Par
Benoît
Tabaka,
du
cabinet d'avocats Landwell & Partners.
NB : cet article a fait
l'objet d'une
première publication sur Juriscom.net
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Le Code électoral précise
dans son article L. 49 qu'il "est interdit de distribuer
ou de faire distribuer, le jour du scrutin, des bulletins,
circulaires et autres documents. A partir de la veille
du scrutin à zéro heures, il est interdit de diffuser
par tout moyen de communication audiovisuelle tout message
ayant le caractère de propagande électorale". Cet article
a pour objectif d'éviter d'une part, l'exercice de toute
pression sur l'électeur et ainsi lui permettre de voter
de manière libre et éclairée et, d'autre part, de toujours
permettre aux candidats d'avoir une possibilité de répondre
en cas d'attaques de dernière minute émanant de leurs
opposants.
La
violation d'une telle interdiction peut aboutir à l'annulation
de l'élection. Tel fut notamment le cas de l'affaire
dite du Vrai Journal [10]. En l'espèce, le jour
du second tour d'une élection législative partielle,
Canal Plus, dans son émission en clair "Le Vrai Journal",
avait diffusé une séquence invitant les électeurs à
se rendre aux urnes et à ne pas voter en faveur du Front
national. La séquence en question, indiquait en effet
que "A Toulon, Adriano a oublié que les électeurs du
Front national, eux, ne feront pas la grasse matinée
toute la journée. Alors ce serait bien qu'Adriano se
lève, qu'il se lave les dents et qu'il se rende très
vite dans l'isoloir le plus proche". Le
juge électoral a relevé que ce message constituait un
message de propagande électorale, méconnaissant les
dispositions de l'article L. 49 et, qu'au regard de
l'écart du nombre de voix et de l'audience de l'émission,
il y avait lieu d'annuler l'élection.
Qu'en est-il de l'application
aux sites Internet ? Nous avons relevé précédemment
que les sites Internet peuvent s'assimiler à des moyens
de communication audiovisuelle. L'interdiction posée
par l'article L. 49 du Code électoral semble donc s'appliquer
naturellement en l'espèce. Le tribunal administratif
de Toulouse a retenu cette solution. Il a estimé que
"le maintien le jour même du scrutin d'une partie du
site Internet créé par la liste (
) constitue en revanche
une violation" du second alinéa de l'article L. 49 du
Code électoral. Néanmoins, faisant application de sa
position traditionnelle en matière de violations de
principes posés par le Code électoral, le juge a vérifié
si cette violation a été susceptible, ou non, d'influencer
le résultat des votes.
A
minuit, les pages doivent être inaccessibles
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Il relève en l'espèce que,
"compte tenu de la possibilité que les candidats de
la liste des requérants avaient eu de répondre à son
contenu qui n'est d'ailleurs pas critiqué, ledit site
Internet, resté inchangé depuis sa création, ait été
de nature à altérer la sincérité du scrutin". Le juge
électoral se fonde donc sur la possibilité pour les
opposants d'avancer des contre-arguments pour ne pas
invalider le résultat de l'élection. Seulement, la solution
ne doit pas éclipser le principe qui demeure bien présent
: les pages mises en ligne par un candidat doivent être
inaccessibles à partir de la veille du scrutin à zéro
heures conformément à l'article L. 49 du Code électoral.
L'annulation aurait pu être sûrement prononcée si les
propos tenus le dernier jour étaient particulièrement
virulents et, si la différence de voix au final était
minime.
Les candidats ont, en conséquence,
tout intérêt à rendre inaccessible, le jour du scrutin,
les pages qu'ils auraient créées sur Internet. A défaut,
ils devront veiller, en cas de maintien de l'accès,
à ne pas faire évoluer de manière sensible son contenu
lors de cette période interdite. De même, les opposants
ont tout intérêt à surveiller l'activité des pages créées
par leurs adversaires, en vue d'un potentiel recours
devant les juridictions compétentes.
Demain
Internet en campagne : 4. Un site
n'est pas un numéro vert, quoique...
A lire également
:
1. Un média de propagande
(presque) comme les autres
2.
Où s'arrête la communication,
où commence la publicité ?
Notes
:
[10] CC, décision n° 98-2552 du 28 juillet 1998,
AN Var.
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