Jacques-Antoine Granjon, le roi du déstockage en ligne

Jacques-Antoine Granjon, le roi du déstockage en ligne Féru d'art contemporain, le PDG-fondateur de Vente-privee.com, réputé pour son caractère bien trempé, est une figure atypique de l'entreprenariat français.

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Jacques-Antoine Granjon, co-fondateur et PDG de vente-privee.com. © Olivier Roller

Des cheveux longs, de grosses bagues et une barbe de trois jours. C'est sûr, Jacques-Antoine Granjon n'a pas l'allure typique d'un patron classé dans les plus grandes fortunes de France. Né à Marseille le 9 août 1962, il grandit à Paris dans une famille bourgeoise. Son père est un chef d'entreprise reconverti dans l'immobilier, sa mère est avocate. Il étudie chez les Jésuites, dans le 16e arrondissement, obtient son baccalauréat du second coup, puis entreprend des études à l'European Business School (EBS). Fêtard, il écume les boîtes de nuit. Diplômé en 1985, il fonde la société Cofotex S.A. grâce à 20 000 francs prêtés par son père.  Il s'associe avec Julien Sorbac, rencontré sur les bancs de l'EBS et familier du Sentier. Le principe de Cofotex ? Racheter des vêtements invendus et les déstocker. En six ans, il hisse sa société au rang de leader européen avec un chiffre d'affaires de 80 millions de francs. En 1996, il reprend les anciennes imprimeries du journal Le Monde, à la Plaine Saint-Denis, et y installe le siège de sa société.

JAG connaît des débuts difficiles sur la toile. En 2000, il prend 20% du capital de Just Trade It, une plate-forme Internet de mise en relation entre marques et soldeurs, et y investit un million de francs. Six mois plus tard, la start-up fait faillite.

En 2003, il envisage d'abandonner Vente-privee.com...

Quelques mois plus tard, Jacques-Antoine Granjon imagine un concept de déstockage en ligne avec des ventes flash. En janvier 2001, avec sept associés, il lance Vente-privee.com en France. Un peu tôt, peut-être. Les marques ont peur d'écorner leur image sur le web et les internautes ne sont pas encore prêts à payer leurs achats en ligne. Les débuts sont laborieux. Pendant plusieurs années, les pertes sont colossales. En 2003, JAG réunit même ses associés pour leur proposer d'abandonner. A quatre voix contre trois, le projet est maintenu. Finalement, le sésame viendra de la lingerie. A la fin de l'année, 60 000 femmes se connectent sur le site pour une vente Lise Charmel. Petit à petit, sa popularité grandit et le chiffre d'affaires explose. De 20 millions d'euros en 2004, il passe à 680 millions en 2009 et à près d'un milliards d'euros en 2010.

Petit à petit, Vente-privee s'attaque à de nouveaux secteurs. Vêtements, chaussures, voyages, bouteilles de vins, places de concerts ou de théâtre... Le site devient le fleuron du déstockage sur Internet. Il s'attaque au marché européen à partir de 2006, puis américain en 2012 grâce à une assogranciation avec American Express. En 2012, le chiffre d'affaires passe les 1,3 milliard d'euros. VP compte plus de 1 800 salariés et est devenu l'un des plus gros employeurs de Seine-Saint-Denis.

Capitaliste à tendance sociale

En 2011, JAG crée l'Ecole Européenne des métiers de l'Internet (EEMI) aux côtés de Xavier Niel et Marc Simoncini. Politiquement marqué à droite (il a voté pour Nicolas Sarkozy en 2007), il revendique une image de patron de gauche. Un capitaliste à tendance sociale, comme il aime se définir. Il se dit ainsi très proche du maire communiste de Saint-Denis, Didier Paillard. En 2010, lorsqu'il fait face à un mouvement de grève de la part d'employés qui se plaignent de leurs conditions de travail, JAG se rend sur place et finit par céder à certaines revendications sociales.

Le patron est aussi connu pour son fort caractère et ses coups de sang. "C'est vrai que j'ai tendance à m'emporter, reconnaît-il dans une interview accordée à Capital. Mais j'ai appris à me contenir, parce qu'il ne faudrait pas que je fasse un AVC à force de m'énerver." JAG est aussi réputé pour arriver au travail dans sa Bentley rose framboise.

Sa fortune est estimée à 800 millions d'euros en 2014 par Challenges, qui le classe au 77ème rang des fortunes françaises. Il détient toujours près d'un tiers du capital de Vente-privee.com. En 2007, il avait vendu 20% de l'entreprise à Summit Partners, un investisseur américain, pour 200 millions d'euros.

L'entrepreneur est aussi investisseur : il soutient de jeunes pousses françaises, comme Festicket ou Keecker. En 2013, il organise le concours 101 start-up aux côtés de Marc Simoncini et Xavier Niel : 101 start-up sont choisies par les trois entrepreneurs pour bénéficier d'un investissement de 25 000 euros.

Théâtre et œuvres d'art

JAG a racheté fin janvier 2013 le Théâtre de Paris pour près de 7 millions, puis en avril 2014 le Théâtre de la Michodière pour 4 millions d'euros, en association avec le producteur Richard Caillat, patron de l'agence de marketing HighCo et de Arts Live Entertainment, et Stéphane Hillel, directeur du Théâtre de Paris.

Féru d'art contemporain, il possède des centaines d'œuvres pop-art qu'il expose dans les locaux de VP et agrandie constamment sa collection.

Jacques-Antoine Granjon est père de trois enfants issus d'un premier mariage, et s'est remarié. Il s'est rendu avec sa femme à la huitième édition du défilé Etam lingerie, à la piscine Molitor, en mars 2015, aux côtés de nombreux people.