Guillaume Buffet (cofondateur de Starting Dot) "L'Afnic n'avance pas, il faut donner un coup d'accélérateur au .Fr"

C'est dans les prochains jours que le ministre de l'Industrie révèlera le nom du futur gestionnaire du .Fr. Candidat à la succession de l'Afnic, Starting Dot détaille son projet.

Présentez-nous StartingDot et les raisons qui vous poussent à briguer la gérance du .Fr ?

Starting Dot a lancé son activité en proposant 5 candidatures pour la création de nouvelles extensions de noms de domaine (lire le dossier : Nouvelles extensions qui a demandé quoi, du /12). Et nous nous sommes rendu compte rapidement du retard que la France a pris sur le .Fr par rapport à ses voisins. L'Allemagne compte 15 millions de .De, le Royaume-Uni 10 millions de .Uk. Mais il n'existe qu'un peu plus de 2 millions de .Fr. La France n'est que le 20e pays d'Europe occidentale en nombre de noms de domaine pour mille habitants. Les seuls pays plus en retard que nous sont l'Espagne et la Croatie. La France compte en fait un double retard. D'abord en nombre de .Fr, ensuite sur la part du nombre de .Fr déposés par rapport au nombre de .Com, qui est elle aussi moins importante que chez nos voisins. Il faut donc changer les choses.

Que proposez-vous ?

L'Afnic est une association qui gère le .Fr de manière technique et administrative. De notre côté, nous voulons apporter une dynamique de marché collective en réunissant au sein de FRNic les acteurs du marché. Trois catégories seront représentées dans le capital de la société et pèseront pour un tiers du capital chacune. D'abord les fondateurs, c'est-à-dire Starting Dot et la Fondation Free, en charge de l'infrastructure technique. Ensuite les bureaux d'enregistrement de noms de domaine. Et enfin les associations du Web. L'UDA, l'IAB ou la Fevad pourraient par exemple prendre part à notre initiative. Si tous les acteurs du Web restent solidaires de cette problématique, nous pourrons alors vraiment apporter une dynamique au .Fr et mettre en valeur la vigueur de l'économie du numérique en France.

Dans votre projet les bureaux d'enregistrements, qui seront aussi vos clients, pèsent pour un tiers du capital de FRNic. N'y a-t-il pas là un drôle de mélange des genres ?

Non, car il s'agit d'un véritable système coopératif dans lequel chaque revendeur est aussi actionnaire. Cette situation les rendra d'autant plus intéressés à faire la promotion et vendre des .Fr qu'ils sont associés à sa réussite.

Comment jugez-vous le prix auquel est vendu le .Fr aux registrars ?

Le .Fr est cher. L'Afnic le vend 4,80 HT euros ou 5,80 HT en fonction du type d'accréditation des registrars. FRNic s'engage à proposer un tarif unique de 4,5 euros HT pour renforcer son attractivité.

Ne craignez-vous pas qu'une baisse des prix du .Fr crée un effet d'aubaine chez les cybersquatteurs, les éditeurs de pages parking, ou tout autre type de domainers aux pratiques parasites ?

Je ne crois pas qu'un euro de plus ou de moins sur le prix du.Fr change grand-chose pour les cybersquatteurs. Ils ne sont pas à 1 euro prêt. Par ailleurs, nous ne voulons pas non plus diviser le prix par deux. Nous sommes une société. Nous verserons donc aussi une partie de ses bénéfices à nos actionnaires. Mais la baisse des prix que nous proposons est aussi une façon de montrer qu'un acteur privé ne prendra pas les consommateurs en otage en augmentant les prix. Au contraire.

De quelles infrastructures techniques disposez-vous ?

Nous avons répondu à l'appel d'offres aux côtés de la Fondation Free. Nous avons prévu de bâtir une équipe d'une quarantaine de personnes en respectant à la lettre toutes les exigences de l'Icann en termes de sécurité. Notre infrastructure sera d'ailleurs plus moderne que celle de l'Afnic qui utilise beaucoup d'outils propriétaires, et se basera sur des technologies qui ont fait leurs preuves à l'étranger.

De quels moyens disposez-vous et comment allez-vous constituer vos équipes ?

D'abord, nous proposons de reprendre 50% des effectifs sous contrats privés travaillant à l'Afnic. Aujourd'hui, l'Afnic emploie 60 personnes, dont la moitié sous contrats privés. Il est logique de travailler dans une certaine continuité, même si nous apportons plus d'ambition. Ensuite, nous avons réalisé une levée de fonds de 1,5 million d'euros pour financer le projet, en sachant que l'investissement initial pour lancer notre activité est proche d'1 million d'euros. A cela se rajoute évidemment l'infrastructure technique apportée par la Fondation Free.

A combien estimez-vous vos chances de succéder à l'Afnic ?

Je pense qu'il existe aujourd'hui une véritable volonté politique de développer le .Fr. Mais pour le moment il est difficile de préjuger de quoi que se soit... Nous misons sur le sérieux de notre projet et cette approche collective qui nous paraît essentielle. Si les acteurs du e-commerce, les associations du Web, les agences, les start-up, décident de promouvoir le .Fr, alors cela créera une dynamique positive. L'Afnic fait de manière traditionnelle une opération de communication par an... Mais mon expérience personnelle me dit qu'il faut que se soit l'écosystème qui porte le message. Nous sommes persuadés qu'il faut donner un vrai coup d'accélérateur. L'Afnic n'avance pas. Mais c'est normal, on ne peut rien faire seul, dans son coin.

Guillaume Buffet, 43 ans, diplômé de l'ESC Bordeaux, est directeur général associé de Starting Dot. Il a dirigé la web agency Singapour, revendue à CRM Company Group en 2006. Il quitte le groupe de communication en 2008 pour fonder Les Gentils (www.lesgentils.com), cabinet de conseil en stratégie digitale auquel il consacre encore aujourd'hui la moitié de son temps. Il a créé Starting Dot avec Godefroy Jordan en 2011. Il s'implique depuis 1998 dans des associations représentatives de l'internet Français : président de l'IAB (2001-2005), administrateur de Club Sénat (2005-2008). Depuis 2009, il co-préside Renaissance Numérique, le Think Tank de l'internet citoyen.