Ne laissez pas l’avenir d’Internet se décider sans vous !

Internet fait partie intégrante de nos vies et c’est une fondation convoitée de la vie économique. Les États-Unis occupent aujourd’hui un rôle prépondérant dans sa gouvernance mais ce rôle est de plus en plus remis en cause, notamment depuis l’affaire des écoutes de la NSA.

La gouvernance d’Internet évolue enfin – en apparence du moins – et l’Europe doit trouver sa place dans cette recomposition car les intérêts économiques et sociaux en jeu sont colossaux.
On le sait assez peu, mais si l’on cumule Internet fixe et mobile, l’Europe compte 1,5 fois plus d’utilisateurs d’Internet que les États-Unis. Et pourtant ce sont bien les États-Unis qui assurent  l’essentiel de la gouvernance d’Internet. Il y a des raisons historiques à cela puisque Internet provient d’Arpanet, mais face à la montée en puissance d’Internet sur les autres continents, notamment en Asie, ce contrôle unilatéral n’a aujourd’hui plus de sens en particulier pour la gestion des noms de domaine et des ressources critiques. La gouvernance d’Internet doit évoluer.
Attention, ce n’est en rien un débat purement académique. Il impacte très directement le Business des entreprises. C’est bien sous la pression des GAFA, c'est-à-dire les Google/Amazon /Facebook/Apple, et l’appel de Mark Zuckerberg à Barack Obama suite aux écoutes de la NSA, que les Etats-Unis ont commencé à bouger. L’ICANN, l’organisme qui gère les noms de domaines Internet au niveau mondial, jusqu’à présent inféodé au gouvernement américain, a annoncé s’ouvrir à une gouvernance multi-acteurs. Un mouvement certainement prévisible qui devait s’amorcer sous les diverses pressions mais sans aboutir jusqu’à présent. L’ICANN s’apprête à faire entrer plusieurs pays et même des entreprises dans sa direction.
Une annonce très attendue et considérée par beaucoup comme un grand pas en avant mais qui soulève un certain nombre d’interrogations.
  • Quel sera le rôle que vont jouer ces géants économiques dans la gouvernance d’Internet ?
  • Quelles seront les prétentions de pays tels que la Russie ou la Chine, des pays où la conception de la liberté d’expression et du respect des droits de l’homme diffère de la nôtre ?

L’Europe doit jouer sa carte

L’Europe, même si elle a un poids économique très important, reste prise en sandwich entre les Etats-Unis et l’Asie. Elle ne doit pas rester esclave des Etats-Unis  et faire valoir ses différences d’approche, que ce soit du point de vue culturel et juridique. C’est notamment le cas sur l’Opt-in en vigueur en Europe. Conséquence directe de son histoire, l’Europe a légiféré en imposant de demander à l’internaute sa permission avant d’exploiter ses données alors qu’aux Etats-Unis, la règle c’est l’opt-out. Ils n’ont pas d’états d’âme à vendre les données.
Ne pas participer à la gouvernance d’Internet, c’est s’exposer à des décisions qui peuvent aller à l’encontre des intérêts de l’Europe et de ses entreprises. Etre tributaire de l’ICANN et des organismes qui lui sont affiliés, c’est risquer le débranchement d’un domaine ce qui peut avoir de lourdes conséquences économiques.

Un enjeu capital pour les challengers européens

Si on prend l’exemple du moteur de recherche français Qwant, son fondateur Jean-Manuel Rozan considère qu’il n’est pas trop tard pour aller concurrencer les GAFA. Lui s’appuie sur le souci de souveraineté digitale, mais aussi sur sa volonté de protection de l’internaute pour se différencier de Google. Qwant se refuse de tracer le comportement de ses utilisateurs, ce que Google ne se prive pas de faire allègrement. Mais si on considère le poids économique d’un acteur comme Google et si l’ICANN s’ouvre à des acteurs tels que lui, des décisions à la fois techniques et politiques peuvent défavoriser l’arrivée de nouveaux acteurs tels que Qwant sur le marché et favoriser les positions hégémoniques actuelles.
On n’en a pas tellement conscience, mais les décisions qui vont être prises prochainement quant à la gouvernance d’Internet vont avoir un lourd impact pour l’avenir. Il y a de vrais enjeux économiques derrière ce débat et tout particulièrement pour les petits acteurs français et européens qui chercheraient à rivaliser avec les GAFA.
C’est une problématique à laquelle l’Institut G9+ s’est intéressé bien avant que n’éclate le scandale Snowden. Depuis des années ce sujet revient régulièrement, mais c’est à la lecture du livre Géopolitique d’Internet : Qui gouverne le monde ? de David Fayon qu’est née l’idée d’organiser ce débat en lui donnant une dimension internationale. Intitulé « La gouvernance d’Internet à la croisée des chemins… repensée ou menacée ?», celui-ci se tiendra le 10 avril dans les locaux de l’ESCP Europe à Paris. Parmi les participants de la conférence, viendront présenter leurs positions  Andrea Beccalli, représentant de l’ICANN, Lee Hibbard du Conseil de l’Europe, Pierre Bonis, Directeur adjoint de l’AFNIC,  Olivier Itéanu, avocat à la cour, Bernard Benhamou, enseignant à l’Université Panthéon-Sorbonne, Stéphane Van Gelder, "Internet Intelligence - Strategic Advice" et David Fayon, entres autres. Rendez-vous le 10 avril pour décoder les enjeux de la gouvernance d’Internet. 
Ne laissez pas l’avenir d'Internet se décider sans vous. Venez poser vos questions, contribuer au débat, et comprendre ce que vous pouvez faire.