Paiement mobile: il faut légiférer, faute d'accord entre les industriels

25 milliards d’euros de chiffre d’affaires mondial pour le micropaiement selon Visa et Paypal, 350 millions d’euros en France pour le seul SMS selon les opérateurs télécoms: le micropaiement est un marché prospère qui va du PC au mobile. Encore faut-il s’entendre sur la façon de payer.

Jusqu’à il y a peu, le monde du micropaiement était relativement clair. Cette méthode d’achat sert sur internet à acheter des services ou des biens immatériels (dénommés « virtual goods » ou « digital goods »), pour une valeur inférieure à 30 euros. En pratique, 60 % de ces virtual goods sont vendus entre 3 et 5 €, et 40 % entre 5 et 10 €, même s’ils sont parfois payés par carte bancaire. N’importe quel éditeur peut se targuer de vendre des services ou biens virtuels, à condition d’avoir un contenu à valeur ajoutée à proposer : jeux, articles, musique ou accès à un service sur abonnement. Il peut utiliser le micropaiement pour le monétiser. Une simple inscription sur l’une des plates-formes de micropaiement disponibles permet d’installer sur son site un script pour protéger son contenu et le déverrouiller une fois le paiement effectué. D’un pays à l’autre, il y a beaucoup de plates-formes différentes, et les modalités varient. En France, on compte cinq plates-formes majeures qui proposent une solution d’appels ou SMS surtaxés avec presque les mêmes tarifs.

100 millions de payeurs mobiles dans le monde

Pourquoi choisir l’une plus que l’autre ? L’affinité avec la solution ou la technologie éventuellement différente proposée joue, mais à 99 % le reversement est responsable du choix de la plate-forme. Par reversement, l’on désigne la somme finale qui restera à l’éditeur par rapport au prix de vente : l’opérateur téléphonique, la plate-forme de micro-paiement et la banque prélevant leur part au passage. Au final, l’éditeur récupère donc entre 50 et 80 % du prix de vente de son contenu. En théorie, une solution de paiement par carte bancaire ou Paypal, avec des commissions plus faibles, serait plus avantageuse pour lui, mais il se pose alors le problème du taux de conversion des achats. Les internautes hésitent à sortir leur carte bancaire ou à laisser toute autre information confidentielle pour payer 3 €. Selon une étude Gartner, il y avait en juin 2010, 100 millions de payeurs mobiles dans le monde, et une majorité d’entre eux utilise le SMS. En France, ce type de micro-paiement génère un demi-million d’euros de chiffres d’affaires selon les opérateurs, et 25 milliards d’euros de chiffres d’affaires dans le monde selon Visa et Paypal.

Tous les acteurs ont leurs propres initiatives

Or si jusqu’à présent le développement du micro-paiement était lié à celui de l’internet classique, le marché se déplace vers le téléphone mobile. Depuis deux ans et l’avènement de l’iPhone et des autres smartphones et tablettes, un énorme potentiel s’est dévoilé : le digital good mobile. Du coup, on pourrait se servir de son téléphone pour tout payer : sa sonnerie, un article de journal en attendant le métro, ou avec le déploiement du NFC sa baguette de pain. Les marchés du micro-paiement, du m-paiement et du paiement classique se rapprochent. Demain, le téléphone remplacera la carte bancaire.

Mais pour l’instant, aucun des acteurs en lice ne tire dans le même sens. Les banques, les émetteurs de cartes (Visa, MasterCard, American Express), les plates-formes de paiement (Square, Paypal, Rentabiliweb), les opérateurs de télécommunication, les constructeurs de téléphones, les fournisseurs de systèmes d’exploitation mobile et même les majors comme Amazon & Google veulent mettre la main sur ce marché. Chacun a ses propres initiatives en matière d’identification et de paiement.
* Premier problème : tous les constructeurs n’intègrent pas les normes déjà en place (l’iPhone d’Apple n’est ainsi pas nativement compatible avec la norme NFC).
* Deuxième problème 
: pour l’instant les AppStore se basent sur un numéro de carte bancaire enregistrée sur le téléphone. Sorti des AppStore officiels, comment un éditeur d’une webapp peut monétiser son contenu ? Pour l’instant il peut encore choisir les prélèvements sur l’opérateur classique. Mais d’ici quatre ans, il devra intégrer les différentes plates-formes de paiement mobile (Paypal, Visa, Orange, Google, Facebook, etc.) Et l’utilisateur avant un premier achat devra choisir de s’enregistrer dessus. 

L’identification, un problème de libertés publiques

Dans ce cas Paypal a une longueur d’avance avec ses cent millions d’utilisateurs, mais ce n’est pas la panacée. Apple va chercher à imposer sa norme, Google la sienne, Visa et les banques les leurs, etc. L’avenir est flou, or c’est un marché où les positions prises maintenant définiront les dix années à venir. Si les intermédiaires se multiplient, que restera-t-il aux commerçants ? Et comment les acheteurs potentiels s’y retrouveront ? Nous sommes arrivés à avoir une technologie accessible, mais nous ajoutons des couches de complexité en ajoutant trop d’acteurs et de normes.
Il faut légiférer sur ce sujet comme les industriels n’arrivent pas à se mettre d’accord. Sinon comme pour le mini-disc face au DVD, l'UMTS et la 3G, le marché fera son choix mais au bout de combien de temps ; peut on accepter que le marché soit freiné pour des problèmes de normes ? Malheureusement, il faudrait que tous les pays se mettent d’accord. Un troisième scénario est possible : un acteur du monde bancaire achète Paypal et règle l’affaire. Il n’empêche que l’identification sur mobile et sur Internet pose des questions concernant la liberté individuelle des individus. Si demain un fichier central rassemble qui a acheté quoi avec son mobile, les politiques devront s’en mêler.
Autre point de questionnement : si nous basons l'identification des consommateurs à leur
wallet uniquement sur leur numéro de mobile, que va-t-il se passer quand ceux-ci changeront d'opérateurs ou ne paieront pas leur facture mobile ?