Liberty Verny (Bazarchic) "Bazarchic dépassera 80 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2013"

En 2012, Bazarchic a misé sur le voyage avec MyTravelChic, sur le retail avec une boutique à Velizy et sur le mobile, qui représente aujourd'hui 22% de ses ventes. Son cofondateur détaille ses projets en cours et à venir.

JDN. Vous avez ouvert en janvier 2012 une boutique Bazarchic dans le centre commercial L'Usine qu'opère Unibail à Velizy. Pourquoi aller vers la vente physique ?

Liberty Verny. Cette boutique de mode et déco est menée comme un test s'étalant sur deux ans. Ouvrir des magasins répond à plusieurs objectifs totalement distincts. Premièrement, se rapprocher des clients physiques et voir quelle résonance peut avoir une boutique sur nos membres actuels. Deuxièmement, développer une nouvelle business unit, avec un chiffre d'affaires et une croissance qui lui appartiennent. De plus, ces magasins constituent un canal supplémentaire à proposer à nos marques. Enfin, nous pouvons ainsi offrir à nos clients de récupérer leurs commandes dans nos boutiques.

A ce sujet, la transposition en droit français de la directive sur le droit des consommateurs pourrait bientôt faire évoluer la législation en matière de retrait, de retour des commandes et de remboursement. En Allemagne, les e-commerçants envoient des agents pour rembourser l'acheteur en même temps qu'ils récupèrent les produits. Si cette quasi-immédiateté devenait la règle, nous pourrions proposer à nos clients de déposer en boutique les produits qu'ils désirent retourner et de se faire rembourser immédiatement. Avec un maillage physique certes encore insuffisant, nous bénéficierons tout de même partiellement de cette souplesse.

Quel premier bilan en tirez-vous ?

L'ouverture de notre boutique de Velizy porte à cinq le nombre de points de vente que nous opérons, en comptant nos quatre boutiques de déstockage haut de gamme NGR, à partir desquelles nous avions créé Bazarchic en 2006. A elles cinq, elles représentent environ cinq ventes événementielles par semaine, accessibles sur invitation.

Notre boutique Bazarchic commercialise des articles sous la forme de ventes éphémères ciblées sur la région, mais nous permet également d'écouler des fins de stock d'une profondeur insuffisante pour justifier une vente sur Internet. Pour l'instant, le test de Velizy est concluant. Le marché étant tendu, notre décision n'est pas encore prise, mais nous ouvrirons peut-être deux autres magasins d'ici l'été 2013. Puis, si nous trouvons d'autres emplacements, nous voudrions ouvrir à Lyon, Marseille, Toulouse, Montpellier, Nantes, Metz... Nous regardons les implantations possibles dans le réseau d'Unibail, notre partenaire.

Fin mai 2012, Bazarchic s'est lancé dans la vente de voyage en ouvrant MyTravelChic. Comment espérez-vous vous faire une place sur ce créneau déjà bien occupé ?

Là encore, nous désirons monétiser notre base et élargir notre champ d'action. MyTravelChic va nous permettre de conquérir de nouveaux membres, de proposer un service supplémentaire à nos membres actuels et bien entendu de générer un chiffre d'affaires additionnel. Nous sommes tour opérateur : nous vendons des nuitées et des billets, à la fois à la carte et de manière packagée. C'est tout à fait nouveau sur ce segment, puisque le client a la possibilité de choisir son billet, sa compagnie aérienne... Ceci avec une particularité : les prix bas. Comme nous sommes intégrateurs de voyages, nous répercutons sur les consommateurs les économies réalisées auprès de nos fournisseurs.

Nous pratiquons trois types de prix : les départs immédiats qui sont de supers bons plans, les ventes événementielles et les ventes catalogues qui sont planifiées jusqu'à un an. Le chiffre d'affaires est essentiellement réalisé sur les deux derniers types d'offres, car le départ immédiat est déjà très couvert. A ceci près que très peu d'acteurs se positionnent comme nous sur le luxe pas cher : la plupart opèrent sur l'entrée de gamme.

Comment se sont passés vos premiers mois d'activité ?

Ils ont été très encourageants. En permanence sur le site, les internautes ont accès à environ 300 offres réservables. Nous créons une cinquantaine de voyages chaque jour, ce qui nous a permis de saisir un millier d'offres prêtes à être lancées pour la fin de l'année. Notre ancrage très haut de gamme limite d'ailleurs le nombre d'offres en commun avec les autres acteurs, qui sont plutôt des "machines de guerre du package". 1000 euros pour 9 jours dans un 5 étoiles, ce n'est pas chez eux, mais chez nous. Ce n'est d'ailleurs pas le réflexe du consommateur lambda, qui se rue plutôt sur ces usines, qui gagnent de l'argent parce qu'elles vendent en masse.

Nous pensons terminer 2012 avec un volume d'affaires de 5 millions d'euros pour MyTravelChic. Pour 2013 nous visons au minimum 20 millions d'euros sur le périmètre France. Nous sommes en pourparlers avec de possibles partenaires étrangers.

C'est donc avec MyTravelChic que vous dépasserez vos actuelles frontières françaises et belges ?

MyTravelChic sera sans doute la première plateforme internationale de notre groupe, mais notre expansion inclura aussi Bazarchic. Nous avons d'importantes velléités internationales, mais les coûts d'acquisition sont très élevés, surtout à une époque où la conjoncture économique n'est pas favorable en Europe. Nous allons choisir deux pays courant 2013, peut-être l'Italie et le Royaume-Uni. En vérité nous sommes déjà prêts, mais nous avons encore des arbitrages à réaliser en fonction du marché et des moyens à mobilier.

Où en êtes-vous financièrement ?

Nous n'avons jamais perdu d'argent et la croissance de nos ventes s'établira en 2012 autour de 30%, soit un chiffre d'affaires de 60 millions d'euros. En 2013, toutes activités comprises, nous voudrions dépasser 80 millions d'euros de chiffre d'affaires. Depuis notre tour de table de 6,5 millions d'euros mi-2009, nous n'avons pas levé de fonds. Nous sommes rentables et disposons de liquidités suffisantes pour financer nos projets, d'autant que nous pouvons mettre en place des partenariats.

Je crois néanmoins qu'un regroupement va s'avérer nécessaire et que les leaderships vont devoir s'exprimer. Le marché est loin d'être saturé. Finalement, le chiffre d'affaires d'un site ne dépasse pas celui d'un hypermarché de la région parisienne. Il y a donc de la place pour plusieurs acteurs, d'autant qu'il y a beaucoup de choses à faire. Mais je suis convaincu qu'un rapprochement aurait du sens pour beaucoup d'entre nous.

Envisagez-vous de vous diversifier dans la vente des collections en cours ?

Beaucoup d'acteurs ont touché à un modèle mixte. Il est effectivement intéressant pour le consommateur de disposer sur le même site des deux modèles de ventes : collections en cours et fins de collections déstockées. D'ailleurs, tous les acteurs du "in-season" regardent le marché des ventes événementielles et inversement. C'est logique, ce type de cross-selling est un moyen intelligent de monétiser ses bases. Mais du côté du marchand, rapidement, l'une des activités prend inévitablement le dessus sur l'autre. Il faut donc le pratiquer intelligemment et sans cannibalisation.

Nous avons un grand projet en gestation sur la vente des collections actuelles, qui pourrait voir le jour en 2013. Mais il sera lancé en parallèle du site Bazarchic : ce sera un site distinct, avec des passerelles entre les deux, comme c'est déjà le cas pour MyTravelChic.

Face au leader Vente-privee.com, beaucoup de sites de ventes événementielles ont dû remanier en profondeur leur activité, voire carrément changer de secteur. Pourquoi pas vous ?

Bazarchic est devenu une véritable marque de distribution, une façon d'acheter. En outre, nous ne sommes pas descendus sur le marché du mass-market et n'avons pas étendu nos ventes à de multiples segments. Nous vendons toujours de la mode féminine de 16 à 70 ans, de l'enfant et de l'ado, nous sommes plus faibles sur la mode masculine et nous sommes très fort en déco ainsi qu'en petite joaillerie. Nous sommes donc restés sur notre segment et les internautes nous sont restés fidèles.

Nous nous adressons plutôt à des femmes citadines très actives et modeuses. Nous excluons donc tout un pan de population qui se rend sur les sites de nos confrères. Mais c'est ce qui nous permet de conserver notre cohérence vis-à-vis de nos clients et notre pertinence vis-à-vis des marques. Nous élargissons parfois notre spectre, mais sans perdre notre ADN : nous ne nous interdisons pas des marques plébiscitées comme Tefal, ni des maisons spécialisées et inconnues du grand public comme Mauviel.

Quels sont vos projets en matière de mobile ?

C'est un canal extrêmement important pour Bazarchic. Nos premières applications mobiles remontent à 2007, nous étions le premier acteur de notre segment à en lancer. Notre application iPhone en est déjà à sa cinquième version! Sur l'ensemble de l'année 2012, nous aurons réalisé 10% à 15% de notre chiffre d'affaires sur le mobile. Cette proportion croît très rapidement, puisqu'actuellement, en octobre, 15% de nos ventes sont faites sur iPhone et iPad et 7% sur Android et notre site mobile, soit 22% de nos ventes sur le canal mobile.

Nous sommes en train de rajeunir nos applicatifs. Courant octobre sortira notre nouvelle application iPhone, l'iPad suivra en novembre. Nous effectuons un travail important sur cette application iPad, qui devrait nous faire gagner pas moins de 5 ou 6 points de chiffre d'affaires. Or ce sera de la vente additionnelle et non de la substitution.

Liberty Verny a créé sa première entreprise à 20 ans. Après avoir vendu sa société Victoria, SSI de 1500 salariés, à un groupe international en 2005, il fonde Bazarchic avec son épouse, Nathalie Gillier, fondatrice de NGR, le spécialiste du rachat et de la distribution des stocks haut de gamme. Nathalie Gillier et Liberty Verny font évoluer le concept de NGR et lancent en 2006 Bazarchic.com, un site de ventes événementielles haut de gamme. A son capital, le groupe Figaro Media, la Caisse des Dépôts et EPF Partner.