(article modifié le 16/05/06 à 9h55) Alors que les alternatives à la carte bleue se développent pour
contourner le problème du plafonnement des paiements (lire
le premier volet de l'enquête
du 11/05/06), une deuxième contrainte pèse sur les paiements
en ligne, à savoir le règlement des petits montants sur Internet.
Si les consommateurs américains affirment être prêts à utiliser
leurs cartes de crédit et de paiement pour régler des petits
montants de moins de cinq dollars, sur la Toile française,
en revanche, cet usage est encore loin de s'imposer. C'est pourquoi,
les solutions alternatives dévolues au paiement des petits montants
et des micropaiements affichent des taux de progression importants,
à mesure que le marché des services et des contenus premium
sur Internet affiche une croissance non négligeable.
Bien que représentant une très petite part au sein du e-commerce
BtoC, de l'ordre de 2 à 3 %, la vente de services ou de
contenus payants en ligne est en forte progression outre-Atlantique.
Selon l'étude annuelle de l'Online Publisher Association, les
internautes américains ont dépensé 2 milliards de dollars en
2005 pour l'achat de contenus premium, soit une croissance annuelle
de 15 % et de plus de 200 % par rapport à 2001. En moyenne,
les dépenses pour ces contenus payants ont passé la barre des
100 dollars en 2005. Au quatrième trimestre, le nombre de consommateurs
de contenus payants concerne 20,6 millions d'Américains, même
si la part d'internautes achetant des contenus premium reste
stable d'une année sur l'autre, de l'ordre de 11,5 % de la population
internaute.
En tête des catégories, celle du divertissement
- qui comprend notamment le téléchargement payant de musique
en ligne - a enregistré un chiffre d'affaires de 573,8
millions de dollars, soit 38,8 % de croissance annuelle.
Si de manière globale, les abonnements mensuels ou annuels restent
le modèle dominant pour l'accès à ces services premium, représentant
les quatre cinquièmes de ce marché aux Etats-Unis, sur le segment
du divertissement, les achats à l'unité grimpent de 61 %
en un an : ils totalisant 442,2 millions de dollars et
s'arrogent une part de marché de 52,9 %. Sur 2005, l'achat
à l'unité de contenus premium progresse donc au global de 40 %,
passant de seulement 15,4 % en 2004 à 21,6 % en 2005.
De fait, cette progression des achats de services ou de contenus
premium à l'unité remet à l'ordre du jour la question des moyens
de paiement pour les petits et les très petits montants. Si
les petits montants compris entre 5 et 49,99 dollars constituent
la catégorie la plus importante avec un chiffre d'affaires de
294,9 millions de dollars en 2005 (contre 192,3 millions en
2004), les montants compris en 0 et 4,99 dollars passent de
17,9 % en 2004 à 23,7 % des paiements à l'unité en 2005,
toujours selon l'étude de l'OPA. Le chiffre d'affaires des achats
de services et contenus premium dont les montants sont inférieurs
à 5 dollars a atteint 105 millions de dollars en 2005, contre
49,2 millions en 2004.
Les
cyberacheteurs français réticents à
payer des petits montants par carte bancaire |
Toutefois, cette nouvelle tendance n'impacte que peu les internautes
américains qui commencent à utiliser davantage leur carte de
crédit ou de paiement pour l'achat d'articles de moins de cinq
euros, selon l'enquête Ipsos Insight réalisée en décembre 2005.
En revanche, en France, les cyberacheteurs hésitent encore à
faire usage de leur carte bleue pour payer des petits montants.
Pour Rentabiliweb, une plate-forme de services de micropaiement
qui a noué des partenariats avec une quinzaine de fournisseurs
de solutions, la part de la carte bancaire représente plus de
35 % des paiements de biens matériels, mais moins de 35 %
des paiements de services en ligne et s'avère en régression
de 5 % sur l'année 2005.
Aussi, dans ce marché du paiement de petits montants en
ligne, qui représente toutefois moins de 1 % du marché du e-commerce
BtoC en France, la diversité des solutions de micropaiement
proposées aux internautes reste donc toujours d'actualité et
a montré son dynamisme sur le Web au cours de l'année 2005,
via le lancement de plusieurs nouvelles solutions.
Au rang des nouveautés figurent les cartes pré-payées d'un montant
de 10 à 30 euros pour Ticket-Surf, une société essaimée
du groupe France Télécom lancée en mai 2005, et
de 10 à 50 euros pour NéoSurf, l'offre de Delta Multimédia,
qui a annoncé son ouverture le mois suivant (lire l'article
du 06/06/05). Ces nouvelles offres de cartes prépayées se
sont positionnées en priorité sur le marché des services et
des contenus payants en ligne, incluant les jeux, la VOD, la
musique, les services pratiques ou encore les petites annonces.
"Nous nous positionnons très clairement un marché de niche,
à savoir celui des jeunes de 12-25 ans non bancarisés d'une
part, et d'autre part des personnes de 25 à 45 ans qui ne souhaitent
pas utiliser leurs cartes bancaires pour payer des petits montants
en ligne. Nous leur offrons ainsi une solution d'argent de poche",
explique Gilles Moro, fondateur et PDG de Ticket-Surf.
Les
cartes prépayées pour les internautes non
bancarisés |
Cependant, Ticket Surf - qui termine une seconde levée
de fonds pour un déploiement à l'international - envisage
également de développer des partenariats sur les biens matériels
de petits montants d'ici la fin du mois. D'autre part, si pour
l'heure, la plus grande partie des cartes sont achetées via
son portail Internet, et donc par cartes bancaires, l'objectif
de la société consiste à réaliser 80 % de ses ventes à
travers son réseau physique, étendu à toute la France depuis
fin avril, et 20 % par Internet et par téléphone.
Autre nouveauté apparue au cours du mois de juin 2005 :
l'offre Internet Plus, dont w-HA, filiale de France Télécom
est l'opérateur technique assurant les transactions de micropaiement
sur Internet. Cette association qui a été créée à l'initiative
de cinq FAI (Alice, AOL, Neuf Cegetel, Club Internet, Wanadoo)
et des associations professionnelles, permet aux internautes
de régler certains services ou contenus payants via un paiement
réalisé par l'intermédiaire de leur fournisseur d'accès à Internet.
A la différence de Ticket Surf qui envisage d'ouvrir sa solution
de paiement aux biens physiques, Internet Plus se cantonne aux
services et contenus premium. "Internet Plus n'a pas vocation
à s'ouvrir à des services autres que ceux livrables sur le canal
Internet, car à la différence des contenus et services en ligne,
les FAI n'ont pas la possibilité de garantir la bonne livraison
de produits physiques", explique Olivier Bon, directeur ligne
de solutions Kiosques chez France Télécom et président d'Internet
Plus.
Internet
Plus focalisé sur les services livrables en ligne |
L'association compte plus de 71 partenaires éditeurs de contenus
premium. Les secteurs des jeux, des médias et des services dits
"intelligents" sont ceux qui progressent le plus, selon le président.
"Au-delà du modèle fondé sur la publicité, il était important
de développer des services premium. Aujourd'hui, nous proposons
un système de paiement particulièrement ergonomique qui offre
aux cyberacheteurs un confort et une facilité d'achat. Dès lors,
face au développement de ces solutions de micropaiement en ligne,
un certain nombre de services payants novateurs peuvent dorénavant
être imaginés".
Sur les 6 premiers mois de son activité, le service Internet
Plus a enregistré un chiffre d'affaires de 6,3 millions d'euros
(lire l'article
du 02/02/06) et envisage un chiffre d'affaires de 15 à 20
millions d'euros pour la fin de l'année 2006. Le panier moyen
de ces 2,7 millions de transactions réalisées au cours du second
semestre 2005, de l'ordre de 2,3 euros, est désormais monté
à 2,5 euros. D'ici la fin de l'année 2006, l'association compte
lancer un système d'abonnement qui serait également payé via
la facture du FAI. "Cette solution d'abonnement ne concernera
toujours que les petits montants de quelques euros, mais qui
sont récurrents", précise Olivier Bon.
Ces différentes nouvelles offres viennent donc compléter le paysage des diverses solutions de paiements plus anciennes, telles que les solutions de portefeuille comme Paypal, largement positionné sur le micropaiement, l'Audiotel, ou le SMS surtaxé. Pour Rentabiliweb qui enregistre plus de deux millions de transactions par mois allant de 0,5 à 20 euros, si le paiement via Internet Plus est en progression, et si Paypal baisse très nettement, l'Audiotel demeure le moyen de paiement le plus important, générant 60 % du chiffre d'affaires de la plate-forme en France. "Mais il est regrettable que le plus haut palier de l'Audiotel fixé par l'Etat français et l'Arcep soit limité à 1,68 euros en France, tandis qu'en Suisse, les montants peuvent s'élever jusqu'à 30 euros. Ceci qui limite les potentialités de cette solution de paiement pour l'achat en ligne", déclare Jean-Baptiste Descroix Vernier, le fondateur de Rentabiliweb.
SMS
Plus plébiscité par les jeunes cyberacheteurs |
Autre solution de paiement qui s'avère en forte croissance pour
cette plate-forme de paiement : le SMS surtaxé dont le
chiffre d'affaires est en croissance de 25 % sur 2005,
plébiscité notamment par une cible de cyberacheteurs plus jeune.
En effet, SMS Plus, opéré également par w-HA, a publié
des chiffres en forte hausse sur l'année : cette association
née en juin 2002 qui permet aux opérateurs de téléphonie mobile
(Bouygues Telecom, Orange France, SFR) de disposer d'une offre
de paiement via l'envoi d'un SMS surtaxé, voit son chiffre d'affaires
progresser de 37 % en 2005, à 184 millions d'euros hors taxes,
ce qui représente une moyenne mensuelle de 15,3 millions d'euros.
En termes de trafic, le nombre d'envois de SMS surtaxés a bondi
de 59 % à 361 millions d'envois en 2005, contre 228 millions
en 2004, soit en moyenne de 30,1 millions de SMS surtaxés envoyés
par mois. Cette offre rencontre tant l'adhésion des utilisateurs
que des éditeurs, qui étaient 180 fin 2005.
Le constat est également le même chez Hi-Media, qui a
racheté Mediapass et Allopass pour construire un guichet unique
et qui gère également plus de deux millions de transactions
par mois, d'un montant moyen de 1,81 euros TTC. "Plus d'un million
d'internautes consomment à l'heure actuelle des codes, ce qui
fait du micropaiement un mode de paiement alternatif extrêmement
important, déclare Eric Giordano, directeur du pôle micropaiement
de Hi-Media. Le micro paiement peut par exemple être utilisé
pour déclencher un abonnement, notamment pour les médias, et
son potentiel est très important sur le secteur du BtoB". Selon
les estimations de la société, son chiffre d'affaires sur cette
activité de micropaiement devrait être de l'ordre de 30 millions
d'euros en 2006.
Les diverses solutions de micropaiement qui cohabitent bien
souvent sur les sites des éditeurs pourraient donc à
l'avenir grignoter des parts de marché à la carte bleue en raison
de leur simplicité d'usage.
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