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Février 2001 : place au recrutement actif |
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La
marche forcée sur le recrutement client se reflète
dans la mise en place de plusieurs dizaines d'opérations
commerciales et promotionnelles en parallèle. Entre
la carte Visa Premier gratuite, les chèques cadeaux
à 100, 500 puis à 1 000 francs et les offres de
parrainage à 250 francs, le télescopage commercial entre
les différentes initiatives devient inévitable.
Certains
partenaires supports de ces opérations vont menacer
de se retirer après avoir découvert que l'hyperbanque
proposait ailleurs des offres plus alléchantes. D'autres
partenaires vont renégocier leur commission (à la base
entre 150 et 400 francs par compte ouvert) en s'apercevant
que le client qui ouvre un compte chez Zebank touche
lui, en guise de bienvenue, un montant deux fois plus
élevé que leur propre marge.
En
aval de ces opérations commerciales, se trouve
la gestion des dossiers d'ouverture de compte. Un des
points sensibles soulignés par l'audit d'Arthur
Andersen. La
réglementation française bancaire en vigueur est à ce
sujet très précise. Un établissement détenteur d'une
licence d'exploitation doit demander deux documents
à son futur client afin d'ouvrir une numéro de compte
: une photocopie de sa pièce d'identité et un original
de quittance justifiant d'un domicile fixe en France.
Si
dans le cadre d'un réseau bancaire traditionnel cette
procédure est sécurisée par un contact "physique" entre
le conseiller et le futur client, dans le cadre d'une
banque dématérialisée les problèmes potentiels grimpent
en flèche. Entre les dossiers incomplets et les photocopies
indéchiffrables reçues par courrier, les taux de déchet
sur certaines opérations de recrutement auraient atteint
chez Zebank les 70 %.
Autre
problème : le dépôt d'ouverture de compte, normalement
de 1 000
francs. Au fil des opérations commerciales grand public,
de plus en plus de dossiers d'ouverture transmis par
courrier vont arriver sans dépôt ou avec des chèques
de dix francs, un franc voire zéro franc. "Nous
n'avons rencontré ce genre de problèmes
de qualité de dossiers clients que sur une seule
opération commerciale en juin dernier, rétorque
Olivier de Montety. La banque est un secteur d'activité
très structuré et les procédures
chez Zebank sont à ce sujet très précises."
Olivier
de Montety
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Homme
clef de Zebank, Olivier de Montety a rejoint
le projet dès le début, en
1999, sous l'impulsion de Chahram Becharat.
Le président d'Europ@web veut alors
lancer un courtier en ligne face au succès
rencontré par les brokers aux Etats-Unis.
En planchant sur ce projet, l'équipe
de base (constituée d'anciens de
Paribas, de la Banque Morgan et de Fimatex)
imagine finalement une banque en ligne dotée
d'un ensemble de produits financiers.
Avant
de rejoindre Zebank, Olivier de Montety
travaillait depuis 1988 pour le Groupe Fimat,
propriété de la Société
générale. Entré en
tant que broker junior, il y fera carrière
jusqu'en 1999. Alors qu'il est directeur
des marchés dérivés d'indices et de la clientèle
individuelle, il est ainsi nommé responsable
du développement.
En
1995, Olivier de Montety participe au lancement
du courtier en ligne Fimatex. Il dirigera
Fimatex en France jusqu'en 1999 avant de
rejoindre, sur le départ, Zebank.
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"Dans
la logique de recrutement à tout prix, les procédures
de base du monde bancaire n'ont pas été respectées,
souligne pourtant un ancien salarié de Zebank. Les dossiers
ont été traités à la va-vite plutôt que de réclamer
les pièces manquantes, de peur de faire fuir les nouveaux
clients." Ces failles dans les procédures de contrôle
vont attirer des clients aux motivations très particulières.
Des fichés "Banque de France", qui n'ont théoriquement
plus le droit d'ouvrir un compte dans un établissement
bancaire, vont tenter de profiter de l'aubaine pour
réintégrer une banque traditionnelle. Parmi ses refus,
Zebank aurait ainsi brassé jusqu'à 63 %
de clients "fichés".
D'autres
clients, qui flairent la bonne affaire, vont tenter
de cumuler les opérations commerciales à 1 000
francs en ouvrant plusieurs comptes, sans dépôt d'ouverture.
Cette situation va émouvoir certains responsables de
l'hyperbanque qui, dans plusieurs notes internes, soulignent
les dangers de ce laxisme sur la vérification des dossiers
d'ouverture. En pratique, une telle situation peut aboutir
sur un retrait de l'agrément bancaire du Comité
des établissements de crédit et des entreprises
d'onvestissement.
La
stratégie d'expansion commerciale est dans le même
temps soutenue par plusieurs projets de développement
menés en interne. Zebank explore ainsi la mise
en place d'un réseau de DAB (distributeurs automatiques
de billets) ou étudie un accord avec la société
américaine Paypal qui propose une solution de paiement
en ligne par mails. Une grande partie de l'équipe de
l'hyperbanque va également travailler pendant
un mois, en février 2001, sur un projet "révolutionnaire"
initié par Philippe Jaffré.
Baptisé
ZeCompte, ce projet veut mettre en place le premier
compte courant français rémunéré, à 3 % net d'impôts.
Une offre interdite par la réglementation bancaire mais
qui peut offrir à Zebank un produit d'appel remarqué.
Pour contourner la législation, la banque imagine un
montage financier basé sur un dépôt à terme et un découvert
en compte. Après plusieurs semaines de développement,
le projet ZeCompte sera finalement abandonné. Les conseillers
juridiques estimant que les risques encourus face au
CRBF (Comité de la réglementation bancaire et financière)
sont trop importants.
D'autres
projets vont être mis de côté au
fil du temps, à l'instar des développements
internationaux de la banque en ligne.
Les deux bureaux européens de Zebank, lancés
courant 2000 en Espagne et au Royaume-Uni, vont être
fermés début 2001 sur l'ordre direct de
Bernard Arnault qui souhaite que Zebank se focalise
sur le marché français pour aller plus
vite. Jusqu'à
50 personnes travailleront au bureau londonien de Zebank
dans le but d'aller chasser sur les terres d'Egg, la
banque virtuelle britannique. En quelques mois d'existence,
les deux filiales européennnes auraient "brûlé"
23 millions d'euros (150 millions de francs).
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4. Mai 2001
: Une trésorerie consommatrice)
[Ludovic Desautez, JDNet]
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