La législation des jeux d’argent en ligne rimera-t-elle avec protection ?

Le marché des jeux d'argent était monopolistique au nom de la "protection des joueurs", nous avait-on dit. L’argument ne tient pas et Bruxelles a remis en cause ce monopole.

Certains analystes, comme le Professeur de droit public Denis Alland dans sa tribune du 16 décembre 2009 (Libération), accusent la France d'ouvrir le marché sous un faux prétexte. Selon lui, "le droit communautaire n'impose nullement un tel dispositif (...) Les Etats membres sont libres de fixer les objectifs de leur politique en matière de jeux de hasard (...)". Quoi qu'il en soit, l'ouverture maîtrisée du marché est bonne puisque plus de 3 millions de Français jouent déjà en ligne depuis des années sans avoir attendu la libéralisation et il vaut mieux réguler un marché que le nier comme c'est le cas depuis plus de dix ans.

Dans ce double objectif de régulation et de contrôle, l'Arjel (Autorité de régulation des jeux en ligne) sera chargée de délivrer pour 5 ans renouvelables les licences de jeux aux opérateurs et de ne les accorder qu'après vérification très stricte des différentes règles et obligations contenues dans le cahier des charges. On va trouver parmi ces différentes obligations des clauses générales de protection des personnes vulnérables et de prévention des comportements addictifs. Il s'agit là encore de protéger au mieux les joueurs ou futurs joueurs qui seront exposés à une offre beaucoup plus importante de sites proposant les jeux en ligne.

Mais pas seulement, les opérateurs devront également présenter différents gages de  transparence et de solidité financière. Il faut éviter à tout prix la mise sur le marché d'opérateurs qui ne seraient pas sérieux. Des mesures sont également mises en place pour lutter contre les fraudes, étant donné le caractère particulièrement lucratif de ces différentes opérations.

Si l'ouverture du marché des jeux d'argent en ligne a suscité des débats virulents et notamment ceux tenant à l'addiction et aux dépendances que peuvent provoquer ces jeux, c'est bien sûr car l'ouverture maîtrisée va augmenter le nombre de joueurs. Cette addiction existe et il ne faut pas le nier, près de 3% de la population est considérée comme dépendante. On comprend donc les critiques qui tendent à dire que la libéralisation mènerait à une augmentation des risques pour ces joueurs.

Mais jusqu'à présent, c'était la jungle, tant le nombre de sites disponibles était important. Comme nous l'expliquait début 2009 Carole Morlec, alors psychologue en chef d'Adictel (service d'aide aux joueurs dépendants), le changement de législation permettra de "lever le voile sur une réalité déjà bien établie", en poursuivant que jusqu'à présent "ce qui était préoccupant était justement la non-législation des jeux en ligne, qui engendrait de réelles dérives : accessibilité du jeu aux mineurs, l'existence de sites peu scrupuleux, etc...".

Il y aura aussi moins de sites à gérer car ils ne recevront pas tous une licence et la prévention sera plus visible sur ces sites. On va donc pouvoir ainsi, sans faire disparaitre le phénomène de l'addiction qui existe depuis toujours, avoir une marge de manoeuvre plus importante au niveau de la protection et prévention de ces comportements.

Il ne faut pas oublier la protection des mineurs qui s'inscrit dans le même esprit. Il s'agit de leur interdire l'accès à ce genre de site et leur offrir une réelle protection, quasiment inexistante en l'absence de régulation, les jeunes ayant accès sans aucune difficulté aujourd'hui aux sites proposant des jeux d'argent.

La diabolisation que connaissent aujourd'hui les jeux sur internet peut parfois s'assimiler à celle que connait le web depuis quelques années. Il n'est pas rare que l'on entende à la télévision que c'est un média dangereux et que les dérives y sont très importantes. Dans ces deux cas de figure, il faut prendre en compte les avantages et les apports de cette nouvelle technologie sans diaboliser ce phénomène, ce qui reviendrait à nier et à dénigrer la possibilité de s'amuser et de profiter de ces services, sans que cela ne soit néfaste et dangereux.

Pour finir, l'ouverture à la concurrence est positive dans le sens où la liberté des citoyens (défendue d'ailleurs par la pétition européenne "Right2Bet") est respectée. En effet, faut-il interdire à 97% des joueurs de jouer car 3% sont dépendants ? Mais la France sortira grandie s'il elle adopte une loi qui, en respectant avant tout les consommateurs, permettra aussi d'améliorer le secteur et la place de ceux qui y travaillent actuellement - dans un flou juridique -, notamment en ce qui concerne la publicité en ligne (depuis 2010, des bannières BetClic sont présentes sur Dailymotion, pour ne citer que cet exemple). La création d'emplois en France liée directement à cette ouverture, ou indirectement avec des services parallèles, est aussi un point positif d'un point de vue économique.