Le streaming au service de l'industrie du disque

En fédérant 78% des internautes français, le streaming musical a assurément le vent en poupe. Si son succès est incontesté, son modèle économique, lui, n'a pas encore atteint sa phase de maturité. Focus sur deux relais de croissance du streaming qui vont permettre un juste partage de la valeur entre les consommateurs et les acteurs de la musique...

Porté par des conditions technologiques favorables - et notamment l'usage croissant du Smartphone comme moyen privilégié de consommation de la musique - le streaming musical constitue aujourd'hui une alternative bien encrée face aux plateformes de téléchargements, et à la désaffection croissante des consommateurs pour les supports physiques.

Amorcé par la génération Y, le bouleversement des pratiques de consommation musicale a été définitivement entériné par les générations nées au cœur du numérique. Elle ont défini des usages plus rapides, plus connectés et multiplateformes, élevant la musique au rang d'expérience et non plus à une simple propriété, véritable bande-son au cœur de leurs environnements mobiles, sociaux et interactifs. Et c'est le phénomène du streaming qui a soutenu cette transition. D'ailleurs, sa croissance est fulgurante : en 2014, ses revenus ont dépassé ceux des téléchargements, son chiffre d'affaires a augmenté de 40% et plus de 12 milliards de titres ont été écoutés en streaming par les Français. Encore plus fort, selon l'institut Edison Research, ces mêmes plateformes auraient d'ores et déjà remplacé la radio dans le cœur des ados américains ! Il faut dire que disposer de véritables jukebox géants en flux continu et illimité est plus qu'attractif pour des générations versatiles habituées au tout accès. Le streaming a du succès car il répond parfaitement aux besoins des consommateurs modernes, rendant la musique sociale, participative, accessible et connectée. Et du côté des artistes et des majors, il est dans leur parcours de transition numérique, une option sérieuse face aux téléchargements illégaux.

Un modèle économique qui doit continuer à évoluer

Revendiquant des millions d'abonnés et des milliards d'heures d'écoute, les géants du streaming constituent ainsi de véritables passerelles entre les artistes et les consommateurs.  Cependant, pour se développer et atteindre un public de masse, ils capitalisent sur le mobile, support privilégié d'écoute, via des bundles avec les opérateurs télécoms qui proposent de plus en plus à leurs abonnés des offres de streaming sans surcoût. Mais leur modèle économique est-il le bon et à qui profite t'il réellement ? On se rend compte aujourd'hui que les plateformes de streaming proposent des services sensiblement chers par rapport à l'écoute réelle que va en faire le public, offrant une masse déséquilibrée de contenus face aux centres d'intérêts et aux quotas de consommations réels. De leur côté, touchant actuellement entre 0.006 à 0.0084$ par stream, les artistes s'inquiètent que leurs créations artistiques soient aussi peu valorisées comme peut en témoigner la polémique qui a opposé Taylor Swift à Spotify , l'artiste ayant retiré tous ses albums de la plateforme en novembre 2014 déplorant une rétribution inéquitable.

Pour répondre à toutes ces expectatives, le streaming musical, moteur décisif de croissance du secteur de la musique, doit continuer à évoluer via de nouvelles offres de monétisation. Voici deux leviers incontournables qui vont lui permettre d'accélérer encore plus son développement :

1. Garantir la diversité

Face à une révolution des usages et à des logiques d'écoutes fragmentées, il ne peut plus exister désormais de modèle économique unique à même d'offrir une expérience client qui soit à la fois globale et accomplie. C'est pour cela que les plateformes de streaming doivent évoluer vers une approche plus segmentée, adaptée aux goûts et aux envies d'écoute des consommateurs, à l'instar de Qobuz qui propose des services d'abonnements à des albums de musique classique ou encore des plateformes de streaming capables d'offrir des abonnements à des artistes underground par exemple. Ce que les consommateurs sont plus enclins à acheter, c'est incontestablement ce qu'ils ne peuvent pas obtenir gratuitement à savoir, de la qualité, un univers artistique particulier, des genres musicaux, de la rareté ou encore du confort. Segmenter le marché permettrait ainsi d'atteindre un plus large public. En outre, pour convertir plus de consommateurs habitués à la gratuité, il est important de développer des politiques tarifaires plus agressives. Mettre en place des offres de paiement à 1.99 euros par mois par exemple - une alternative plus adaptée aux inclinaisons des consommateurs - permettra non seulement d'adresser un public de masse, ceux-là même qui achètent encore des CD, mais offrira de facto une plus grande accessibilité à la musique.

 

2. Un juste partage de la valeur autour de la rétribution de l'artiste

Alors qu'ils génèrent 61% des revenus selon le MIDIA, les super fans semblent manquer à l'appel, constituant une population encore inexploitée par les acteurs du streaming bien que leur appétence et leur envie de consommation s'étende au delà d'une simple chanson, pour englober l'univers entier de l’artiste. Un acteur comme Pledge, véritable amazon de la musique  l'a bien compris prenant une sérieuse avance dans ce domaine en offrant aux fans mélomanes la possibilité d’acheter un pack artiste comprenant non seulement la musique mais aussi des produits dérivés tels que le pass VIP, le livre dédicacé, la chanson personnalisée… pour des montants pouvant atteindre 500$ ! De même, des politiques d'abonnement à un artiste pour 1 euro par mois par exemple ou encore l'abonnement à des albums spécifiques associés à du merchandising autour de l'artiste vont, dans une logique "direct to fan", générer de nouveaux leviers de croissance pour les plateformes de streaming.

Compensant les dérives de consommation liées aux téléchargements illégaux, le streaming musical va non seulement attirer de nouveaux publics qui vont ouvrir leurs écoutes à des genres artistiques inédits pour mieux les consommer ensuite, mais également multipliera les accès à la musique, participant de facto à son dynamisme. La solution est de continuer à trouver des leviers de croissance qui puissent générer une valeur équitable pour le plus grand nombre : grand public, majors et artistes.