Subvention des terminaux et SIM Only

Le marché du mobile se polarise de plus en plus entre "sim only" et forfait télécom avec des terminaux - notamment smartphone - subventionnés. Quel nouvel équilibre sur le marché ?

L’arrivée de Free Mobile sur le marché français début 2012 promettait un chamboulement du modèle de subvention des terminaux proposé par les opérateurs. Dans un marché à 75 % postpayé, dans lequel le standard consistait en un engagement sur une longue durée (12 ou 24 mois) en contrepartie d’un subventionnement significatif des mobiles, l’offre SIM-only sans engagement et sans subventionnement de Free venait en effet profondément modifier la donne. Effondrement des ventes de terminaux et déplacement massif vers des modèles low cost constituaient alors les craintes phares.

Si l’arrêt partiel des subventions peut indéniablement provoquer un allongement de la durée de vie des terminaux et une baisse des ventes en volume, cette dernière est restée mesurée (22,9 millions de mobiles vendus en France en 2012 contre 23,6 millions en 2011, et une prévision d’un peu plus de 23 millions en 2013). Les ventes en valeur, elles, ne se sont au contraire jamais aussi bien portées, les smartphones étant devenue la référence et représentant désormais plus de la moitié des terminaux vendus. Le marché a cependant fortement évolué avec une augmentation significative du nombre de clients sans engagement, représentant plus d’un tiers du marché en volume contre un ratio auparavant stable aux alentours de 20% en France les années précédentes.
De fait, il existe une séparation nette en deux segments bien distincts, l’un low-cost basé sur du SIM-only sans engagement et sans subvention, l’autre plus haut de gamme avec engagement et subvention importante des terminaux.
Le premier bouleversement majeur touche les réseaux de distribution des opérateurs. L’adoption croissante des offres SIM-only sans engagement a profondément modifié la structure de commissionnement versée aux distributeurs (basée historiquement sur la vente de mobiles et de forfaits avec engagement sur une longue durée) et impose une modification en profondeur des modèles de distribution. Première victime, The PhoneHouse, principal distributeur indépendant des offres opérateurs, a déjà annoncé la fermeture progressive de ses activités en France, après la résiliation de ses contrats avec Bouygues Télécom puis Orange. SFR a lui aussi lancé un plan de restructuration de son réseau de distribution. Le développement massif des réseaux de distribution directe des deux principaux constructeurs de smartphones que sont Apple et Samsung renforce le phénomène.
Deux autres tendances majeures touchant l’évolution des achats de mobiles des français sont observées.
  • La première est une forte augmentation de la fraude sur les terminaux, certains cherchant à combiner à la fois le bénéfice d’un subventionnement généreux et la liberté du non-engagement. La procédure est finalement assez grossière mais demeure un véritable challenge pour les entités de Revenue Assurance des opérateurs : achat d’une offre haut-de gamme incluant un mobile fortement subventionné suivi d’une rupture de contrat, puis souscription d’une offres SIM-only à tarif très attractif.
  • La seconde évolution est un développement significatif du marché des mobiles d’occasion et terminaux reconditionnés. Menaces ou opportunités à saisir, les opérateurs doivent s’adapter à cette nouvelle réalité. Apple vient ainsi de lancer aux Etats-Unis un programme de récupération des vieux iPhone afin de disposer d’une meilleure maitrise du lancement de son futur terminal star.
Si l’augmentation de la valeur faciale des terminaux continue et ne semble pas encore avoir été touchée par les dynamiques nouvelles de subventionnement en France, la distribution de premiers smartphones low-cost est toutefois à noter et pourrait s’ancrer durablement dans le paysage. Virgin Mobile a ainsi lancé fin Juin une offre d'achat de smartphone associé à un forfait sans engagement pour 4 euros par mois, initiant la compétition sur ce nouveau segment de terminaux aux alentours de 150 euros.
Ces nouveaux smartphones pourraient concurrencer les modèles haut de gamme actuels, mais également convaincre les utilisateurs de terminaux plus classiques de franchir le pas.
Autre évolution majeure attendue, la forte pénétration des tablettes en France, avec plus de 5 millions de foyers français équipés au premier trimestre 2013. Plus globalement, une part croissante d’utilisateurs est en demande de nouveaux plans tarifaires avec la data mobile comme clef d’entrée. L’usage de multiples terminaux connectés suggère l’avènement de forfaits partagés entre divers terminaux, une approche déjà proposée aux Etats-Unis depuis 2012. Ceci va pousser les opérateurs à inventer de nouveaux modèles de subventionnement multi-terminaux pour lesquels ils ont de nombreuses cartes à jouer afin de fidéliser leurs clients à forte valeur et redynamiser leur parc de clients engagés.
Il faut noter un attachement fort des français au modèle de subvention qui diffère du comportement observé dans certains pays proches. En Espagne notamment, la transformation vers un marché très majoritairement SIM-only a été beaucoup plus forte suite à l’arrêt du subventionnement de Telefonica et Vodafone au printemps 2012. Cette spécificité du modèle français laisse entrevoir la coexistence à plus long terme d’offres low-cost sans engagement et d’offres high-end subventionnées, avec un positionnement à trouver sur chacun de ces deux marchés pour les opérateurs.

Jean-Michel Huet, Directeur Associé BearingPoint, Antoine Schmidt, BearingPoint et Olivier Darondel, BearingPoint