Le marketing local à l’épreuve du phygital

A l’heure de l’omniprésence du commerce en ligne, il est temps que le marketing local s’adapte à ces nouveaux codes. Comment faire évoluer des business models qui ne se prêtent pas à l’élaboration d’un parcours d’achat expérientiel et premium ?

Le numérique a profondément bouleversé notre manière de percevoir le monde. Constamment branchés à notre smartphone, nous sommes habitués à l’instantanéité. Les consommateurs l’exigent : leur parcours d’achat sera une expérience, et elle sera premium. Longtemps évoqué comme une tendance, épié et étudié par les experts, le commerce en ligne est désormais l’un des piliers de l’économie. En 2016, il représentait ainsi 72 milliards d’euros d’achat rien qu’en France ! Outre les géants, Amazon ou Alibaba, il est une aubaine pour les milliers de PME qui forment la particularité de l’économie française. Il s’agit désormais d’adapter son marketing local, souvent laissé pour compte, en y intégrant les codes du digital. Aussi que les commerces soient en réseaux (franchise, coopérative…), indépendants ou de proximité, ils sont les premiers concernés.

L’expérience client sera premium ou ne sera pas

En parallèle, le numérique influence structurellement nos habitudes de vie et de consommation. Le fil d’actualité de Facebook est construit à notre image par des algorithmes, nous choisissons l’univers visuel qui nous sied le mieux sur Instagram en nous abonnant à tel artiste, marque ou photographe, et il même possible de créer des sneakers uniques avec ces mêmes posts Instagram, ou de personnaliser des lunettes en choisissant de A à Z, la taille, les motifs et la forme d’une monture. Autant d’expériences qui « premiumisent » et influencent notre manière d’appréhender le monde, et donc de vivre la relation client.

Le consommateur cherche perpétuellement à trouver ses repères numériques : petites attentions, dialogue, transparence, souplesse et rapidité. Une quête légitime, mais qui ne peut trouver son bonheur dans les traditionnels points de ventes, figés et ancrés dans le réel, au catalogue et aux stocks incertains. Pourtant, il est aussi et surtout un point de contact avec le professionnel, l’expert qui saura aiguiller sa demande, une ressource irremplaçable dans de nombreux secteurs, et en premier lieu ceux liés à la santé. L’enjeu est à la hauteur du défi qui attend ces TPE et PME : pour ne pas disparaître ni laisser la place à des pure-players au détriment de la qualité de service et donc du consommateur, il s’agit de se transformer.

Phygitaliser son point de vente : le meilleur des deux mondes

La solution au niveau local ne peut donc reposer uniquement sur la digitalisation, puisqu’elle entraîne une perte de contact conséquente entre le vendeur et l’acheteur. Si le point de vente traditionnel a atteint ses limites, tout n’est pas à jeter ! La clé du nouveau marketing local est ainsi de tirer le meilleur des deux mondes en phygitalisant. Le réel était tout jusqu’aux années 2000, lorsque le virtuel grand public a tenté de se suffire avec l’arrivée des pure-players, l’avènement des jeux vidéo, etc. Aujourd’hui, l’un comme l’autre se complètent. Alors que les réalités augmentée ou mixte s’emparent des marchés grand public comme professionnel, que les points de vente s’enrichissent de miroirs virtuels, et qu’en parallèle nous retournons à l’impression des photos avec le nouveau souffle de Polaroïd, la phygitalisation nimbe notre rapport au monde. Les commerçants français ne peuvent rester passifs et regarder le train passer. Il est temps de transposer les best practices du numérique au monde physique, et d’apposer le web-in-store au store-to-web-to-store.

Il s’agit de proposer au consommateur un parcours où il se reconnaît, où il retrouve ses repères. C’est, par exemple, moduler les linéaires en fonction de l’emplacement, de la saison, de la concurrence locale. C’est événementialiser les collections, la remise de l’article, proposer des corners expérientiels, observer, ou tout simplement donner la possibilité de recharger son smartphone. Finalement, c’est laisser le choix au consommateur, d’aller ici ou là, de tester sans acheter, de discuter sans ROI.

C’est aussi et surtout une reconstruction de la relation client en la fondant sur la transparence et la réassurance. Dans le secteur de l’optique, répondre avec franchise aux questions sur la réalisation d’une monture, la découpe et le montage des verres, ou l’élaboration d’un devis reste toujours une nécessité. La modernité impose de prendre les devants en ouvrant l’atelier à la vue de tous, en remettant le dialogue au cœur des échanges grâce à des postures naturelles, côte à côte plutôt que face à face. Alors que le numérique autorise toujours plus de proximité, entre amis, ou entre un acheteur et un vendeur, faisons en sorte de reconstruire cette relation de proximité avec les commerçants et les professionnels de santé. La relation client devient succès quand le grand public favorise le contact réel avec son opticien, s’il attend de lui des conseils avisés et personnalisés, au-delà de le suivre sur les réseaux sociaux.

Certes, le numérique a profondément bouleversé nos habitudes de vie, de perception ou de consommation. Pourtant, nous commençons à en saisir les limites : si les avancées technologiques et les scénarios qu’on nous promet sont vertigineux de potentiel pour le consommateur comme pour l’économie, ils sont inutiles s’ils ne sont pas suivis d’une modification du réel. Bien loin de sa disparition, le point de vente physique entame une phase de profonde mutation, et entre en synergie avec le commerce en ligne au bénéfice du consommateur. Le phygital répond à cette problématique sociétale, et est une chance pour les commerces de proximité en quête de renouveau. Aussi est-ce aux entrepreneurs, décideurs, commerçants de saisir l’opportunité et de moderniser leurs méthodes de vente.