Franck Gervais (Voyages-Sncf) "30% des ventes de billets se font sur mobile en France"

Le distributeur maintient ses efforts face aux petits prix du covoiturage, explique son directeur général, et multiplie les outils le positionnant sur le voyage de bout en bout.

JDN. Quel volume d'affaires Voyages-Sncf a-t-il enregistré en 2015 ?

France Gervais, DG de Voyages-Sncf.com © Alexandre Nestora

Franck Gervais. Nous avons vendu 83 millions de billets pour un volume d'affaires de 4,32 milliards d'euros, soit 130 millions de plus qu'en 2014. L'e-tourisme est un secteur mature, en déclin de 1% en 2015 selon la Fevad, et nous en sommes le leader. Nous sommes donc très satisfaits de cette croissance de 3,1%. D'autant que nous estimons que sans les attentats, elle aurait été plus proche de 4,5%.

A quel point pâtissez-vous de l'essor du covoiturage, qui siphonne de nombreux trajets de train chez les jeunes ?

La SNCF a poursuivi le développement de son TGV low-cost OuiGo et ajouté l'offre OuiBus. Cette dernière a engrangé 120 000 ventes de billets sur les quatre mois entre son lancement et Noël, sans que le train n'en souffre : nous conquérons plutôt des trajets en voiture, en covoiturage ou non. Le tarif du bus est très comparable au covoiturage. Et pour ceux qui acceptent de payer un peu plus cher, OuiGo divise le temps de trajet par deux. En ajoutant ces deux offres, qui complètent notre positionnement sur les petits prix, nous pensons que Voyages-Sncf convaincra 10 millions de passagers en 2016. En outre, nous avons développé plusieurs outils pour faciliter l'achat de trajets moins chers.

Par exemple ?

Le calendrier des prix sur un mois est une première réponse qui marche bien. Mais nous mettons aussi au point une interface qui permet de trouver des combinaisons de train moins chères. Prenez un trajet Aix-en-Provence Lille. Le trajet classique comprend un Aix-en-Provence Paris et un Paris Lille. Mais peut-être que si vous acceptez un arrêt plus long à Paris, le Paris Lille suivant sera moins cher. Bref, nous "faisons parler" notre base de données pour proposer aux voyageurs flexibles le même trajet à un prix plus bas. C'est en test sur cinq trajets depuis début mars et nous l'étendrons à une trentaine d'ici l'été.

Comment se porte votre activité d'agence de voyage ?

Elle s'est maintenue en volume mais a diminué en valeur, principalement parce que les gens sont partis moins loin, ce qui a fait chuter le panier moyen des vols. De plus, l'hôtellerie a beaucoup souffert après le 13 novembre. Mais nous allons continuer à travailler dessus, car cette offre est un vrai complément de proposition au train.

"Voyages-Sncf sera le premier en France avec un service client sur Facebook Messenger"

Quels sont vos principaux axes de croissance ?

Nous voulons être le champion européen du smart tourisme, un tourisme plus digital, plus riche, plus clair, plus exhaustif et plus personnalisé. La promesse est triple : une plus grande facilité d'accès aux offres, une expérience client qui va de l'inspiration jusqu'à la fin du voyage de façon pratique et personnalisée, et enfin l'agilité.

Comment cela se traduit-il concrètement ?

Premièrement par la plateforme OpenVSC que nous lançons aujourd'hui pour créer davantage encore de proximité entre les clients et les équipes. Elle regroupera la relation avec la clientèle et tous les projets de co-construction, qui lui permettent de voir les projets à l'avance et de les influencer.

Deuxièmement par l'accès à des prix inférieurs, grâce au calendrier des prix et à l'outil de combinaison des tarifs.

Troisièmement par un compagnon de voyage que nous créons sur le fixe et le mobile. Mon Voyage est un espace où le client retrouve ses billets, toutes les informations utiles, mais où il peut aussi réserver des moyens de pré et de post-acheminement pour rejoindre la gare ou son adresse de destination. Bientôt, nous ajouterons du contenu inspirationnel sur les destinations, des bons plans de partenaires, la météo…

Enfin nous serons les premiers en France, ce 11 avril, à rendre notre service client disponible sur Facebook Messenger, grâce à notre collaboration avec la start-up française iAdvize.

Est-ce un simple canal de relation client supplémentaire, ou envisagez-vous de le rendre transactionnel ?

Rien de transactionnel n'est prévu pour le moment, c'est un canal de relation client et d'agrément du voyage acheté. La demande vient d'ailleurs des clients. Beaucoup, chez les jeunes, ne consultent jamais leurs mails. Donc pour les toucher rapidement et efficacement à propos de leur voyage, c'est ainsi qu'il fallait faire.

"Le mobile pèse 20% de nos ventes en France"

Est-ce également une façon de rendre privées des conversations désagréables pour la Sncf lorsqu'elles se tiennent en public sur Facebook ?

Absolument pas. En cas de problème, nous progressons quand il est rendu public.

Combien de ventes réalisez-vous sur mobile et tablette ? Leur poids est-il très inférieur à leur part dans l'audience ?

En France, nous avons enregistré en 2015 un volume d'affaires mobile de 710 millions d'euros, qui représente environ 20% des ventes, 30% des billets vendus et 60% de l'audience. Mais le mobile aide très souvent à se renseigner, à préparer un achat que l'on finalise le soir devant son ordinateur. Donc du moment que l'achat est effectué, peu importe si les taux de transformation diffèrent selon les canaux.

Comment a progressé votre activité de vente à l'international en 2015 ? Vos efforts sur la Destination France y ont-ils contribué ?

Notre volume d'affaires à l'étranger s'est accru de 6% pour atteindre 763 millions d'euros et le travail réalisé sur la Destination France a bien alimenté cette progression. De cinq partenaires en septembre 2014 pour les Instants V [qui incluent un tarif préférentiel sur le train et des réductions sur place, par exemple dans les musées ou sur les transports, NDLR], nous sommes passés à vingt aujourd'hui. Typiquement des comités régionaux du tourisme et des offices du tourisme. Une campagne Instant V, comme la plus récente, qui promeut Lyon auprès de la Belgique, permet en moyenne d'augmenter de 5% les ventes de billets de train sur une destination.

Captain Train, qui jusqu'ici n'était même pas un caillou dans votre chaussure, a été racheté par le britannique Trainline et va l'aider à sortir du Royaume-Uni pour vendre du train et du bus sur ses 22 marchés d'Europe continentale. Comment vous positionnez-vous face à eux ? Regrettez-vous de ne pas avoir acquis Captain Train vous-mêmes ?

Nous vendons aussi du train et du bus en Europe, comme des billets Deutsche Bahn. Plus globalement, le marché européen s'ouvre et compte de plus en plus d'acteurs dotés de fortes ambitions. Voyages-Sncf s'est pour l'instant positionné sur la Destination France en vendant du train français à l'étranger, en particulier en Amérique et en Asie via sa filiale Rail Europe. Mais désormais, nous voulons couvrir le voyage de bout en bout en Europe. Cela implique de nous renforcer sur le pré et le post-acheminement, mais aussi sur l'offre locale de train. Même si nous ne prétendons pas devenir un jour le numéro 1 du train en Russie ! A l'heure actuelle, nous vendons déjà aux consommateurs européens des billets sur 26 compagnies ferroviaires européennes.

Franck Gervais est le directeur général de Voyages-Sncf.com. Diplômé en 1998 de l'Ecole polytechnique, ingénieur des Ponts et Chaussées et diplômé de la Stanford Business School, il a réalisé presque toute sa carrière dans les transports. Conseiller technique en charge des transports et de la recherche au ministère de l'Equipement et des Transports de 2004 à 2006, directeur du cabinet du président et de la direction générale de la SNCF en 2006, directeur du réseau ferroviaire des secteurs Nord et Ouest de l'Ile-de-France du Transilien de 2007 à 2009, il quitte le groupe SNCF en 2010 pour rejoindre Eiffage en tant que directeur des travaux maritimes et fluviaux. En 2011 il est nommé directeur général de Thalys international puis, en décembre 2014,  directeur des ventes internationales de Rail Europe et DG de Voyages-Sncf.com.