Sébastien Bazin (Accorhotels) "Nos services d'économie collaborative vont permettre d'améliorer notre valorisation"

Le PDG d'Accorhotels détaille sa stratégie dans les services de partage d'hébergements, qui le conduit à racheter l'Airbnb britannique du luxe, OneFineStay.

JDN. Pourquoi rachetez-vous OneFineStay ?

Sébastien Bazin, PDG d'Accorhotels © S. de P. Accorhotels

Sébastien Bazin. Ce sont les seuls à avoir réussi à cumuler deux caractéristiques qu'il est assez improbable de trouver réunies : l'économie du partage et un service hôtelier rigoureux et raffiné. Ce service fait partie intégrante du business model de OneFineStay, alors que les autres plateformes collaboratives se contentent de distribuer le produit. En outre, OneFineStay se positionne sur le segment des 4 et 5 étoiles, dont la clientèle est la même que la nôtre. Ces clients viennent dans nos hôtels pour des séjours professionnels courts et dans des résidences OneFineStay pour des séjours plus longs en famille. Cette offre est donc très complémentaire de celle d'Accorhotels et l'opération très stratégique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons pris 100% du capital.

Cela signifie-t-il que vous allez distribuer leur offre sur Accorhotels.com ?

Tout à fait. OneFineStay bénéficiera ainsi de nos 320 millions de visiteurs par an, ainsi que de notre programme de fidélité.

Parvenez-vous à mesurer l'impact sur votre activité du développement d'Airbnb, qui compte tout de même 2 millions d'annonces ?

Dans les grandes métropoles, l'été, il y a un impact. Mais les réservations Airbnb relèvent à 90% du loisir. Donc ils enregistrent une croissance très forte sur ce segment du loisir estival dans les grandes villes, mais l'impact est bien plus important sur les hôtels indépendants que sur nos chaînes d'hôtels intégrées.

Ceci dit, depuis mon arrivée chez Accorhotels il y a deux ans et demi, je dis attention : nous ne devons pas faire la même erreur que face à Booking et Expedia puis Kayak et Trivago. Airbnb va continuer à croître et nous ne devons pas regarder passer le train, il nous faut être dedans !

A cette fin, vous avez lancé le plan d'investissement Leading Digital Hospitality. Mais en plus de OneFineStay, cette année vous êtes entré au capital d'Oasis Collections et de Squarebreak. Imiter Airbnb fait donc aussi partie de votre réponse ?

Le mimétisme entre OneFineStay, Oasis Collections et Squarebreak est certain, puisqu'on est dans l'économie du partage d'hébergements de luxe. Mais leur modèle opérationnel n'a rien à voir avec Airbnb. Chacune de ces trois sociétés rencontre les propriétaires et visite les appartements, puis rencontre les utilisateurs et leur propose les produits, alors qu'Airbnb est une simple interface digitale. Le service est bien plus différenciant, bien plus difficile à réaliser… et les marges ne sont pas les mêmes.

"Plus notre offre sera abondante, plus notre trafic sera important"

Airbnb repose sur un très bon modèle, mais les clients ne disposent d'aucune transparence sur les offres. L'appartement est-il proposé par son propriétaire, par une compagnie d'assurance, par un locataire qui sous-loue ? Le savoir modifierait sans doute la décision de l'utilisateur. Sur OneFineStay, Oasis Collections et Squarebreak, c'est nous qui sommes les garants des hébergements proposés.

Comment vos propres hôtels prennent-ils ces investissements ? Les hôteliers sont très sensibles sur le sujet de la concurrence d'Airbnb que, comme vous-même, ils jugent souvent déloyale…

Ils sont conscients d'une chose, qui est la suite logique de l'ouverture de notre place de marché : plus notre offre sera abondante et plus elle aura été analysée par Accorhotels, plus notre trafic sera important. Le fait d'avoir de plus en plus d'hôtels et maintenant d'appartements de luxe va nous permettre de multiplier notre audience par trois, quatre, cinq, et de dépasser le milliard de visiteurs, ce dont les hôtels vont bénéficier.

Les gens se rendent sur le site d'Accorhotels trois ou quatre fois par an. Pour arriver à les toucher beaucoup plus souvent, il nous faut absolument développer l'offre. Or que veulent les clients ? Ils sont de plus en plus nomades, ils restent loyaux à une marque mais veulent plusieurs types de propositions rassemblés sous la tutelle d'un groupe.

En 2015 vous avez noué un partenariat avec le service de location de voitures entre particuliers TravelerCar. Au-delà de l'hébergement, dans quels domaines pensez-vous pouvoir tirer profit de services collaboratifs ?

Aujourd'hui nous n'avons fait que 10% de ce qu'il est possible de faire. Il y a beaucoup de choses à imaginer dans le fooding, la location de voitures, les bagages… De nombreuses annonces seront faites dans les prochains mois autour d'initiatives de ce type. Actuellement, Airbnb est valorisé 25,5 milliards de dollars, plus de deux fois la capitalisation qu'Accorhotels a mis 10 ans à atteindre ! Nos services d'économie collaborative vont nous permettre d'améliorer notre propre valorisation.

Après la vague des OTA, celle des métamoteurs puis l'attaque frontale d'Airbnb, quelle sera selon vous la quatrième vague numérique à venir bouleverser le secteur ?

Elle sera basée sur les compagnons de voyage. Il faudra être celui qui parviendra à accompagner le voyageur depuis le choix de sa destination jusqu'à son retour chez lui. Et donc à supprimer son anxiété à propos de son passeport, de son taxi, de son vol, du quartier de son hôtel, de sa belle-mère…

"Expedia et Booking n'ont jamais rencontré leurs clients"

Actuellement, 1,35 milliard de personnes voyagent. Ce chiffre augmente de 5% par an, mais l'offre ne s'accroît que de 2%. 70 millions de Chinois de plus qui voyagent chaque année, c'est une transformation colossale ! Il va falloir changer de modèle pour accompagner la totalité du voyage.

Tous les acteurs veulent se positionner sur cet accompagnement de bout en bout. Le créneau promet d'être extrêmement encombré…

Pour ce qui concerne les applications et les start-up, depuis un an et demi elles veulent toutes s'adosser à un grand frère afin d'améliorer leur rapidité d'exécution. Les groupes comme Accorhotels en rencontrent maintenant des dizaines et des dizaines !

Quant aux Expedia, Booking, etc, ils n'ont jamais rencontré physiquement leurs clients. Pour notre part, nous avons 230 000 personnes sur le terrain. Bien sûr, c'est aussi pour cela que leurs marges sont bien supérieures aux nôtres. Mais pour se positionner sur ce nouveau métier qui englobera toutes les étapes du voyage, c'est un atout qui leur manquera considérablement.