Fiches produit : l’étonnant challenge du multi-canal

Pour découvrir un produit c’est simple : tout est dans la fiche. Avec internet cette fiche est facile à trouver en deux ou trois clics. Du coup il semble que pour le distributeur il n’y ait pas de difficulté.

Pourtant, si ce produit est disponible en magasin, proposé dans des catalogues, consultable sur smartphone et poussé par des e-mailings, le travail prend une toute autre dimension. Vous croyez qu’avec les outils actuels l’exercice du multi-canal est balisé ? Vous vous trompez lourdement.

1. Au début tout était simple

Quand les ordinateurs sont arrivés pour gérer les ventes, il est très vite apparu nécessaire de créer des fiches produit pour définir la base de l’information gérée. Ces premiers outils ont mis en évidence l’importance d’une codification unique (auparavant chaque service avait souvent sa méthode). A partir de ce moment chaque fiche a donc eu son code, sa description, quelques caractéristiques physiques et le prix de vente.

Avec l’émergence des ERP, la fiche produit s’est enrichie des informations fournisseur pour gérer les achats, des nomenclatures pour la production, des imputations pour la comptabilité et de quelques données de colisage pour la logistique. Les entreprises qui comptent plusieurs centaines de produits ont vite compris l’intérêt de cette organisation rigoureuse en comparaison des feuilles Lotus 1-2-3 devenues Excel par la suite.

On a souvent gardé les feuilles de tableur pour le processus de création ou référencement, mais la base de données a mis en évidence leur lourdeur dès que les volumes devenaient importants ou que plusieurs personnes devaient se coordonner. Dans les entreprises il reste des irréductibles, mais souvent un changement de responsable temporaire ou définitif montre que les centaines de feuilles Excel forment un héritage fort peu digeste et pérenne.

2. Avec le temps est venu la richesse

Quand cette brique de base a été maitrisée, il est devenu clair que la fiche produit s’étendrait dans d’autres directions, et que son organisation rigoureuse apporterait d’autres bénéfices.

Les informations ont été complétées par les aspects normatifs (ISO, AFAQ etc.), sécuritaires (NF, CE..) ou de traçabilité. Les industriels ont parfois mentionné des références EDI (pour l’eprocurement), ajouté la gestion du cycle de vie du produit (PLM chez Dassault, Siemens etc.) et surtout les images. Ce besoin universel, ingérable par les machines type IBM AS/400, a fait naitre une petite industrie de logiciels de Digital Asset Management : les DAM (plus de 100 noms ici).

Les prémices des soucis ont commencé à apparaitre immédiatement : logiciels séparés, utilisateurs différents, ergonomies issues du monde graphique (plutôt Macintosh) souvent très éloignée des outils de production ou de commerce. La synchronisation du travail pour le lancement, la mise à jour et l’arrêt des produits a été délicate dès le début et le reste encore bien souvent.

Ceux qui éditent un catalogue papier ont ajouté un outil de publication assistée par ordinateur (PAO) avec un volet de gestion des informations produit très élaboré. Outre les textes, les images et les pictogrammes aux usages variés, ils ont ajouté les attributs, c'est-à-dire des indicateurs souvent chiffrés permettant d’ordonner et trier les produits, mais aussi de déclencher des traitements qui automatisent pour partie la mise en page. Le travail est assuré par des outils qui gèrent ces informations avec des degrés divers de raffinement : Stibo, PageOnDemand, Comosoft etc. pour être presque toujours finalisé avec In Design d’Adobe.

3. Ce que réclame le multi-canal

Aujourd’hui ces contraintes et petits soucis font sourire en comparaison de ce qui vient derrière. Le multi-canal fait exploser les besoins bien au-delà des sujets déjà évoqués, même si ces dernières restent malgré tout d’actualité.

Les sites de eCommerce ont eu besoin dès le début des références, des textes, des prix et des photos. Mais la hiérarchie de l’ERP s’est avérée nettement insuffisante et il a fallu construire d’autres arborescences pour capter des explorations différentes : ce sont les facettes, utilisées notamment par les champs de recherche mais aussi pour la navigation. Il a fallu enrichir les descriptions (affichées) et les méta-descriptions (mots clés cachés, pour les moteurs de recherche). Avec l’avènement du mobile, les marques se sont rendu compte que tout cela ne pouvait pas tenir dans sur un petit écran. Il a fallu préparer d’autres tailles d’illustrations, retailler les tableaux, réduire les textes, souvent un peu différemment entre le site mobile et l’application iOS ou Android quand elle existait.

Sont venus se greffer là dessus les commentaires des clients, les codes promo avec un impact sur le prix, les traductions, les versions de produit, et la liste continue de s’allonger. Le lancement de l’iPhone 6 avec sa puce NFC à la suite des appareils Android permet d’imaginer (à terme)  la généralisation des interactions en magasin entre une étiquette électronique (chez SES) et un smartphone qui pourra afficher les informations qui manifestement ne tiennent pas sur le packaging : encore une fiche produit à gérer.

Prenons l’exemple d’un fabriquant et distributeur de 1000 références dans 5 pays avec 5 canaux de vente (ERP pour le téléphone, PAO pour le prospectus papier, eCommerce pour le web, app spécifique pour le mobile, et gestion de campagne pour l’email) cela fait 25 000 fiches produit à gérer ! S’il y a plusieurs types de support papier, des emails en responsive design, plusieurs enseignes de boutiques web et quelques places de marché la liste s’allonge encore, pour chaque référence.

Au niveau des distributeurs, les fiches produit publiées sur les sites eCommerce ne peuvent pas être identiques sous peine d’être pénalisées par Google pour cause de ‘duplicate content’. L’aspect éditorial de ces fiches est naturellement un apanage marketing important comme le montre bien la ligne éditoriale de la Fnac (cf. les commentaires de Skeelbox). Non seulement chaque produit doit avoir sa fiche par référence et par canal de vente, mais aussi par enseigne. La tâche est immense !

4. Quels outils ?

La fiche produit était la première brique dans un ERP. Avec sa codification unique, ses déclinaisons par métier (achat, vente, production, finance), sa hiérarchie statistique, elle a rendu bien des services mais force est de constater que comme l’immense majorité des sites web est séparé du back-office, elle ne suffit pas.

Pour servir ces besoins d’information dans des applications multiples, Certains ont tenté l’utilisation d’un référentiel autonome parfois appelé PIM (Product Information Management) ou MDM (Master Data Management). Cet outil spécialisé va pouvoir garantir l’unicité de la codification dans toute l’entreprise et la synchronisation d’une partie des textes et indicateurs de tri. Là encore de nombreux produits existent (Infosphere, Pimcore, Heiler, Riversand, MaPS, Akeneo), parfois couplés à la fonction d’édition (Stibo) ou au moteur de eCommerce (Hybris, Intershop).

Sauf exception restant à identifier, ces produits ne sont pas conçus pour les marketeurs. Ils ne sont pas faits pour gérer un brief de création de produit, une iconographie qui s’adapte selon le device, un mode de traduction certes humain mais au moins ergonomique, pour restituer toutes les informations en simulant chaque présentation finale. Ils sont encore moins prévus pour alimenter un moteur de campagnes marketing qui exige pourtant une présentation impeccable (regardez un email publicitaire pour un téléphone Samsung) ou s’interfacer avec une application mobile capable de fonctionner sans internet.

Enfin ils ne savent pas gérer les prix qui ont toujours des dates de validités précises, des conditions particulières, des contraintes de présentation parfois importantes, bref des caractéristiques intimes des produits. Certains experts contestent la pertinence de gérer les prix avec les autres caractéristiques des produits, mais le besoin existe.

Conclusion

Vous l’aurez compris, d’une part la tâche d'élaboration des fiches produit est colossale (et grandissante), et de l’autre il n’existe pas de solution sur étagère. Le propos peut-être légèrement nuancé car tout ne change pas tout le temps quand même. Plutôt que d’empiler les logiciels et tisser des interfaces à foison, la voie de la raison invite à rechercher un outil aux fonctionnalités les plus larges possible… et offrant un framework pour pouvoir développer le reste sur mesure. Hybris et Intershop seraient de bons candidats s’ils n’étaient pas si chers, et les compétences à leur sujet trop peu répandues (il y a peut-être un lien).

Ne nous y trompons pas, Amazon qui est si bon pour gérer des millions de fiches produit (plus de 100 millions rien qu’en France) et des dizaines de langues est ‘seulement’ un pure-player. Il a su en revanche être multi devices, multi enseigne, multi lingue et multi devises. Leur budget pour développer les outils des gestions de ces fiches est naturellement proportionné et prioritaire.

En France, Vente-Privée doit indéniablement une partie de son succès à la superbe mise en valeur des produits dans leurs emails et sur leur site web. Ce ne sont pas moins de 180 personnes qui y travaillent : marketing, design, photo, textes et bien sûr IT sont quotidiennement mêlés, chacun contribuant dans son domaine d’expertise. Cette coopération est une gageure dans les entreprises où les Directions moins matures.

Quant à Samsung ou Apple qui parviennent à saturer notre attention avec des produits présentés de façon léchée et cohérente, dans tous les canaux, je les soupçonne d’y parvenir uniquement à force de discipline et de rigueur. La productivité perdue ne se voit pas mais se paye sûrement.

En attendant, le client de son côté ne manque pas de sillonner la production marketing des marques dans tous les canaux. Il change ses habitudes bien plus vite que ce que produisent les marques.

Alors, dans les méandres de leur fonctionnement actuel, elles doivent tout interfacer, recopier, vérifier, contrôler, maitriser. Pour y parvenir, il est permis d’utiliser ces outils de reporting qui savent croiser les informations gérées dans des bases distinctes, faute de mieux.

Certains outils comme QlikView permettent même de le faire avec une ergonomie suffisamment sympathique pour que les chefs de produit s’en occupent eux-mêmes, une attribution de responsabilités essentielle. Quand les volumes et la variété sont très importants, d’autres utilisent des moteurs de recherche comme Sinequa qui savent aller chercher tout ce que l’entreprise gère autour d’une référence pour en construire la vision à 360°.

Le client est multi-canal, c’est sûr, mais pour le commerçant, faute d’outils efficaces, cela représente un travail considérable.