Le Bon Coin jugé hébergeur... mais condamné pour pratiques commerciales trompeuses

La société éditrice du site Le Bon Coin est-elle responsable des annonces de vente de produits contrefaisants ? Non, nous répond le Tribunal de grande instance de Paris. Mais elle ne doit pas laisser entendre à ses utilisateurs qu'elle contrôlerait réellement le contenu des annonces...

Le Bon Coin est un site de vente entre particuliers qui connaît un très grand succès depuis quelques années, supplantant même eBay et ses ventes aux enchères. Le principe est simple : chaque particulier peut mettre en ligne très facilement une annonce de vente portant sur un produit, en fixant un prix de vente qui peut être négocié mais qui permet un achat immédiat en cas d'accord, sans avoir à régler la moindre commission à la société éditrice du site. En principe, les annonces étant classées par département, la transaction peut avoir lieu très rapidement, puisque le vendeur et l'acheteur résident à proximité.

Le Bon Coin met en avant, notamment au sein de ses conditions générales d'utilisation, le respect des droits de propriété intellectuelle. Il y est ainsi interdit de mettre en vente des objets contrefaisants. Lorsque l'internaute rédige sa description de son objet, il doit préciser que l'objet est authentique, faute de quoi l'annonce sera prétendument refusée. Cela vaut pour tout type de produits.

Et pourtant, il n'est pas rare de trouver sur Le Bon Coin des produits mis en vente et qui constituent manifestement des contrefaçons. C'est ce dont se plaignait la société Goyard, qui commercialise les fameux sacs du même nom, qui avait détecté plusieurs annonces de produits dont les titres étaient pour le moins évocateurs : "inspi Goyard", "pochette Goyard fausse", etc.

Goyard avait donc assigné LBC France, éditrice du site, afin de solliciter sa condamnation pour contrefaçon et pratiques commerciales trompeuses. Par un jugement du 4 décembre 2015, le Tribunal de grande instance de Paris a effectivement retenu un manquement de LBC France aux dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, au motif qu'en mettant en avant un prétendu respect des droits de propriété intellectuelle, cette société avait trompé les consommateurs internautes qui pouvaient légitimement s'attendre à ce que tous les produits vendus sur le site soient des vrais. Or, ce n'était pas le cas.

Selon le jugement, non seulement certaines annonces portaient sur de faux produits et n'avaient pas été rejetées au moment de leur examen, mais LBC France avait même ultérieurement refusé de les supprimer après avoir reçu une notification de Goyard, au motif qu'il n'apparaissait pas de manière suffisamment évidente que le produit était un faux.

En revanche, le Tribunal a refusé d'entrer en voie de condamnation pour contrefaçon de marque à l'encontre de LBC France. Le jugement retient en effet que cette société est un prestataire d'hébergement des annonces mises en ligne sur son site. Contrairement à eBay, qui est elle aussi un hébergeur, elle ne perçoit aucune commission sur les ventes. Elle se contente donc de jouer un rôle neutre en l'espèce. 

Tout en étant hébergeur, LBC France aurait pu voir sa responsabilité engagée, conformément aux dispositions de la Loi pour la Confiance dans l'Economie Numérique, mais cela supposait qu'elle eût été notifiée convenablement de l'existence de contenus illicites, ce qui n'était pas le cas en l'espèce faute d'avoir respecté le formalisme légal.

En définitive, LBC France a été condamnée à diffuser une publication judiciaire sur son site pendant 15 jours ainsi que dans trois magazines, une fois le jugement devenu définitif. Aucune mention ne figurait au moment de la rédaction de ces lignes.