La facture électronique : quels avantages économiques et juridiques ?

La facture électronique est une réalité tant économique que juridique pour les entreprises. Les exigences juridiques et les avantages économiques se conjuguent pour en faire un outil utile que l'entreprise soit fournisseur ou cliente.

La facture joue un rôle essentiel dans les transactions commerciales entre les différents acteurs du marché, qu'ils soient publics ou privés. Constatant les conditions auxquelles un commerçant a vendu des marchandises, loué des objets ou assuré un certain service, elle est imposée par certains textes comme l'article L. 441-3 du Code de commerce ou encore l'article 289 du Code général des impôts (CGI). En matière fiscale, la facture permet au commerçant de déduire la TVA d'une opération et, pour ses clients, de connaître le taux de taxe applicable. Dans un souci d'harmoniser les règles de facturation applicables en matière de TVA dans les Etats membres, une directive 2001/115/CE a été adoptée le 20 décembre 2001. Parmi ses dispositions, la directive traite notamment de la facturation électronique.

Désormais, en droit interne, la transposition de cette directive a été effectuée par l'article 17 de la loi de finances rectificative pour 2002, le décret n°2003-632 du 7 juillet 2003 et le décret n°2003-659 du 18 juillet 2003, complété par une instruction fiscale du 7 août 2003 (BOI 3 CA-136). Une instruction du 24 janvier 2006 (BOI 13 L-1-06) est venue fixer l'ensemble des règles applicables pour la tenue et le contrôle de comptabilités informatisées. Enfin, une instruction du 11 janvier 2007 (BOI 3 E-1-07) précise les conditions dans lesquelles les entreprises qui créent et conservent, sous forme électronique, des factures qu'elles transmettent à leurs clients sur support papier peuvent être dispensées de l'obligation de conserver sous forme papier le double des factures ainsi transmises.

La transmission électronique des factures, susceptible de créer des avantages économiques certains au profit des entreprises, est encadrée par un ensemble de normes dont il convient de préciser la teneur.

 

Les intérêts économiques de la facture dématérialisée

 

Grande préoccupation de ces dernières années pour l'ensemble des acteurs de l'industrie et du commerce, la facture dématérialisée représente aujourd'hui une alternative de choix face à l'augmentation du volume des échanges papier. Techniquement au point, les solutions du marché arrivent à maturité, s'appuyant sur deux grands principes, que sont l'EDI et la facture électronique sécurisée au moyen d'une signature électronique.

Ces deux niveaux de dématérialisation ont pour objectif commun d'améliorer les échanges interentreprises en leur permettant de réaliser des économies non négligeables. Les gains potentiels d'une telle solution peuvent être catégorisés comme suit :

 

Gain de temps

Aspect financier

µ          Rapidité de transmission ;

µ          Rapidité de traitement des factures et des litiges potentiels ;

µ          Diminution du nombre des litiges potentiels ;

µ          Emission plus rapide du titre de paiement ;

µ          Comptabilisation automatique des factures ;

µ          Diminution du volume papier à traiter.

µ          Diminution des frais d'archivage ;

µ          Diminution des frais d'envoi papier (timbres, enveloppes, etc.)


Renforcement de la sécurité

µ          Garantie d'authenticité et d'intégrité des factures transmises ;

µ          Suivi rigoureux de la réception des factures par l'outil de dématérialisation ;

µ          Possibilité de systématiser les contrôles.


Les différentes études menées sur l'aspect financier montrent un rapport de 3.5 entre le coût de traitement standard d'une facture émise via papier et une facture émise électroniquement (14 euros pour une facture papier, contre 3 euros pour la version dématérialisée).

 

Le cadre juridique de la facture électronique

 

La transmission de la facture par voie électronique peut s'effectuer selon deux normes sécurisées : le document signé électroniquement et l'échange de données informatisées (EDI). Les assujettis peuvent tout à fait indifféremment choisir l'un ou l'autre de ces modes de transmission de factures même si du point de vue technique ils ne fonctionnent pas de la même manière. Certaines exigences juridiques sont communes aux deux normes même si leurs conditions d'utilisation diffèrent.

 

Le cadre juridique commun

 

L'article 289-I à IV du CGI définit les obligations et les modalités de la facturation de manière générale. En revanche, des exigences spécifiques sont prévues pour la transmission des factures électroniques.

Le respect de formalités préalables est en premier lieu indispensable. Le système de facturation électronique doit avant tout garantir l'authenticité de l'origine des factures ainsi que l'intégrité de leur contenu. L'acceptation préalable de ce système par le destinataire est requise et doit être matérialisée dans un contrat.

Les assujettis peuvent transmettre au même destinataire un lot de factures en ne mentionnant qu'une seule fois les mentions communes à ces factures sous certaines conditions.

Les factures électroniques doivent être conservées dans leur format original : sur support informatique pendant une durée au moins égale au délai de droit de reprise soit trois ans tel qu'énoncé à l'alinéa 1er de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales (LPF), sur tout support au choix de l'entreprise pendant les trois années suivantes. 

La facture émise et celle reçue doivent être identiques et restituables par l'entreprise à qui l'administration en fait la demande, dans un format habituellement admis dans les usages commerciaux. Par conséquent, l'administration doit pouvoir, à des fins de contrôle, accéder en ligne à ces factures et aux données jointes.

 

Les exigences spécifiques

Dans le cas des factures transmises par voie électronique et sécurisées au moyen d'une signature électronique l'article 289-V du CGI dispose, "les factures, peuvent, sous réserve de l'acceptation des destinataires, être transmises par voie électronique dès lors que l'authenticité de leur origine et l'intégrité de leur contenu sont garanties au moyen d'une signature électronique". Cela exclut toute facture initialement émise sur support papier et numérisée ensuite même si ce document est sécurisé au moyen d'une signature électronique. L'utilisation d'un certificat électronique délivré par un prestataire de services de certification électronique (PSCE) est exigée.

Après avoir vérifié l'authenticité et la validité du certificat électronique, le destinataire des factures est alors tenu de vérifier l'authenticité et l'intégrité du message au moyen de ce certificat.

Les factures, la signature électronique à laquelle elles sont liées ainsi que le certificat électronique attaché aux données de vérification de la signature électronique doivent être conservés dans leur contenu originel pour constituer une facture d'origine.

L'administration peut à tout moment utiliser son pouvoir de contrôle, d'enquête ou de communication pour s'assurer que les normes techniques définies à l'article 96 F-I précité ont bien été respectées.

 

Selon l'article 289Bis du CGI, constituent des documents tenant lieu de factures d'origine "les factures transmises par voie électronique qui se présentent sous la forme d'un message structuré selon une norme convenue entre les parties, permettant une lecture par ordinateur et pouvant être traitée automatiquement et de manière univoque". Les entreprises qui veulent transmettre les factures par EDI doivent recourir à un système de télétransmission répondant à certaines normes techniques.

Il existe un modèle d'accord d'interchange pour les échanges de messages (EDI recommandation 1994/820/CE de la Commission du 19 octobre 1994) sur lequel il conviendra de se fonder pour établir le contrat préalable.

Deux exigences sont posées :

• Identité du message émis et reçu ;

• Tenue d'une liste récapitulative et du fichier des partenaires.

Les informations émises ou reçues doivent être conservées dans leur contenu originel et durant les délais prescrits par les textes (Article L. 102 B du livre des procédures fiscales).

Sur demande de l'administration, l'intégralité des informations, facultatives ou obligatoires, des messages factures que la DGI veut expressément contrôler doit être restituée en langage clair par la personne chargée de s'assurer qu'une facture est délivrée et par la personne destinataire.

Les agents de l'administration peuvent procéder à des contrôles inopinés de la conformité du fonctionnement du système de télétransmission.

 

Conclusion

Comme dans tout projet, la définition fine du périmètre et des objectifs est primordiale lorsque l'on entend mettre en oeuvre une solution de dématérialisation de factures. Un des facteurs clés de succès est l'analyse des processus ; il s'agit de les quantifier et les qualifier dans le but d'identifier l'ensemble des charges associées aux traitements des factures et ainsi les optimiser. Enfin, se faire accompagner par différents conseils externes (dans le domaine technique, juridique et organisationnel) pour structurer la démarche à partir d'une méthodologie rodée et compléter ainsi les compétences internes peut être envisagé, suivant l'importance du projet.

Article rédigé en collaboration avec Esteban Gwinner, Consultant au sein de Voirin Consultants.