Les hyperliens vont-ils être interdits en France ?

En 2014 la cour de Justice Européenne avait tranché en faveur de la liberté des hyperliens par rapport à la protection des contenus protégés. En début de cette année deux députés français tentaient de déposer un amendement pour les contrôler, l'amendement n'a pas été proposé, il serait en réécriture. Quels sont les enjeux ?

Les liens hypertextes vont-ils être  interdits en France ?

 

En Avril 2014 le Journal du Net publiait un article très pertinent rapportant qu’entre la protection des droits d’auteur et la liberté de lier, la Cour de Justice Européenne avait choisi la liberté des hyperliens, c'est-à-dire le droit de faire pointer un lien à un contenu protégé sans l’autorisation de l’auteur, c’était l’arrêt Svensson.

Pourtant l’affaire rebondissait le 16 Janvier dernier, deux  députés  Karine Berger et Valérie Rabault (PS), déposaient le 16 janvier dernier l'amendement 843 visant à interdire ces liens hypertextes menant vers des propriétés intellectuelles sans l'autorisation des propriétaires concernés.

Voici le texte de l’amendement

« 9. Les personnes mentionnées aux 1 et 2 ne bénéficient pas de la limitation de responsabilité prévue au 2 lorsqu’ils donnent accès au public à des œuvres ou à des objets protégés par le code de la propriété intellectuelle, y compris au moyen d’outils automatisés.

« Ces prestataires sont tenus d’obtenir l’autorisation des titulaires de droits concernés. Cette autorisation couvre les actes accomplis par les utilisateurs de ces services lorsqu’ils transmettent auxdits prestataires les œuvres ou objets protégés, afin d’en permettre l’accès mentionné au premier alinéa du présent 9, dès lors que ces utilisateurs n’agissent pas à titre professionnel. »

L'amendement a été retiré pour éventuelles modifications, va-t-il revenir ? Possible, la France est un pays dont les élus veulent souvent contrôler ce qui se passe chez eux, et en particulier à tout ce qui touche la culture. D’autres pays vont-ils tenter d'adopter ce genre de texte ? C’est possible aussi, tout change très vite dans le domaine de la législation de la toile.

Les raisons

L'amendement vise à protéger les auteurs, en particulier de musique: "L’amendement appelle à redonner une protection à ces liens, en faveur des auteurs des contenus auxquels ils renvoient et les ayant droit, tout en sécurisant la position des non professionnels."

Tout ceci est bien entendu fort légitime, mais la communauté internet s'est récriée et les objections  ne manquent pas.

Les inconvénients

Tout d'abord, un amendement français irait contre l’arrêt Svensson de la cour de Justice européenne qui estime que le fait de fournir des liens cliquables vers des œuvres protégées ne doit pas faire l'objet d'une autorisation. C'est donc dans des arcanes juridiques difficilement surmontables que devraient se battre les législateurs français.

Et surtout, la loi serait majoritairement contre-productive pour la majorité des internautes:

·         L'objectif final serait probablement de taxer les liens, mais où irait l'argent ? L’état français a une longue histoire de taxes détournées de leurs destinataires, ceux qui prélèvent se servent toujours d'abord.

·         La majorité des internautes qui publient sur internet désirent au contraire faire connaître ce qu'ils mettent sur la toile grâce aux hyperliens que les autres pourront reprendre.

·         Les internautes désirent aussi crédibiliser leurs sources grâce à des liens ramenant sur l'original.

·         Les journaux numériques doivent indiquer leurs sources s'ils veulent être crédibles.

·         Les liens hypertextes constituent un puissant levier de visibilité sur internet puisqu’ils renforcent la crédibilité du site et aident les sites Web à « remonter » dans les résultats de moteur de recherche, il semble que les deux députés qui ont déposé ce texte n'ont aucune idée de la manière dont fonctionne les moteurs de recherche, désirent-elles pénaliser les entreprises et tous les internautes français désirant se faire connaître ?

·         La base de la stratégie pull en marketing est basée sur la position des publications dans les moteurs de recherche, position qui est fortement influencée par la reprise des publications par des liens. (netlinking )

·         Il semble que HADOPI soit déjà un fiasco.

·         Certains objectent que tout ne doit pas être gratuit sur internet, c'est vrai, mais il incombe aux créateurs qui le désirent de mettre des liens payants, pas au gouvernement.

·         Il faut noter que nombre d’artistes ne considèrent pas internet comme un outils de vente mais de promotion pour organiser des concerts qui seront payant.

·         Les jeunes artistes ne sont pas riches, contrairement aux artistes établis, ils n’ont pas les moyens de se payer une campagne de publicité, au contraire internet est un moyen  pour se faire connaitre à moindre coût.  Les vedettes ont les moyens de défendre leurs droits d’auteur sans s’attaquer aux liens, leur combat va à l’encontre des intérêts des jeunes artistes qui veulent se faire connaitre.

·         En bout de ligne, quels sont les créateurs qui veulent publier des œuvres sur le Web pour qu'elles ne soient pas vues ?

Conclusion

Il était clair que l'amendement n’irait pas loin et… il n’a même pas été présenté. Attention, il n’a pas été abandonné, d’après madame Berger il serait retravaillé, il n’est donc pas impossible qu’il ressorte.

En conclusion, le problème de la protection des auteurs demeure un problème global et une solution uniquement française risquerait de transformer  le pays en ghetto internet.

Il faudrait  un accord global et mondial entre les principaux acteurs, ce n’est pas pour demain.