Décryptage sur la violation d'une clause de confidentialité et d'e-réputation

Le Tribunal de Grande Instance de Béthune condamne dans un jugement du 14 décembre 2010, un ancien salarié qui a divulgué des informations confidentielles sur plusieurs blogs qu'il édite. Décryptage.

Une société spécialisée dans la conception et le développement d'outils de communication et d'assistance dans la réalisation de projets informatiques assigne en justice l'un de ses anciens salariés après avoir découvert qu'il menait depuis son départ une campagne de dénigrement active sur le web. Elle lui reproché aussi d'avoir dévoilé des informations confidentielles sur son ancien employeur dans des termes désolants sur deux autres sites web. Cette  divulgation vise notamment  des aspects commerciaux de son activité, le côté technique de ses prestations et la gestion des ressources humaines.

La motivation retenue par le tribunal est pleine d'enseignement quant aux conséquences juridique de la signature d'une clause de confidentialité.

Dans son contrat de travail, l'ancien salarié avait accepté une « clause de discrétion » libellée ainsi : « le salarié s'engage d'une façon absolue à garder la discrétion la plus grande sur tout ce qui concerne l'activité de la Société telle qu'il en aura connaissance dans l'exercice de ses fonctions et ce en tout domaine, et y compris à l'expiration du présent contrat ».

Le Tribunal analyse cette disposition comme une clause de confidentialité renforcée eu égard aux fonctions de cadre exercées par l'ex employé mis en cause et aux informations sensibles auxquelles il a eu accès dans le cadre de sa fonction.

Aux visas des articles 1134 et 1135 du Code civil sont rappelés avec force les principes essentiels suivants :
- les contrats doivent être exécutés de bonne foi ;
-l a liberté d'expression n'est pas absolue, l'exercice de cette liberté étant limité par l'usage qui en est fait et qui ne doit pas revêtir les caractéristiques de l'abus de droit ;
- les clauses de confidentialités sont parfaitement licites dans les contrats de travail dès lors qu'elles sont justifiées par la nature des tâches à accomplir et proportionnées aux buts recherchées ;
- une clause de confidentialité contient intrinsèquement une obligation de loyauté vis-à-vis de l'employeur ;
- une clause de confidentialité peut parfaitement s'étendre à l'expiration du contrat de travail.

Le Tribunal ayant constaté la diffusion d'informations confidentielles sur internet en violation de la clause de confidentialité, il décide alors d'entrer en voie de condamnation sur le terrain de la responsabilité contractuelle.

Se pose ensuite la question de l'indemnisation du préjudice subi.  A cet égard, en application de l'article 1147 du Code civil, il est rappelé que « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ». Le Tribunal souligne à juste titre qu'en matière de violation d'une clause de confidentialité, le dommage certes difficilement quantifiable, n'en demeure pas moins établi du seul fait de ce manquement. Il fait ainsi droit à la demande d'indemnisation symbolique à hauteur d'un euro, préférant en l'espèce accès sa condamnation sur des réparations « en nature ».

Il indique aussi que « faire cesser la cause du dommage s'analyse également en une forme de réparation en nature ».

En effet, l'article 1143 du Code civil prévoit que « le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement soit détruit ; et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts s'il y a lieu ». C'est donc sur ce fondement que le Tribunal condamne l'ex salarié au versement d'une somme de 10.000 euros en vue de la publication du dispositif de la décision dans quatre magazines au choix du demandeur.

Il est également décidé une condamnation sous astreinte pour la publication du jugement de manière permanente sur le blog de l'ex salarié ainsi que sur les sites qu'il édite, cette publication devant « s'afficher de façon lisible en lettres de taille suffisante (...) en dehors de tout encart publicitaire et sans mention ajoutée dans un encadré de 468x120 pixels, le texte devant être précédé du titre "Avertissement Judiciaire" en lettres capitales et gros caractères »Enfin, il ordonne sous astreinte à l'ex salarié de retirer ou faire retirer de plusieurs sites internet un certain nombre de textes dont il est l'auteur.

Ce jugement est l'occasion pour nous, de mettre en lumière l'importance de la signature de clauses de confidentialité et les conséquences de l'effet de telles clauses, et ce y compris lorsque le manquement intervient après l'expiration du contrat.

En effet, qu'il s'agisse de  relations employeur/salariés ou de relations commerciales la violation d'une clause de confidentialité pourra conduire les Tribunaux a entrer en voie de condamnation et sanctionner sévèrement ce type de manquements contractuels. Si l'existence d'un préjudice apparaît automatique en matière d'une violation d'une obligation de ne pas faire, la difficulté sera alors de quantifier le préjudice subi. Dans ce cas d'espèce, les premiers juges ont axé principalement leur condamnation sur une réparation « en nature » c'est-à-dire sur des mesures de réparation par voie de publication ou de suppression.

A notre avis, dès lors que la violation d'une clause de confidentialité conduit à dévoiler un savoir-faire c'est bien la valeur de ce savoir-faire qui pourrait être alors indemnisable et conduire les tribunaux à accorder des réparations substantielles dépassant l'euro symbolique accordé en l'espèce.

C'est pourquoi, une attention toute particulière devra être portée sur la rédaction et la signature de clauses ou d'accord de confidentialité tant sur leur validité (elle doit être proportionné et ne pas caractérisé un abus entre employeur et salarié) que sur leurs conséquences et leur durée.

En définitive, cette décision apporte enfin une nouvelle illustration des enjeux juridiques majeurs attachés à l'e-réputation d'une entreprise.

force est de constater qu'avec l'explosion des réseaux sociaux et autres plateformes d'expression en ligne, la gestion de la confidentialité et de la réputation de l'entreprise lui impose de mettre en place des systèmes de veille lui permettant d'être alertée quasiment en tant réel sur toute diffusion de propos malveillants (dénigrement, diffamation, atteinte à la confidentialité etc.).

La réaction doit alors être extrêmement rapide, proportionnée et réfléchie.

En tout état de cause cette réaction doit s'appuyer sur une qualification juridique précise ; élément clé de la définition des axes stratégiques permettant à l'entreprise de gérer son e-réputation.