Convergence des plateformes : quels enjeux pour les entreprises ?

La convergence inter-sectorielle annoncée depuis plus de 15 ans prend enfin forme via le modèle de l'économie des plateformes. L'enjeu pour les entreprises est de ne pas rater la fenêtre de tir.

Trois types de convergence sont généralement distingués : la convergence TMT (télécom média, technologie) en vogue depuis plus de 15 ans ; la convergence télécom stricto sensu (fixe mobile internet) qui devenait un challenge pour les opérateurs (et l’est toujours) et enfin la convergence entre les secteurs (télécom, média, banque, tourisme, utilities,  santé, services, mais aussi automobile, retail et gouvernement). 

La question en suspens est alors toujours la même : qu’est ce qui constitue le secteur "automobile" de cette 3ème révolution, par analogie au secteur créé par la 2nd révolution industrielle et qui a été (avec l’aviation) le fer de lance du XXè siècle. La première révolution industrielle avait permis le succès rapide et sur longue distance des marchandises, la seconde celle des personnes, la 3è devait être celle des informations. Au cours de la décennie écoulée plusieurs hypothèses sont apparues pour soutenir que le fameux "nouveau modèle" avait été trouvé. 

Après l’explosion de la bulle dot.com au début des années 2000, Internet a fait son grand retour et redevenu à la mode avec un effet de masse réel cette fois-ci. Le développement des énergies vertes et des smart grid est aussi apparu comme l’aboutissement de 50 ans de maturation Informatique / télécom / internet. Le succès de l’impression 3D alliant réseau, modèle déconcentré, dynamique industrielle a aussi été évoqué. Toutes ces idées sont bonnes et montrent la richesse d’innovation de la période. Cependant un phénomène nous parait aujourd’hui couvrir l’ensemble (et donc intégrer / soutenir toutes ces innovations) et constituer à la fois ce nouveau modèle économique tout en favorisant bel et bien la convergence : l’économie des plateformes. Et si la convergence se réalisait belle et bien via les plateformes ?  

Reprenons la définition proposée dans Platform Revolution[1] : "c’est une activité fondée sur la capacité des interactions créatrices de valeurs entre des producteurs et des consommateurs externes. La plateforme fournit une infrastructure ouverte et participative pour ces interactions et fournit aussi les conditions de gouvernance pour celles-ci". Les auteurs du MIT détaillent ensuite les différents modèles, s’appuyant pour illustrer leur propos sur les plateformes grands publics (Facebook, Alibaba, Airbnb, Uber, etc.) qui touchent déjà plusieurs secteurs (média, retail, transport, hôtellerie, etc.). Ils ne manquent de dire, à la fin de leur ouvrage, que ce n’est que le début de l’histoire et que d’autres secteurs commencent à être impactés en citant l’éducation (les MOOC), la santé (m-santé) ou le gouvernement (San Francisco et le "government as a platform". 

Les smart cities, dont nous avons parlé plusieurs fois dans nos publications sont d’ailleurs un parfait exemple de convergence (télécom, utilities, énergie, transport, santé, etc.) qui se fondent sur des plateformes. Car les exemples de plateformes vont au-delà des plateformes B2C grand public. Le succès de BT (British Telecom) avec la plateforme R6 d’Infonova est une parfaite illustration d’un modèle économique innovant permettant de vrais convergences sectorielles pour l’opérateur britannique (printing as a service avec Ricoh, modernisation des services apportés par les utilities dans l’eau, etc.) et d’illustrer la mise en place d’un véritable écosystème digital[2].

L’économie des plateformes, la convergence des secteurs va donc entrainer de vrais bouleversements. Tous les acteurs ont à y gagner ou y perdre selon leur temps de réaction. Les acteurs traditionnels n’ont pas perdu et peuvent encore revenir en surfant sur les vagues actuelles (Nike et les objets connectés, les laboratoires pharmaceutiques ou les banques avec le big data). Les acteurs nés depuis 1994 (Amazon) ont pour quelques-uns pris un temps d’avance en quelques années mais peuvent aussi être menacés, comme en leur temps le furent les pionniers Altavista, Netscape ou myspace, par des acteurs d’autres secteurs venant sur leur terre (Tesla et les données) ou par de futures start-up pas encore nées. 

 gouvernements et administrations doivent aussi avancer tant pour leur propres offres de services au citoyen que sur le champ de la régulation ou de la prise en compte des changements sociétaux. Des questions éthiques et politiques vont aussi se poser avec le développement du Trans humanisme. Nous sommes au début de l'histoire de la revolution des plateformes. Les entreprises françaises sauront-elles ne pas rater cette opportunité ?

[1] Geoffrey G. Parker, Marshall W. Van Alstyne, Sangeet Paul Choudary, Platform Revolution, New York, W.W.Norton & company, 336 pages, 2016. Pas encore traduit en français la traduction est donc la nôtre.

[2] Que l’on retrouve dans le concept naissant de Digital Ecosystem Management