Les libraires en ligne ont le droit d'offrir la livraison

Le syndicat de la librairie française a perdu une bataille. La Cour de cassation a reconnu à Alapage la liberté de proposer la livraison gratuite à ses clients. Le SLF va contre-attaquer sur le terrain de la vente à perte.

La Cour de cassation a donné raison à Alapage dans le procès l'opposant au Syndicat de la librairie française (SLF). Selon elle, "le port gratuit d'un livre offert par un libraire en ligne à l'internaute ne constitue pas une infraction à la loi Lang du 10 août 1981". Elle infirme ainsi le jugement de la Cour d'appel pour qui la gratuité constituait une incitation à l'achat, c'est-à-dire une prime à l'acheteur, une pratique interdite par la loi Lang.

Selon le directeur général d'Alapage, Christophe Lassere, "la Cour a considéré que la gratuité de la livraison ne constitue pas une vente à prime mais qu'il est de la responsabilité du vendeur de faire ce qu'il veut de sa marge." La décision conforte par ailleurs Amazon, précurseur dans le domaine, qui a lui aussi été attaqué par le SLV et condamné par le Tribunal de grande instance en décembre dernier (lire l'article Livraison gratuite : Amazon condamné à 100.000 euros, du 12/012/07)

Cependant, le SLF ne désarme pas. "La Cour de cassation a renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel", explique son président Benoit Bougerol. Et si la Cour de cassation a tranché en considérant que la gratuité de la livraison ne s'assimile pas à une prime à l'achat, elle n'a pas tranché sur le problème de la vente à perte."

Selon lui, tout libraire offrant les frais de port à son client pour une commande de moins de 20 euros vend à perte. "Les frais d'acheminement à la Poste d'un colis de moins de 250 grammes sont de 5,15 euros hors taxe, il n'y a qu'à calculer. Ce n'est pas pour rien que sur les autres produits, Amazon n'offre la livraison qu'à partir de 20 euros d'achats."

Ainsi, selon Benoit Bougerol, la Cour d'appel n'avait pas statué sur la question de la vente à perte, considérant que la livraison gratuite était de toutes façons illégale ne serait-ce que parce qu'elle l'assimilait à une prime à l'achat. La question reste en suspens. Le procès en appel d'Amazon devrait ainsi éclaircir la situation et indiquer clairement si oui ou non les cyberlibraires ont le droit ou non de livrer gratuitement leurs clients et réaliser des ventes à pertes. Si la Cour considérait le procédé illégal, la gratuité des frais de port ne serait alors plus systématique, quel que soit le montant de la commande.

La décision est certes attendue avec impatience par les libraires indépendants, mais aussi par les cyberlibraires. "La Fnac, Alapage et Chapitre.com ont été obligés de s'aligner sur le dumping tarifaire d'Amazon pour rester compétitifs. Ils peuvent se le permettre, explique Benoit Bougerol. Mais les plus petits qui n'en n'ont pas les moyens ne peuvent pas rivaliser et sont éjectés du marché. Amazon casse la concurrence au profit d'une situation où deux ou trois acteurs seraient en situation monopolistiques." Maigre consolation pour le SLF, la Cour de cassation a confirmé l'interdiction pour un cyberlibraire d'offrir des bons d'achats édités par une société du même groupe à ses clients, et ce, afin d'éviter des remises déguisées.