Gouvernance Internet : Les enjeux de la prochaine réunion de l'Icann

L'Icann, en charge des noms de domaine et des adresses IP dans le monde, se réunit pour la première fois à Paris. Des avancées sont attendues sur la question de la gouvernance de l'Internet.

L'Internet va-t-il commencer à se réformer à Paris ? Cette question récurrente de la réforme sera en tout cas au cœur d'une réunion de l'Icann du 22 au 26 juin prochain dans la capitale. Au sommet de la hiérarchie mondiale sur les problématiques de noms de domaine et d'adresses IP, l'Internet corporation for assigned names & numbers est la plus influente des trois enceintes où se décide la gouvernance de l'Internet. Les deux autres étant l'Isoc, qui s'occupe surtout de problèmes techniques, et le Forum pour la gouvernance de l'Internet, lié aux Nations Unies, qui se réunit depuis 2006 autour de questions plus politiques et sociétales.

Depuis sa création en 1998, l'Icann est critiqué pour ses liens avec les Etats-Unis. Organisme soumis au droit californien, il est contrôlé par le gouvernement américain. Mais la suppression de cette tutelle publique, prévue depuis l'origine par le gouvernement, rencontre l'opposition de parlementaires américains opposés à toute évolution. Et quels nouveaux contre-pouvoirs publics viendraient la remplacer ? Si l'Europe souhaiterait renforcer le poids des gouvernements, qui peuvent seulement émettre des avis aujourd'hui, d'autres comme la Chine veulent un transfert pur et simple vers l'ONU.

Or la réunion de Paris - la première de l'Icann en France - serait "l'une des dernières chances de faire bouger les choses", a affirmé Mathieu Weill, directeur général de l'Afnic (gestionnaire du ".fr" autorisé par l'Icann) lors d'une conférence de presse mardi 3 juin 2008. En effet, le contrat liant l'Icann au Département du commerce américain prend fin en septembre 2009. Si rien ne change à Paris, il sera probablement renouvelé pour trois ans. Car la réunion suivante est programmée en novembre 2008, au moment de l'élection américaine. Resteront ensuite sept mois seulement avant l'échéance.


Du côté de l'Afnic, on veut interpréter le choix de Paris comme une volonté d'ouverture à l'internationalisation du fonctionnement de l'organisme. Le gestionnaire du ".fr" demande par ailleurs que des motions de censure puissent être déposées contre la direction de l'Icann, et qu'un justiciable européen par exemple ait le droit de saisir la justice européenne contre cet organisme.

D'autres sujets importants devraient avancer à Paris. L'Icann prépare depuis plus d'un an un appel à candidatures pour de nouvelles extensions. "Le document pourrait être finalisé lors de cette réunion, avec les propositions faites en 2009 et les extensions sur la table en 2010", indique Mathieu Weill. Plusieurs centaines de candidatures sont attendues. Certaines génériques, comme le ".web" et le ".bank", d'autres régionales comme le ".bzh" pour la Bretagne, d'autres enfin liées à des usages, par exemple le ".car". La question des noms de domaines en caractères latins accentués et de ceux en caractères non latins comme le chinois ou l'arabe - posée par de nombreux pays - devrait également avancer.

L'Icann planchera aussi sur des dossiers importants comme le cybersquatting et le déploiement des nouvelles adresses IP (IPv6), pour remplacer les adresses IPv4 dont l'épuisement du stock est prévu pour l'été 2011. Autant de sujets qui seront débattus à la fin du mois. L'Icann va-t-elle enfin s'internationaliser et assurer le développement d'Internet dans le monde ? La réunion de Paris apportera peut-être des réponses.