|
Avocate
aux barreaux de Paris et New-York, correspondante
Juriscom.net.
Cabinet Baker & McKenzie |
|
|
|
Avec le recul, il est possible de mesurer l'apport
mais aussi les manques de la directive européenne du 22 mai
2001 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société
de l'information.
Des risques
d'obsolescence
L'
objectif affiché était pourtant
clair :
adapter le droit d'auteur et les droits voisins au nouvel
environnement numérique, aux évolutions technologiques
qui ont multiplié et diversifié les vecteurs de création,
de production et d'exploitation des uvres afin de favoriser
le développement de la société de l'information en Europe.
La directive prend ainsi le soin, dans ses
articles 2 à
4, de réaffirmer l'applicabilité dans cet espace des règles
existantes en matière de droit d'auteur et de droits voisins,
et notamment le principe du droit exclusif pour les auteurs,
les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes
d'interdire la reproduction, la représentation, la communication,
la mise à disposition et la distribution de leurs uvres.
Elle légitime ainsi expressément la protection du droit
d'auteur et des droits voisins dans ce nouvel environnement
numérique.
Mais de quel environnement numérique est-il question en réalité
? La directive a été adoptée à la suite des Traités
de l'Organisation Mondiale pour la Propriété Intellectuelle
(OMPI) signés par l'Union européenne, qu'il était nécessaire
d'intégrer dans l'ordre juridique communautaire. Or ces traités
(Traité sur le droit d'auteur et Traité sur les interprétations
et exécutions et les phonogrammes) datent du 20 décembre 1996,
et prennent en considération
un environnement technique
aujourd'hui largement dépassé. Ainsi
le peer-to-peer
n'a pas été directement traité par la directive, qui ne fournit
aucune
qualification juridique aux actes de téléchargement via les
réseaux.
Une
harmonisation incertaine
Loin de réaliser son objectif d'harmonisation des dispositions
législatives des Etats membres sur le droit d'auteur et les
droits voisins, la directive laisse subsister des disparités.
Cette constatation prend tout son sens lorsque l'on se penche
sur l'
article 5 de la directive, qui prévoit pas moins
de
21 exceptions au droit d'auteur et aux droits voisins,
dont seule une est obligatoire : celle relative aux actes
de reproduction provisoire qui présentent un caractère accessoire
ou transitoire. Il s'agit là des copies temporaires des pages
les plus consultées réalisées par les FAI sur leurs serveurs,
et des actes permettant le "browsing" ou survol des sites,
copies d'une très courte durée de vie. Autant dire que l'exception
est extrêmement limitée.
Pour le reste, la directive propose l'adoption - facultative -
de 20 exceptions au droit de reproduction et de représentation,
qui reflètent les options par les législations de chacun des
Etats membres de l'Union européenne. C'est donc toute une
mosaïque d'exceptions qui sont laissées à la libre appréciation
des législateurs nationaux. Ces derniers peuvent soit
rester dans les limites de leurs propres traditions juridiques,
soit piocher ici ou là des exceptions nouvelles.
On pourrait dès lors espérer que le fameux "
test des trois
étapes" vienne permettre une interprétation cohérente
des exceptions au niveau communautaire. Ce test prévoit en
effet que toute exception au droit d'auteur et aux droits
voisins doit
constituer un cas spécial,
ne pas porter
atteinte à l'exploitation normale des uvres protégées, ni
causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des
titulaires de droits. Néanmoins, aucune interprétation
précise de ce test n'a été donnée au niveau communautaire.
D'importantes
lacunes
Dernier point,
la directive n'intègre pas les problématiques
essentielles et actuelles de la société de l'information
:
le logiciel libre ou l'interopérabilité entre plates-formes
et systèmes. La directive ne concerne en aucun cas le droit
des logiciels, ni même le droit des bases de données, qui
ont fait l'objet de directives spécifiques en 1991 et 1996,
transposées en droit interne. Ceci veut dire, concrètement,
que
les dispositions relatives notamment aux mesures techniques
de protection n'ont pas vocation à s'appliquer aux logiciels.