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Idées : le gourou le plus stimulant
1. Jean-Michel Billaut / L'Atelier
2. Olivier Andrieu (lire)

L'incontournable Jean-Michel Billaut, à force d'arpenter les estrades hier pour expliquer la télématique aujourd'hui pour décortiquer le Net, finira-t-il par lasser? On peut en douter: son anticonformisme et son souci du réel réservent toujours des surprises.

Agitateur de l'économie high-tech depuis toujours, facilitateur de rencontres, sont quelques-unes des mentions que Jean-Michel Billaut, 54 ans, pourrait faire figurer sur ses cartes de visite. On ne peut pas s'intéresser aux nouvelles technologies en France, et en particulier au Net, sans l'avoir rencontré dans un colloque, lu dans un journal et surtout vu à L'Atelier. Le célèbre Atelier de l'avenue Kléber à Paris est un peu aux NTIC en France ce que fut la Factory d'Andy Warhol au New York branché des années 60: un lieu de rencontres informelles et souvent fécondes. Il est né au sein de la Compagnie bancaire en 1979, à l'instigation de son président André Lévy-Lang et de Jean-Michel Billaut, alors économiste au sein de l'entreprise, qui devient le directeur de cette cellule de veille technologique. Elle avait -et a toujours- pour mission d'informer les filiales du groupe, devenu Paribas et maintenant BNP-Paribas, sur les NTIC et les innovations qui pouvaient toucher leurs métiers. L'habitude est prise d'inviter les responsables de nouveaux projets, d'entreprises innovantes que l'on n'appelait pas encore des start-ups, à présenter aux cadres du groupe leur concept.

Un incubateur de projets
"Le minitel a donné à l'Atelier sa dimension", souligne Jean-Michel Billaut, et son utilisation dans l'entreprise va montrer que les échanges de l'Atelier peuvent déboucher sur des applications concrètes et rentables. A la fin des années 80, c'est l'ouverture à des participants extérieurs: "L'expérience a montré qu'ils posaient des questions auxquelles nous mêmes n'aurions pas toujours pensé, c'était donc positif pour tout le monde. Alors nous avons continué". Par fonction et par goût, Jean-Michel Billaut "se balade et va voir ce que font les gens", et vers 1992, 1993 voit poindre Internet aux Etats-Unis. "Ici, il nous a fallu deux ans et demi pour faire mordre les gens du marketing. En 1993, nous avons monté le Babillard, un BBS, et fin 1993-début 1994 nous avons créé les premiers sites institutionnels du groupe, celui de l'Atelier bien sûr, puis de la Banque Directe. Ça a toujours été notre fonctionnement: faire de l'agit-prop et voir ce que ça donne. L'Atelier a servi d'incubateur aux projets de Paribas: Kleline, Business Village, Marianne Village, Autovalley... On en prépare d'autres -il est trop tôt pour en parler, je peux juste dire que nous nous intéressons par exemple aux 'conference centers', à la formation à distance, aux agendas en ligne et au marketing direct."

Cinq ans de Gore à Jospin
S'il juge que "la France est en train d'entrer dans le mouvement" de la révolution Internet, Jean-Michel Billaut regrette cependant que "les élites françaises [soient] déconnectées". "Un des grands moments de lancement du Net, ça a été les propos du vice-président américain Al Gore en 1992, alors qu'il était plutôt question à l'époque des expériences de télévision interactive comme l'expérience de Time Warner à Orlando. En France, le discours de Jospin à Hourtin en août 1997 a clairement été un déclencheur important: il s'est écoulé cinq ans entre les deux. Ca correspond bien au décalage entre les deux pays". Déjà co-organisateur de la Fête de l'Internet, Jean-Michel Billaut a, avec le lancement de son e-parti, poursuivi la démarche pragmatique qu'il affectionne: "J'aime bien poser une problématique et voir ce qui se passe. C'est comme ça qu'Internet s'est développé d'ailleurs. L'e-parti prône le droit d'ingérence et lancera des débats sur le nucléaire, les armes aux Etats-Unis, etc. Nous verrons bien ce qui en sortira". La comparaison entre le pays phare du Net et la France n'incite toutefois pas Jean-Michel Billaut à l'optimisme. "Le patron d'eBay le montre en un chiffre, en disant que son site assure un million de transactions par jour, ce que personne ici ne sait faire pour le moment. Cela dit, les géants américains ne pourront pas venir sans s'allier avec des "natives" comme ils disent. E*Trade s'est associé à CPR, Autobytel va peut-être bientôt arriver. La difficulté pour les Américains est qu'en Europe, il y a autant de marchés que de langues et de cultures. Mais les marchés se mondialisent".

Nouveaux modèles économiques
Observateur privilégié du Net, Jean-Michel Billaut refuse l'étiquette de théoricien: "Je ne pense pas. J'évite même de le faire. Simplement je me demande ce qui se passera si les gens qui présentent telle ou telle nouveauté ont raison. Si ça marche, qu'est-ce que ça donnera?" Suivant cette recherche sans préjugés, les présentations faites à l'Atelier doivent toujours peu ou prou répondre à des questions de base: à quoi ça sert? Comment ça marche? Combien ça coûte? Qui a l'intention de faire quoi avec? "On dépiaute les business models, explique Jean-Michel Billaut. Les intermédiaires traditionnels ne se rendent pas compte qu'il faut ajouter une valeur. Quand un distributeur propose en ligne les mêmes prix que dans ses magasins, où est la valeur ajoutée? Le Net bouleverse les chaînes de valeur, et les nouveaux modèles économiques, ce sont les start-ups qui les créent". Ces start-ups viennent se présenter à L'Atelier, et depuis quelques mois peuvent aussi se joindre à NEW (pour Net Economy Workshop: une tournée de présentations, ou de workshops (ateliers en bon franglais) à la rencontre des investisseurs, clients ou partenaires potentiels dans plusieurs métropoles européennes.

Musique, "white papers" et Net économie
Bien qu'il ait vu passer un nombre incalculable de projets de sites et d'outils associés, Jean-Michel Billaut n'investit pas personnellement dans des start-ups, mais pense y venir bientôt. Amateur de MP3, il s'est acheté un Rio pour pouvoir écouter les fichiers numériques à ce format. Il l'exhibe d'ailleurs volontiers dans ses conférences, une manière de bien prouver à ses interlocuteurs que la révolution en cours n'a rien de virtuelle. Le directeur de l'Atelier, décidément très franglophone, apprécie particulièrement "les white papers où une société présente sa technologie, et les press rooms où sont expliquées leurs activités. Je viens par exemple de consulter un site très intéressant sur des systèmes de téléconférences".  De quoi nourrir les observations de notre fureteur, client régulier d'Amazon "pour les livres sur la Net économie", sur l'argent numérique et la vie privée en ligne. Dernier achat: "The End of money". A lire d'urgence pour briller avant tout le monde
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[Thierry Noisette, JDNet]

Idées / Le challenger :

Il n'a pas lu tous les livres (sur Internet) mais en a écrit bon nombre: Olivier Andrieu, défricheur et vulgarisateur de talent, analyse l'Internet avec un sens de la relativité précieux, aiguisé par la fréquentation assidue de ses outils de prédilection: les moteurs de recherche.


 

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