Les start-up françaises ont levé plus de fonds en six mois que durant tout 2020

Les start-up françaises ont levé plus de fonds en six mois que durant tout 2020 Avec déjà 4,8 milliards d'euros investis durant le premier semestre, le capital-risque français se dirige vers une année hors-normes. Les fonds levés pourraient atteindre 8 milliards d'euros en 2021.

Les levées de fonds françaises ont connu une spectaculaire accélération durant le premier semestre 2021. D'après les données collectées par le JDN, les start-up hexagonales ont levé presque 4,8 milliards d'euros durant les six premiers mois de l'année, soit un peu plus que durant toute l'année 2020 (4,6 milliards d'euros). Une performance d'autant plus notable que l'année 2020 n'avait pas été si mauvaise malgré la crise du coronavirus, le secteur s'accordant même une légère croissance par rapport à 2019 (4,4 milliards d'euros).

Cette envolée est notamment portée par une poignée de méga-levées de la part de start-up atteignant des niveaux de maturité qui les rapprochent de la Bourse. Ainsi, les dix plus grosses opérations du premier semestre 2021 pèsent pour plus de 40% du total des fonds levés, alors qu'elles s'accaparaient "seulement", 29% du total en 2020. L'autre grand bénéficiaire est le secteur de la fintech, qui s'arroge un quart des fonds levés au premier semestre 2021, contre 13% en 2020. Les fintech ont levé 1,2 milliard d'euros sur les six premiers mois de l'année, soit deux fois plus que durant toute l'année 2020. Parmi les autres performances notables dans une moindre mesure, les e-RH ont déjà dépassé le niveau d'investissement de l'année dernière, les mobilités l'ont plus que triplé, et le retail s'en approche. 

© JDN

Comment expliquer cette accélération ? Faut-il s'attendre à une accalmie après une première moitié d'année aussi chargée ? "Il peut y avoir des effets de saisonnalité, mais ce n'est pas un coup ponctuel, car l'écosystème est en train de changer d'échelle", assure le directeur exécutif de Bpifrance Paul-François Fournier. "Nous estimons que les investissements pourraient dépasser les 8 milliards d'euros en 2021 et s'établir entre 12 et 15 milliards annuels à l'horizon 2025."

Parmi les explications de ce changement d'échelle, on peut citer l'arrivée dans les tours de table français de poids lourds internationaux du capital-risque comme Temasek, Softbank ou Tiger, qui entrent le plus souvent au capital de start-up lors de leurs derniers tours de table avant d'aller en Bourse, signe de la maturité grandissante de l'écosystème français. Ces investisseurs internationaux se rendent de plus en plus compte que la tech française et européenne, sous-valorisée par rapport aux Etats-Unis ou à l'Asie, peut leur offrir d'excellents retours sur investissement. "Les fonds français aussi ont changé de taille et d'échelle", ajoute Paul François Fournier, citant l'exemple d'Eurazeo, qui a bouclé un nouveau véhicule d'investissement de 1,9 milliard d'euros en juillet, le plus gros jamais créé en Europe. 

Créer des petits, propulser les gros

Cette avalanche de cash est provoquée en partie par l'arrivée de gros fonds de pensions et des gestionnaires d'actifs étrangers en tant qu'investisseurs de ces fonds de capital-risque, alors qu'ils officient plutôt sur les marchés boursiers historiquement. Certains d'entre eux commencent même à investir directement dans des start-up françaises, par exemple BlackRock, qui a participé à la plus grosse levée de 2021 et de l'histoire en France, celle de Contensquare (500 millions de dollars).

Les prochains défis pour maintenir la dynamique de l'écosystème se trouvent aux deux extrémités de la chaîne. D'un côté, il faut continuer à assurer un flux de créations de nouvelles start-up et un certain volume d'opérations, qui ont eu tous deux eu tendance à stagner ces dernières années. "Il existe d'énormes réservoirs chez les deep tech, ces start-up qui sortent des laboratoires de recherche et sont en train de créer les technologies industrielles de demain", estime Paul-François Fournier. Il précise que Bpifrance a d'ailleurs revu à la hausse son plan d'investissement dans les deeptech sur les cinq prochaines années, passant de 1,3 milliard d'euros à 2 milliards. A l'autre bout de la chaîne, il faudra gérer les entrées en Bourse des start-up arrivées à maturité et tenter, pour les acteurs publics et la place financière parisienne, de les faire résister aux sirènes américaines du Nasdaq. "Certains iront, et nous le comprenons très bien, mais pour d'autres start-up plus axées sur le marché européen, une cotation aux Etats-Unis n'est pas adaptée", plaide Paul-François Fournier. Continuer à semer sans oublier de récolter, en somme.