La guerre des sites de ventes privées se joue aussi devant les tribunaux

Les sites internet de vente de produits destockés se sont multipliés. Ils se distinguent des magasins discount ou d'usine traditionnels car leur fonctionnement repose sur la notion de privilège, seuls quelques individus triés sur le volet ayant accès aux promotions (en tout cas en théorie).

Ce modèle a été initié par le célèbre site Vente-Privée.com, créé en 2001, et le concept a été décliné à l'infini. On ne compte plus les "Showroomprivé.com", "Zalandoprivé.com", "Voyage-privé.com", ou même "www.interditaupublic.com"… La guerre économique fait rage entre ces sites et il est bien difficile de se faire une place au soleil face au géant Vente-Privée.com, qui capte l'essentiel de la clientèle et du chiffre d'affaires du secteur (plus d'un milliard d'euros en 2012).
Le précurseur doit également se battre en justice pour tenter de protéger son site internet et sa marque, comme l'illustre un arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 2 juillet 2013, qui opposait Vente-Privée.com à la société PMC Distribution, qui exploitait le site "Club-Privé.fr" depuis 2005.

Dans ce litige, Vente-Privée.com reprochait à PMC Distribution d'avoir reproduit, pour les besoins d'une activité concurrente, l'architecture de son site internet.
Elle avait fait dresser des procès-verbaux de constat et assigné cette société en 2006 en contrefaçon et concurrence déloyale.
 
Le site "Club-Privé.fr" utilisait en effet certains éléments caractéristiques de son concurrent, à savoir une dominante de couleurs rose et noire, des rubriques avec de mêmes intitulés et dans le même ordre, une illustration relevant également de la thématique de la nature, ainsi qu'une structure de site globalement identique. Selon les juges, "la combinaison originale des caractéristiques de la page d'accueil du site internet de la société Vente-Privée.com a été reprise sur la page d'accueil de la société Club-Privé, selon la même disposition, révélant une impression d'ensemble similaire".

PMC Distribution a donc été condamnée pour contrefaçon de droit d'auteur. En revanche, le grief de concurrence déloyale n'a pas été retenu.
Vente-Privée.com soutenait en effet que cette société avait repris par "suivisme" son mode de fonctionnement, à savoir la vente de produits de marque à prix discount sur internet, la participation aux ventes uniquement sous réserve de l'inscription à un club, etc.
A cet égard, les juges versaillais ont estimé que n'était pas établie la captation d'un savoir-faire, du travail intellectuel et des investissements de la société Vente-Privée.com. Selon l'arrêt, même si ce précurseur a conçu le mode de fonctionnement qu'elle tentait de protéger, il ne s'agit que d'un concept commercial, dont l'exploitation par des concurrents n'est pas critiquable.
 
Il faut rappeler à cet égard que les idées et les concepts ne sont pas protégeables en droit français et que, pour que le grief de concurrence déloyale soit établi, il est indispensable de démontrer qu'un opérateur économique s'est placé dans le sillage d'un concurrent en reprenant à son compte les investissements de ce dernier.
Or, dans cette affaire, la Cour d'appel de Versailles a considéré qu'au moment où le site Club-Privé.fr avait été lancé, il existait déjà une multitude de sites internet ayant repris le concept de Vente-Privée.com. Ce mode de fonctionnement correspondait, selon l'arrêt, dès cette époque, à une pratique couramment observée dans le domaine du commerce électronique.
Il est intéressant de relever que cet arrêt a infirmé le jugement du Tribunal de commerce de Versailles qui, à rebours, avait considéré que la société PMC Distribution avait commis des actes de concurrence déloyale, tout en déboutant Vente-Privée.com de ses demandes au titre de la contrefaçon.

Par le passé, Vente-Privée.com a obtenu une décision très intéressante et souvent reprise, selon laquelle la copie servile de conditions générales de vente est constitutive de parasitisme économique ("En s’appropriant purement et simplement, sans la moindre contrepartie financière, les Conditions Générales de Vente de la société Vente Privée.com pour en faire usage dans le cadre d’une activité commerciale concurrente, la société Kalypso s’est rendue coupable de parasitisme économique", CA Paris, 24 septembre 2008).
En somme, il est plus que jamais nécessaire de se démarquer de ses concurrents si l'on veut éviter de se retrouver dans le club pas si privé des sociétés condamnées pour contrefaçon ou concurrence déloyale.