Jeremy Stoppleman (Yelp) "Yelp a de très bonnes chances de rencontrer son public en France"

Spécialisé dans la notation des petits commerces, Yelp ouvre ce jeudi 6 mai son site français. Rencontre avec le fondateur de la start-up, qui prévoit de réaliser un chiffre d'affaires de 50 millions de dollars cette année.

JDN. Après avoir ouvert au Canada, au Royaume-Uni et en Irlande, pourquoi avoir choisi la France pour lancer votre premier site non anglophone ?

Jeremy Stoppleman. 29 % des commerces évalués sur Yelp.com sont des restaurants, c'est la catégorie la plus commentée. En effet, les gens vont dans plusieurs restaurants mais chez un seul dentiste, par exemple. Il est donc assez naturel que nous ayons beaucoup de restaurants référencés. En conséquence, nous devenons plus vite utiles, et reconnus, sur ce domaine.

En France, la culture culinaire et gastronomique est très prégnante. Nous nous sommes donc dit qu'ici particulièrement, Yelp avait de très bonnes chances de rencontrer son public. Nous nous sommes lancés au Royaume-Uni en janvier 2009 et nous avions 1 million de visiteurs uniques mensuels au bout d'un an. Nous aimerions progresser aussi rapidement en France où Yelp se lancera simultanément dans toutes les villes.

Comment abordez-vous le marché français ?

Pour que le site dispose déjà de contenus à son ouverture, nous avons réalisé des commentaires et recueilli des contributions depuis plusieurs mois sur les restaurants et commerces parisiens.

"Yelp est très différent d'une ville à l'autre, car chaque communauté façonne le site à sa manière"

Une première différence avec le marché américain se situera au niveau de la concurrence. Nous retrouverons Google bien sûr, mais aussi des acteurs plus petits que nous avons déjà rencontrés au Royaume-Uni, comme Qype, qui s'inspire de notre modèle. Nous nous attendons aussi à faire face aux spécificités du marché français, mais nous y sommes préparés. Aux Etats-Unis déjà, Yelp est très différent d'une ville à l'autre, car chaque communauté façonne le site à sa manière. Il se passera certainement la même chose ici.

Comment allez-vous créer votre communauté française ?

Nous avons engagé un community manager à Paris. Il anime le site, écrira les newsletters hebdomadaires, mais fera aussi le lien avec le offline. Toutes les six semaines, nous organisons dans les villes où Yelp est présent des événements pour les membres, qui amènent aussi leurs amis. Nous comptons en organiser aussi à Paris.

En revanche, nous n'accompagnerons pas le lancement d'actions de marketing. Nous comptons sur le bouche à oreille et sur ces événements offline. Comme dans les autres pays, nous ne ferons pas de publicité. La communauté doit prendre le temps de grossir.

Pour quand la sortie française de votre application iPhone est-elle prévue ?

Elle sera disponible dans quelques semaines et contiendra toutes les fonctionnalités qui existent dans la version américaine. Y compris donc la fonction "Monocle" de réalité augmentée (qui permet d'afficher sur l'écran des tags en surimpression de l'image filmée par l'iPhone, ndlr). La version conçue pour Android suivra.

"Nous n'afficherons pas de publicité sur Yelp.fr pendant au moins un an"

Au même moment, nous permettrons aux gérants des commerces évalués sur Yelp de renseigner des informations sur eux-mêmes : les horaires, les offres spéciales, des photos... Ils auront également la possibilité de commenter les commentaires des utilisateurs.

Adoptez-vous le même modèle de rémunération qu'aux Etats-Unis : résultats sponsorisés et display ?

Tous les revenus de Yelp proviennent de la publicité sur le site américain. En dehors des Etats-Unis, nous n'affichons pas de publicité. Cela restera ainsi pendant encore un an au moins.

Vous considérez Yelp autant comme un réseau social que comme un site de recommandations...

Un jour, j'ai fait une recherche sur un médecin et n'ai recueilli que très peu d'informations : ses coordonnées, sa spécialité. C'est ce qui m'a donné l'idée de proposer un service qui serait enrichi par tous. D'autant que lorsque nous travaillions chez Paypal, l'autre cofondateur - Russ Simons - et moi-même avons vu l'impact de Craigslist sur le secteur des petites annonces. C'est dans cet esprit que nous avons lancé Yelp en juillet 2004.

Mais dans un deuxième temps, Yelp a pris une dimension beaucoup plus sociale. Les utilisateurs se sont mis à écrire de plus en plus, employant le site presque comme un blog. En 2005, nous avons relancé le site en mettant l'accent sur le partage des commentaires et sur les communautés locales. A la fin de l'année, une véritable communauté d'utilisateurs s'était développée à San Francisco. Nous avons levé davantage de fonds et déployé ce modèle.

Alors, un réseau social... Pas à la Facebook, qui se rapproche de l'e-mail, mais certainement comme du blogging, destiné à tous ceux qui adorent écrire et interagir sur la nourriture, les restaurants...

"Depuis un mois, il est possible de visualiser les commentaires filtrés. A chacun ensuite de se faire sa propre idée !"

Quels sont les prochains pays où vous comptez vous installer ?

Nous n'avons pas de roadmap précise pour l'Europe. Nous allons attendre de voir comment le site se développe en France, puis nous déciderons.

Vous avez récemment levé 100 millions de dollars auprès d'Elevation Partner. Où en sont vos projets d'IPO ?

Cette somme se répartit entre 25 millions de dollars de fonds supplémentaires et 75 millions de dollars employés à racheter les parts d'investisseurs et de salariés. C'est le même genre d'investissement que celui de DST dans Facebook. Elevation nous a ainsi permis de conserver la flexibilité dont nous aurait privé une entrée en bourse. Quant aux éventuelles discussions avec Google autour d'un rachat, il n'est pas forcément inhabituel de parler avec les gros de l'industrie. Mais Yelp est en forte croissance et qui plus est, nos visiteurs sont un public en or puisqu'ils s'apprêtent à faire une transaction. Alors pourquoi céder Yelp ?

Comment est faite la sélection des commentaires qui apparaissent sur le site ? En Californie, vous êtes l'objet d'une "class action" de commerçants qui vous accusent d'extorsion...

Ce procès est ridicule. Nous avons mis en place des filtres qui identifient les commentaires qui ne sont pas utiles, les faux avis, et les suppriment. Le système est automatisé et il n'y a pas d'intervention manuelle, comme sur Google qui repère les clics frauduleux. De plus, depuis un mois, il est possible de visualiser les commentaires filtrés. Ils apparaissent en dessous des autres. Cela ne soulage pas la frustration des commerces qui voient des commentaires positifs filtrés, mais c'est mieux ainsi. A chacun ensuite de se faire sa propre idée !