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L'idée la plus brillante
1. Jean-David Blanc / AlloCiné
2. Jacques Rosselin / CanalWeb (lire)

Jean-David Blanc marche résolument sur la voie royale de l'Internet: mélanger commerce, contenu et services sur un site efficace et convivial, AlloCiné. Une création originale et, ce qui ne gâte rien, rentable.

Du téléphone à Internet, le PDG d'AlloCiné Jean-David Blanc est un chantre de "l'information transactionnelle" multisupports. Entrepreneur juvénile, il a eu de bonne heure le virus de l'entreprise, puisqu'avant même de créer sa première société, à 18 ans -il en compte 13 de plus maintenant-, il a lancé Futura, un serveur BBS, avec François Benveniste qu'il a rencontré à 14 ans. Ce dernier, futur patron de Calvacom et aujourd'hui de l'imminent Abcool, est alors directeur marketing d'Apple, puis chez Marlboro, où il suscite le lancement sur minitel du Marlboro Racing Service, 3615 MRS: un service d'information sur la course automobile, avec actualités et forums. L'entreprise de Jean-David Blanc, Concerto Télématique, est également éditeur délégué de services minitel et téléphoniques pour Coca-Cola, Elf, la Mairie de Paris, Nissan…

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Lors de la réalisation -c'était en 1990- d'une commande de service téléphonique pour la Ville de Paris, sur la prévention du sida, Jean-David Blanc est frappé par l'absence d'un guide unique du cinéma. "En ce temps-là, chaque salle avait son répondeur". Quand il crée le service téléphonique AlloCiné en 1993 avec Patrick Holzman, ils tiennent le concept qui en fera un des plus beaux succès du Net français: "D'abord un service qui rend facile l'accès au cinéma, en allant jusqu'au bout du média et sans monter une usine à gaz". AlloCiné est dès sa naissance un guide national des salles, avec les horaires et programmes. "Le but, sur le téléphone, c'est d'aller vite pour proposer au visiteur ce qu'il cherche: il y a 3.800 salles en France, 20.000 séances par jour, et il faut qu'en deux minutes vous puissiez trouver l'information voulue dans ce flot. Si vous appelez à 18 heures, on ne vous donnera pas les horaires précédents, qui ne vous serviraient à rien". Suivant cette logique, AlloCiné diffuse ses services sur téléphone non surtaxé. Puis y ajoute la réservation de billets, le minitel, et en octobre 97 Internet. La dernière étape en date est le Palm Pilot, où le service comptait 7.000 utilisateurs début septembre. Sans oublier l'emploi astucieux de l'e-mail: non seulement les amateurs peuvent s'abonner à la lettre hebdomadaire d'AlloCiné, mais ils peuvent aussi demander à recevoir les programmes des salles de leur choix - affinant ainsi les bases de données maison - ou encore les transmettre par mail à leurs amis.

La billetterie, "un élément éditorial"
Sur le Web, AlloCiné agrège de nombreux contenus et services autour du cinéma: entre autres le guide des salles parisiennes, transposition en ligne de l'ouvrage imprimé d'un passionné, les actualités -à même d'intéresser les amateurs de "people" aussi bien que les professionnels-, la boutique (en partenariat avec Alapage et Amazon), la synthèse des critiques (d'un coup d'œil, les appréciations des principaux journaux), les commentaires des internautes sur les films, et bien sûr la billetterie. Elle constitue "un élément éditorial" et non le cœur financier d'AlloCiné, indique son PDG, car les 5 francs de supplément par billet n'amènent pas une marge importante: alors que la publicité et les ventes de billets de cinéma représentent chacun la moitié du chiffre d'affaires de l'entreprise (tous canaux confondus), la répartition dans la marge bénéficiaire est de 80/20. Le chiffre d'affaires global, 37 millions de francs en 1998, devrait passer cette année à 45 millions. La part du Net est en augmentation: le site représente maintenant 20 à 25% du revenu en billetterie et 30 à 40% du chiffre d'affaires publicitaire.

Audience : au diapason des sorties
L'audience du site, il est vrai, en fait un support choyé par les annonceurs: de 2 millions de pages vues mensuelles en 1998 la moyenne est passé à 4 millions cette année, et Jean-David Blanc prévoit qu'elle s'établira finalement pour l'ensemble de 1999 à 5 ou 6 millions de pages vues mensuelles: "La fin de l'année va exploser, avec les sorties prévues: "Star Wars", James Bond, "Austin Powers 2", le "Tarzan" de Disney, "Mission Impossible 2" début 2000…" AlloCiné vit en effet au rythme des salles obscures, son record restant "Titanic" (170.000 billets vendus sur les différents canaux). "Nous recevons le plus de réservations pour les films sortant dans peu de salles, ou durant plus longtemps que la moyenne, ou pour lesquels les gens ont peur que les salles soient complètes". Dans les salles, on peut difficilement ne pas remarquer la marque (sa régie publicitaire est Médiavision, l'enseigne au mineur) et ses publicités décalées, comme celles avec bande-son modifiée sur un extrait de film du moment ("Godzilla", "Ed Sullivan Show"…).

"L'information transactionnelle, avenir du service"
Le développement en ligne d'AlloCiné passe aussi par l'affiliation, un de ses points communs -outre la richesse éditoriale- avec la librairie virtuelle Alapage: AlloCiné a une cinquantaine d'affiliés, dont TF1, Libération, LibertySurf, Nomade, Lycos, le Nouvel Observateur, qui peuvent reprendre une part du contenu et placer un lien vers la billetterie, ce qui leur vaut un commissionnement sur les ventes. "L'affiliation purement marchande est dépassée: il n'y a plus une grande différence entre l'information et la transaction, la logique est une convergence entre des sites éditoriaux qui ajoutent des services, donc des offres marchandes, et des sites marchands qui ont besoin d'éditorial. L'information transactionnelle, c'est l'avenir du service". Jean-David Blanc cite volontiers en exemple le site américain d'information Internet et informatique CNet qui a ajouté la vente informatique à ses services.

Développement international
Bénéficiaire toutes activités confondues "depuis 1997", l'entreprise a accueilli des capitaux-risqueurs (Atlas Venture) et devrait "officialiser des changements" dont la rumeur dit qu'ils seront radicaux. Ses fondateurs, dont Jean-David Blanc et Patrick Holzman, détiennent actuellement plus de 50% du capital. La SA "Productions du téléphone" pourrait changer de nom au profit de la marque. Celle-ci va bientôt s'étendre pour couvrir "l'information cinéma dans le monde entier, surtout sur l'Europe. "Nous commencerons d'ici la fin 1999 par des liens et des frames intégrés dans le site, l'idée étant toujours d'indiquer comment et où aller au cinéma". L'internationalisation est donc à l'ordre du jour, mais pas la dispersion: le cinéma doit rester le cœur des services, qui n'iront pas par exemple vers la billetterie généraliste de spectacles. En revanche, "le site doit devenir encore davantage une porte d'entrée dans l'univers du cinéma". La nouvelle version du site présentée début octobre intègre le streaming, avec des bandes-annonces, des interviews des acteurs, et une actualité encore augmentée. Le site, qui employait trois personnes il y a un an, en occupe treize maintenant sur la trentaine de salariés de l'entreprise.

Amateur de tous les cinémas
Sur Internet, Jean-David Blanc va "pour le plaisir un peu partout": le cinéma bien sûr, sur la référence IMDB, la musique classique, le Net, la médecine…Passionné de cinéma, le fondateur d'AlloCiné n'a pas d'exclusive: "J'aime tous les cinémas, tous les genres sans exclusive, de "Festen" à "Independence Day" ou "Coup de foudre à Notting Hill", du plus intellectuel au plus grand public", explique-t-il, revendiquant ses habitudes de cinéphile qui regarde "10 à 15 films par semaine, dont trois ou quatre en salle". S'il a trouvé "Le projet Blair Witch" "un film expérimental intéressant, mais pas inoubliable", surtout digne d'attention pour sa démarche marketing, "remarquable", notre cinéphage met en tête des films vus ces derniers mois le dernier opus d'Almodovar, "Tout sur ma mère". "Extraordinaire", dit-il.

[Thierry Noisette, JDNet]

Idée / Le challenger:

C'est le Don Quichotte du Web français:
Jacques Rosselin du fond des studios de Canal Web, ne craint pas de prendre rendez-vous dans 5 ans avec Canal Plus et TF1. En attendant, il exploite tout seul le créneau de la télévision en ligne.

 



 
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