Les poids lourds de la crypto favorables à une régulation commune en Europe... sous conditions

Les poids lourds de la crypto favorables à une régulation commune en Europe... sous conditions Lors du dernier Paris Blockchain Week Summit, les principales entreprises du secteur ont confié au JDN leur enthousiasme face au projet de loi MiCa.

A l'occasion du dernier Paris Blockchain Week Summit, les principaux acteurs de l'écosystème crypto que nous avons rencontrés ont affirmé leur soutien au projet de loi MiCa (Market in Crytpo assets, ndlr), qui doit à nouveau être discuté le 28 avril prochain par les régulateurs européens. Le texte a vocation à supplanter les différentes législations au profit d'une harmonisation européenne.

"Depuis que l'examen de MiCa a accéléré, le marché des cryptos a bénéficié d'une dynamique encourageante", observe David Prinçay, directeur général de Binance France. Une corrélation qui traduirait donc une relation de confiance grandissante entre les institutions et le secteur crypto, selon le dirigeant. Un secteur séduit à l'idée de lutter contre les disparités réglementaires actuelles pour favoriser l'émergence d'un marché stable, accessible et sécurisé. "Pour vendre de la crypto monnaie aux institutions, il faut un cadre réglementaire qui puisse les rassurer", confirme Jean-Baptiste Graftieaux, CEO Europe chez Bitstamp.

Une mise en place délicate

Dans la vie comme dans les affaires, la confiance est à la base d'une relation saine. Le secteur des crypto-monnaies n'échappe pas à la règle. L'objectif est donc de créer un socle qui favorise à la fois la sécurité et l'innovation de l'écosystème crypto, sans que l'une ne nuise à l'autre. Le souvenir récent d'une éventuelle interdiction des actifs reposant sur le proof of work (Bitcoin, Ethereum, Litecoin…, ndlr), finalement abandonné , rappelle à lui seul l'ampleur des incompréhensions.

Bien que la perspective d'une régulation unique séduise les acteurs de la crypto, ces derniers réclament tout de même un cadre règlementaire qui soit "adapté et proportionné", confie Jean-Baptiste Graftieaux. Ce qui refroidit les députés européens, c'est d'abord la peur de voir les crypto monnaies servir la cause du blanchiment d'argent et du financement du terrorisme. Une crainte "absurde", selon Matthieu Bouchaud, senior product manager chez Consensys, qui insiste sur le fait que les fournisseurs de services de crypto-actifs (CASP) sont déjà soumis à la législation de la Financial Action Task Force, le groupe d'action financière intergouvernemental. Le texte soumis au Parlement européen prévoit cependant d'imposer un contrôle systématique de toutes les transactions, ce qui n'est pas le cas pour la finance traditionnelle.

C'est un volet du texte qui menace également les portefeuilles non-hébergés, de type Ledger, autre point de discorde majeur. "C'est un peu comme si on nous obligeait à déclarer chaque pièce que l'on sort de notre porte-monnaie", compare David Prinçay, qui insiste sur le caractère proportionnel que devrait prendre la législation des crypto-actifs.

Lobbying

"On est déjà dans l'obligation de se soumettre aux lois anti-blanchiment et d'être irréprochable dans l'approche KYC avec tout un package de mesures. On partage nos données, nos processus et on effectue des audits rigoureux du parcours token, tous les acteurs ne jouent pas le jeu mais la plupart si", poursuit Matthieu Bouchaud.

Contre la méconnaissance des institutions, "on fait pas mal de lobbying et d'éducation pour présenter et promouvoir les principaux sujets", explique Matthieu Bouchaud. Dernier exemple en date avec le recrutement de Stéphanie Cabossioras, ex-directrice adjointe des affaires juridiques à l'autorité des marchés financiers (AMF, ndlr), qui a consolidé l'effectif de Binance France en qualité de directrice juridique.

L'industrie crypto s'est fixée pour objectif de sensibiliser les décideurs à l'opportunité que constitue ce secteur tant en matière d'emploi que d'avancée technologique ou même de souveraineté européenne. "L'Europe a manqué le train du web2, aujourd'hui elle se retrouve dans une position qui peut faire d'elle le leader mondial du web3, et ça se joue maintenant", alerte Fabien Poggi, CEO du développeur d'API français Starton. Pour ce faire, trois initiatives vont avoir leur importance : l'investissement, l'éducation et l'innovation, estime-t-il.

"Quand PayPal a été conçu, il fallait faire en sorte de limiter les erreurs de transaction, ils ont donc fait en sorte de créer des briques de compliance, d'audit et d'identification de scams. Aujourd'hui c'est la solution la plus utilisée et sécurisée dans le monde", rappelle Matthieu Bouchaud. L'idée est donc de reproduire ce processus à l'échelle des cryptomonnaies. "C'est un vrai sujet, il faut se battre et on ne va pas lâcher", prévient David Prinçay.