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Internet : le pionnier le plus actif
1. Rafi Haladjian / FranceNet (lire)
2. Patrick Robin / imagiNet

Sans lui, l'Internet serait plus ennuyeux. L'"architecte interactif" Patrick Robin a beau avoir déjà réussi son parcours Internet, il n'est en panne ni d'idées, ni d'énergie. En prime: un discours déstressé et lucide sur le Web business français. Ouf...

"Depuis l'âge de 22 ans, j'ai monté des sociétés, explique Patrick Robin. Ma passion a toujours été d'entreprendre plus que le secteur où je le faisais, même si j'ai surtout été du côté des activités de contenus". Editeur de livres d'art pendant dix ans, il publie des livres de photos -"Jungle Fever" de Jean-Paul Goude, des ouvrages d'Art Kane et autres grands noms de la photographie- et s'associe à Daniel Filipacchi pour créer le magazine "Photo-Revue". En 1994, la découverte des premiers CD-Rom l'amène à lancer le mensuel "CD-Media" en avril, puis l'été suivant un supplément, "Internet Reporter", qui, devenu autonome, poursuit son existence pendant plusieurs années. "A l'époque, les premiers providers français étaient sur un modèle minitel, à 40 et 80 francs l'heure. Il était impossible qu'Internet se développe sur ces bases, alors nous avons créé notre propre fournisseur d'accès qui, en avril 95, a été le premier à proposer un forfait. A 150 francs par mois pour 50 heures de connexion -à l'époque, on avait peur de parler de connexion illimitée-, un tarif qui en dial-up [liaison téléphonique classique] est resté le même depuis." imagiNet est ainsi né "à une époque où il n'y avait pas 100.000 internautes en France. Mais nos concurrents ont évidemment suivi notre offre, et puis sont arrivés Club Internet, Wanadoo, HOL... Nous n'avons pas voulu entrer dans une guerre des prix, à l'époque il ne suffisait pas de claquer des doigts pour trouver un VC [prononcer "vi-ci", pour venture-capitalist, NDLR]. imagiNet s'est donc orienté vers le marché des entreprises".

La Bourse ou la vie ?
"A partir de 1997, nos trois axes étaient bien en place: accès pour entreprises avec liaisons spécialisées, hébergement de gros sites, conception et réalisation de sites. Le chiffre d'affaires a connu une belle croissance: 1,5 million de francs en 1995, 8 millions en 1996, 24 en 1997 et 46 en 1998. Le CA solutions et accès est maintenant fondu dans celui de Colt France, qui ne communique pas en cours d'année ce chiffre, mais la seule activité design, conception, développement pèse une trentaine de millions de francs cette année". A partir de 1997 en effet, la donne a changé, avec l'arrivée de gros opérateurs sur le marché. InternetWay est acheté par Worldcom-UUNet, Calvacom par PSINet, Oléane par France Télécom. "Nous étions dans les trois premiers en accès professionnel et dans les trois ou quatre premiers en hébergement, face à des mastodontes. Et les propositions commençaient à affluer, ça devenait un gag: après avoir galéré pendant trois ans, nous étions sollicités de partout". Après l'avoir envisagée, Patrick Robin écarte l'introduction en Bourse: "C'est une sorte de rêve d'enfant pour les entrepreneurs, mais cela veut dire aussi que pendant plusieurs mois vous devez délaisser l'exploitation pour faire des roadshows, rencontrer les banquiers, etc.. Dans une entreprise en forte croissance c'est une contrainte dangereuse. Dans ce secteur en plus, il faut être très réactif, capable de changer de modèle économique tous les trois mois s'il le faut. Or quand vous vendez votre entreprise à des actionnaires, c'est sur un business model, et le changement risque d'entraîner une chute du cours."

Une stratégie "transversale"
Après avoir étudié finalement trois propositions, "d'un opérateur télécom américain, d'un autre européen et de Colt Telecom" (Britannique, mais avec comme premier actionnaire le fonds américain Fidelity), c'est ce dernier que les dirigeants d'imagiNet choisissent finalement. "C'était le seul sensible à notre approche transversale: avoir une stratégie Internet, ce n'est pas prendre des briques ici et là, une chez une SSII, une autre dans une agence de pub, une autre chez des graphistes. Nous voulions garder une vision globale d'architecte interactif". Aujourd'hui, imagiNet est scindé entre ses activités d'hébergement, une quarantaine de personnes depuis plusieurs mois intégrées chez Colt, et celles de conception, développement, conseil, une cinquantaine de personnes chez imagiNet Design qui va bientôt se rebaptiser imagiNet Agency. Au passage, le PDG d'imagiNet, qui cite comme meilleurs modèles d'entreprises globales les américains Razorfish et Agency.com, estime qu'imagiNet se classe dans les dix premières agences françaises en C.A. Parmi ses grands clients: en hébergement TF1, la Française des Jeux, toutes les marques de Volkswagen, Darty (développement inclus pour ce dernier), et en conception et développement L'Expansion, Bordas, Reducmicro, le groupement des experts-comptables, la Caisse d'Epargne et le futur site marchand Abcool qu'a lancé François Benveniste (ex-Calvacom). Autrefois première régie publicitaire Internet en France avec ROL (Régie On Line), l'entreprise a cessé cette activité après la reprise par Colt. Elle a servi de pépinière, puisque les anciens de ROL sont depuis présents un peu partout, chez MSN, DoubleClick, AOL, Real Media...

Le Net des débuts à maintenant
Pour avoir connu les premiers pas du Net français, Patrick Robin constate les chassés-croisés au sein des entreprises: "Il y a trois ou quatre ans, il y avait généralement un webmaster seul dans son coin et des sites bricolés pour 50.000 ou 60.000 francs. Ensuite les directions des services informatiques ont tenté de prendre la main, suivies par les directions de la communication qui voyaient le Web comme un outil d'image avant tout. Puis les directions générales ont fini par considérer qu'Internet était stratégique, et elles se sont mis à le suivre de près, alors que les DSI font un retour en force. Ce qui est assez compréhensible: on peut développer les plus beaux outils du monde, mais si ils sont incompatibles avec ceux qu'utilise l'entreprise..." Après avoir "beaucoup cru au Net comme outil de communication, d'intégration et de dignité, un moyen de renverser l'entonnoir des mass médias et d'accéder aux informations à la source", le PDG d'imagiNet affirme: "Maintenant je sais que je me trompais. Le Net favorise les comportements ostentatoires, et une part de son succès tient sûrement au fait que c'est le seul moyen de communication où vous pouvez parler de vous sans être interrompu. Quant à la désintermédiation qu'on avait imaginé, il devient clair que pour l'information, il est plus que jamais indispensable qu'il y ait des intermédiaires pour trier, et pour le commerce électronique des marques fortes créant une relation de confiance. Soit des "datamarks", des Yahoo ou Amazon qui ont le bénéfice des premiers entrants et des centaines de millions de dollars de promotion, soit les marques déjà présentes physiquement".

Utilisateur assidu de sites gourmands
imagiNet a créé le site Le Web Marchand, un annuaire des webs de ventes en ligne que son PDG se fait un point d'honneur de visiter tous à leur inscription, et de tester à l'occasion: "Des achats de petits meubles, de la décoration, une jolie lampe." Il se fait régulièrement livrer des repas par Eat Online et savoure les saucissons et autres copas de la charcuterie Moracchini en Corse. Pas de trading en ligne pour Patrick Robin - "je suis trop joueur, je ne tiens pas à m'accrocher" -, qui investit par contre dans des valeurs Internet et télécom. "J'ai gagné beaucoup d'argent avec Yahoo, DoubleClick, Colt Telecom bien sûr, Equant..." Il lui arrive d'investir dans des start-ups, "pas pour faire une plus-value à toute vitesse, comme en rêvent trop de gens maintenant qui se laissent éblouir par les paillettes et risquent souvent d'aller au tapis, mais parce que pour réussir, il faut une histoire d'amour avec un projet et des hommes". Un type d'investissement pour lequel le fondateur d'imagiNet récuse le terme "galvaudé et associant deux notions contradictoires" de "business angel". Il préfère celui de "love money".


[Thierry Noisette, JDNet]

Pionniers / Le gagnant:

Rafi Haladjian a très tôt parié sur l'Internet. Avec le pragmatisme des explorateurs, il a mis progressivement FranceNet en position d'être une future valeur sûre de l'e-business français. Rencontre avec un hébergeur avisé.


 

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