaux, économiques et écologiques). Et puis des fonds également, c’est une évidence.

Mais ce n’est pas tout. Enfin, et surtout, je pense qu’il nous manque encore un peu de courage : celui d’oser revendiquer sur la scène internationale notre différence, celui d’oser croire en des profils d’entreprise et d’entrepreneur nouveaux, celui d’affronter son histoire, en somme, pour mieux préparer son avenir.