La Hadopi se rebiffe

En mars 2013, la Commission européenne a publié une étude de l'Institut pour les Études Prospectives Technologiques sur l'analyse des flux de téléchargement de fichiers illégaux. D'aucuns y ont vu une critique à peine voilée de la Hadopi.

Intitulé "Consommation de musique numérique sur internet: les preuves par les données de flux de clics", le rapport mettait en exergue un certain lien entre le téléchargement illicite et l'achat de musique sur les plates-formes de téléchargement légal.
D'aucuns ont vu dans cette étude une critique à peine voilée de l'activité de la Hadopi, qui consiste pour l'essentiel à stigmatiser le téléchargement illégal sans apparemment tenir compte des habitudes réelles de consommation des amateurs les plus friands d'échanges de fichiers. Il se pourrait en effet que ce soit ceux qui téléchargent le plus sur les réseaux en peer-to-peer qui achètent également le plus sur les sites autorisés par les ayants-droit.
Le rapport a ainsi été largement commenté et la Hadopi a souhaité diffuser un communiqué de presse pour apporter sa contradiction. La Haute Autorité ne dénigre pas en bloc le travail réalisé et concède que la méthode déclarative, principalement utilisée pour apprécier les usages de consommation, n'est pas parfaite. Elle reconnaît donc un intérêt aux simulations mathématiques.

Cependant, comme l'on pouvait s'y attendre, la Hadopi conteste la conclusion mise en exergue dans tous les commentaires du rapport, relativement au prétendu lien qui existerait entre le téléchargement illégal et la consommation légale de musique en ligne. Selon la Haute Autorité, "ce modèle dense ne permet pas pour autant d’établir de lien de cause à effet entre le téléchargement illégal, le streaming légal, et les achats légaux". Il est en particulier contesté l'idée selon laquelle le téléchargement illégal ne porterait pas réellement atteinte au marché de la musique en ligne.
Ainsi, la Hadopi considère que la seule conclusion acceptable de ce rapport réside dans l'existence affirmée d'une typologie d'utilisateurs, "grands amateurs et grands consommateurs d’Internet, de biens culturels en général et de musique en particulier, se rejoignant dans la mixité de leurs pratiques légales et illégales", déjà relevée dans son baromètre des usages réalisé avec l'institut de sondages Ifop.
Cette critique de la Hadopi rejoint celles déjà formulées par les ayants-droit, notamment la Société Civile des Producteurs Phonographiques (SCPP), qui avait considéré, dès mars dernier, que l'étude européenne était "biaisée et déconnectée du principe de réalité" et que "toutes les conclusions sont basées sur des approximations et des estimations d’usages de musique".
La SCPP soutient pour sa part qu'"affirmer que les usages illicites sont complémentaires des comportements légaux, ou stimulent potentiellement  l’activité  des pirates sur les services légaux, est donc une profonde erreur."

Difficile donc, pour les ayants-droit, d'accepter que l'on remette en cause le dogme selon lequel le téléchargement illégal porte atteinte à leurs revenus. Pourtant, de nombreux auteurs considèrent, pour leur part, qu'il est impossible de lutter contre le téléchargement illégal et qu'il est également impossible d'être payé pour chaque utilisation d'une musique.
Parallèlement, il n'est guère contesté que l'écoute de musique, de manière générale, profite aux groupes qui se produisent en concert. Ainsi, si les enregistrements sont moins rémunérateurs à l'heure actuelle, les revenus tirés des tournées se porteraient mieux que jamais, comme le révèle le bilan annuel de la CISAC  (Confédération Internationale des Sociétés d'Auteurs et Compositeurs).

Pendant ce temps, la Cour de Justice de l'Union européenne a rendu le 12 avril 2013 une décision favorable aux sociétés d'auteur, accusées par la Commission européenne d'entente illicite. Cet arrêt devrait permettre la conclusion d'accords de licence paneuropéens.