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Marketing: les stratèges les plus efficaces
1. Gilles Ghesquière / Nomade (lire)
2. Carole Liscia / Liberty Surf

En cinq mois à peine, Carole Liscia a imposé Liberty Surf comme un des leaders de l'Internet français. Certes le poids de ses actionnaires a facilité les choses, mais l'appétit de la directrice marketing du FAI est encore le meilleur des moteurs.

En trois mois à peine, un nouvel acteur majeur de l'Internet est né: Liberty Surf appuyé sur le réseau réel de Darty et sur le cash du groupe Arnault est devenu le leader des fournisseurs d'accès gratuits défrichant la terre fertile des nouveaux venus sur le Net. Le rachat de Nomade a lesté la jeune société de l'audience internet et du savoir-faire qui lui manquaient encore. Une croissance menée tambour battant par Carole Liscia, 32 ans.

De la télévision à Internet
"A 21 ans, j'étais responsable des ventes du "brun" chez un fabricant de télévisions, raconte Carole Liscia, aujourd'hui. Je suis ensuite devenue directrice commerciale, en charge du référencement dans toute la grande distribution. Nous avons lancé les premiers téléviseurs à moins de 2.000 francs". Elle a ensuite été consultante pour le lancement du bouquet numérique chez AB Sat. Décidément fidèle à la télévision, Carole Liscia cofonde la société Universal Netcom (raison sociale qui devrait prochainement changer pour LibertySurf) qui propose un service d'Internet sur les téléviseurs. "C'était un peu précoce, mais on y reviendra. Actuellement nous sommes concentrés sur LibertySurf. Mais être fournisseur d'accès sur toutes sortes de terminaux reste un objectif stratégique à moyen terme". En février 99, arrivent deux investisseurs qui changent tout. "Ils sont très complémentaires. Le Groupe Arnault a investi discrètement pendant des mois dans de nombreuses entreprises Internet, ce qui représente beaucoup en termes de contenus. En Angleterre, Kingfisher (la maison-mère de Darty, NDLR) regardait de près l'accès gratuit que propose son concurrent Dixons avec Freeserve. Kingfisher nous ouvre les portes de toute la distribution européenne". LibertySurf appartient maintenant à 40% au Groupe Arnault, autant à Kingfisher, 4% à Softway et 16% à son équipe dirigeante.

"La gratuité sera la norme"
Carole Liscia montre avec un large sourire les tests comparatifs de "L'Ordinateur Individuel", qui donnent LibertySurf meilleur FAI, devant les autres gratuits... et les payants. "Une belle réponse aux articles agressifs passés un peu partout en disant que l'accès gratuit était une escroquerie". La directrice marketing de LibertySurf renvoie la balle à ses collègues payants: "C'est l'accès payant à Internet qui est un accident de l'histoire. C'est comme si SFR ou Itineris avaient vendu de la téléphonie mobile sans messagerie et qu'un service spécialisé s'était créé: un jour ou l'autre ils l'auraient intégré". Elle souligne que les baisses de tarif d'AOL (qui propose le gratuit sous la marque Netscape outre-Manche) et Wanadoo démentent leur scepticisme affiché envers les accès gratuits: "Par rapport à leurs abonnés payants, les grands providers doivent avoir quelques soucis. Pour nous, la gratuité va devenir une norme d'ici la fin 1999. Notre analyse, c'est qu'il y aura une grande guerre des fournisseurs d'accès et que, d'ici deux ans, il en restera 4 ou 5. Nous en serons, France Télécom aussi, sans doute AOL. Après..." Le chiifre du nombre d'abonnés est encore confidentiel. Mais l'objectif de recrutement pour la fin 1999, 600.000 utilisateurs actifs, "est très bien parti". Au premier pointage (mai 99), Liberty Surf avait pris la tête des FAI gratuits avec 130.000 abonnés.

60% de nouveaux internautes parmi les utilisateurs
Après un recrutement purement online aux tous débuts, les kits de connexion sont maintenant distribués dans les magasins Darty, But, Sephora et aux guichets de la BNP. D'ici fin 1999, Castorama et d'autres suivront. "Nous sommes dans la rue, pas seulement sur Internet comme nos concurrents." Aujourd'hui, le recrutement se fait à 50/50 entre le online et le offline. 60% des inscrits deviennent des utilisateurs effectifs, et parmi ces derniers 60% sont des nouveaux venus sur le Net. La durée moyenne de connexion des utilisateurs (pour moitié en Ile-de-France) est de 10 heures par mois.

Une logique d'audience TV
La reprise de Nomade a illustré la politique d'intégration de contenu de LibertySurf. "Un internaute gratuit est bien plus infidèle et exigeant qu'un payant. Il peut changer de fournisseur à tout moment si la hotline est deux fois de suite indisponible, si le portail ne le satisfait pas. Nous avons des concurrents qui ne vendent pas leurs espaces publicitaires parce qu'ils n'ont pas d'audience faute de contenu. Nous, nous agissons comme les chaînes de télévision qui achètent des films pour les diffuser en prime time. Nous passons des accords avec ACM pour le sport, avec Victoire Multimédia pour la Bourse, et bien d'autres. Nous proposons des dossiers, des interviews". Pour le moment, le modèle économique repose "à 40% sur le commerce électronique, 40% sur le reversement et 20% sur la publicité". A l'horizon 2000, "il y aura des cartes téléphoniques, des cartes de crédit virtuelles, peut-être des services payants. Tout est trop mobile pour pouvoir faire des prévisions arrêtées". Pour mieux intégrer ses activités, LibertySurf, actuellement rue de Berri dans le 8ème arrondissement de Paris, et Nomade, rue Réaumur dans le 2ème (alias la "Silicon Sentier" pour les nombreuses entreprises Internet installées dans ce quartier), déménageront sous un toit commun. avec les prochaines acquisitions maison. "On cherche 3.000 m2, ce qui n'est pas si simple". LibertySurf compte une quinzaine de personnes -quatre cadres arrivent ces jours-ci, dont un directeur du développement international: Angleterre, Espagne et Allemagne, dans un ordre non encore fixé.

Les concurrents, le pratique et... Flanby
Quand elle surfe professionnellement, Carole Liscia indique regarder tous les jours "ce que font nos concurrents, aussi bien gratuits que payants". Adepte convaincue des services en ligne, elle utilise Planfax ou les cartes sur Voila pour ses déplacements, offre des fleurs via Aquarelle à une amie qui vient d'accoucher, des bonnes bouteilles en cadeau par Château Online. Elle a acheté ses vacances -en finissant au téléphone faute de commande entièrement en ligne- chez Go Voyages. "Nous avons des horaires un peu spéciaux, alors pour ma famille je fais les courses sur Télémarket. Pour mes enfants, je regrette le peu de sites français de qualité. Il y a quand même Après l'Ecole, et les Cyberpapies, très sympa. Et puis un site parfaitement inutile, mais qui me tue de rire, celui de Flanby". Les résultats sont encourageants, puisque Carole Liscia a entendu sa fille -5 ans et demi- dire très sérieusement "quand je serai grande, je veux faire l'Internet comme Maman"
…

[Thierry Noisette, JDNet]

Marketing / Le gagnant :

Gilles Ghesquière et Nomade, ont été longtemps la seule "french success story" de l'Internet. Un statut dû, entre autres, à un savoir faire hors pair dans la commercialisation de leur espace publicitaire.



 
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