Technologies de l'information et de la communication appliquées à l'enseignement

Internet en 2049 : maîtres ou esclaves du numérique ? Le JDN publie chaque jour en avant-première un extrait du livre de Benoît Sillard et vous propose de partager votre vision de l'Internet en 2049.

La nouvelle génération vit dans un monde numérique : immergée dans ce milieu technologique dès sa naissance, elle sait très tôt se servir de ses outils... ce qui n'est pas toujours le cas des enseignants. L'imprimerie a été inventée vers 1450, mais il a fallu attendre en France les lois de Jules Ferry de 1881 pour que la scolarité gratuite, laïque et obligatoire démocratise réellement les savoirs issus de la révolution de l'imprimé. La technologie ne crée pas toute seule la connaissance et son partage. Internet est né en 1990 : l'émergence de l'école et de l'université numériques est un défi d'ampleur comparable. Comme le remarque Richard Descoings, directeur de Sciences Po, à propos du pilotage de numérisation des cursus dans les grandes écoles : " La révolution numérique est tellement rapide que même ceux qui ont un peu d'avance sont en retard1 ! " Il observe un fossé réel de génération :

" Le passage au numérique, les réseaux sociaux, MSN, Second Life..., tout cela est en train de créer un incroyable fossé entre le savoir et le savoir-faire des nouvelles générations versus le nonsavoir et le non-savoir-faire des générations précédentes. Les enfants et les adolescents se construisent aujourd'hui, à un moment très important de leur vie, dans un monde dont leurs parents sont complètement exclus. C'est une situation inédite et fondamentale. "

En ce domaine, l'éducation a sans doute un rôle d'accompagnement et d'approfondissement afin de permettre aux jeunes d'améliorer leur utilisation instinctive par un apprentissage réfléchi et de les aider à décrypter le monde numérique dans lequel ils vivent. Elle doit aussi réduire les inégalités d'accès (fracture numérique). Selon le CREDOC, par exemple, 24 % des Français n'ont pas encore d'ordinateur à domicile et 29 % n'ont pas d'accès Internet haut débit chez eux.

Mais l'enjeu principal de l'éducation n'est pas d'apporter un apprentissage des terminaux et plateformes numériques : il s'agit de mettre pleinement et massivement ces outils au service de l'enseignement. Et l'emploi des outils numériques dans l'enseignement dépend avant tout de leur appropriation par les enseignants : les élèves sont déjà prêts !

Différents outils numériques sont expérimentés depuis quelques années et certains sont en phase de déploiement massif :

- des matériels avec des logiciels spécifiques tels que les ordinateurs personnels type notebooks, les e-books, les cartables numériques, les tableaux blancs interactifs ;

- des logiciels et contenus pédagogiques comme ceux fournis en France par le ministère de l'Éducation (CNDP, CNED et projet Académie en ligne, rectorats, ONISEP, voir par exemple le site Educnet ou la vidéothèque en ligne Canal U) ;

- du contenu multimédia pédagogique produit par d'autres acteurs publics, comme la chaîne de télévision France 5, ou privés, comme le Canal numérique des savoirs.

On peut distinguer les outils selon qu'ils sont au service de l'étudiant ou destinés à l'enseignement.

Les outils au service de l'étudiant, même s'ils ont des noms spécifiques au monde de l'éducation, sont en général des matériels qui existent déjà et qui font l'objet de simples adaptations.

- Les microportables étudiants, comme ceux de l'opération " Portable à 1 € pour les étudiants " lancée à la demande de François Fillon en 2004, sont des ordinateurs dont l'ergonomie, la puissance, les logiciels, la durée d'utilisation ont été pensés pour les étudiants. Mais ils ne sont pas fondamentalement différents de ceux utilisés en entreprise ou dans un cadre familial.

- Les cartables numériques, promus notamment par Xavier Darcos, sont avant tout des ordinateurs dotés de logiciels d'utilisation et de contenus adaptés aux élèves, du type manuels numériques avec accès aux espaces numériques de travail (ENT).

Les outils destinés à l'enseignement sont généralement des logiciels ou des applications conçus pour répondre à la demande du monde de l'éducation.

- Les ENT, mis en place dans un peu plus de mille établissements en France, sont concrètement des portails qui assurent la consultation des emplois du temps, des notes, de la documentation, du travail à faire, des relations avec l'école, mais qui permettent aussi d'effectuer un travail collaboratif.

- Les tableaux blancs interactifs, aussi utilisés en entreprise, sont de grands panneaux numériques qui remplacent les tableaux noirs. En les regardant, on a tendance à ne voir que le matériel (le tableau), alors que leur valeur cognitive ajoutée réside bien sûr dans le logiciel qui les fait fonctionner. En pratique un enseignant peut écrire des notes, montrer un graphique, une photo ou un film, afficher un exercice présent dans une base, demander aux élèves d'y répondre au moyen de boîtiers qui interagissent avec les tableaux, demander à un élève de se placer devant le tableau, d'effectuer des manipulations et des exercices. Les résultats de l'élève sont aussitôt analysés et enregistrés.

Le retard français

En 2010, la mission parlementaire dirigée par Jean-Michel Fourgous a fait le point sur la modernisation numérique de l'école (Réussir l'école numérique). Constat : " La France accuse un fort retard pour ce qui est de l'équipement et de l'utilisation des TICE en cours par les enseignants. "

Ainsi, la France se situe au 21e rang sur 27 en Europe, selon la dernière enquête comparative de la Commission européenne de 2006 (Benchmarking Access and Use of ICT in European Schools). Le premier degré accumule les carences, il est quatre fois moins bien loti que le second degré. À titre d'exemple : au Royaume-Uni, plus de cent mille classes sont équipées de tableaux blancs interactifs, en France seules cinq mille écoles en disposent ! Selon l'enquête ETIC 2010, on compte en France 22,7 élèves pour un ordinateur en maternelles, 9 en école élémentaires, 5,6 en collège, 3,1 en lycée général et 2,5 en lycée professionnel. De ce point de vue, l'école rencontre le même type de problème que l'entreprise : l'équipement que l'individu possède chez lui est souvent bien plus performant que celui disponible sur son lieu de travail !

En comparaison, la Finlande se caractérise par d'excellents résultats scolaires depuis 2000 aux tests PISA. Elle fait également partie des pays où les inégalités sont le mieux corrigées et où les outils numériques sont les plus déployés : 100 % de ses enseignants sont formés à leur usage pédagogique. Au Royaume-Uni, équipement et maintenance sont gérés par des sociétés privées au service des établissements. L'accès aux outils pédagogiques y est facilité par la mise en place du dispositif Curriculum Online, comprenant plus de dix mille ressources évaluées par des enseignants. Aux tests PISA 2006, 13,9 % des jeunes Britanniques se sont hissés aux niveaux les plus élevés (niveaux 5 et 6) de l'échelle de culture scientifique contre 8 % en France. Depuis 2009, le Royaume-Uni met l'accent sur l'accompagnement des enseignants, dont l'appropriation des outils numériques est primordiale pour une évolution de la pédagogie.

Mais le meilleur exemple n'est pas européen : aujourd'hui, la Corée du Sud est le pays le plus avancé en matière d'infrastructures TIC, avec 86 % des foyers connectés au haut débit en 2009, ainsi qu'un réseau WiFi couvrant toutes les villes et donnant un accès permanent au réseau. D'ici 2013, ce chiffre devrait s'élever à 93 %, suivie par les Pays-Bas (88 %) et le Danemark (81 %) (Gartner, 2009). Dès 1996, un plan national a lancé la numérisation des écoles du pays. Quinze ans plus tard, tous les pupitres des enseignants ont un PC connecté à un projecteur, et 72 % d'entre eux l'utilisent chaque jour. En 2012, les élèves abandonneront tous leurs manuels pour des tablettes interactives. Par ailleurs, les écoles disposent de bibliothèques virtuelles ainsi que de plateformes de connaissances partagées, et le cyberhome learning (apprentissage à domicile) est vivement encouragé par le gouvernement. Le jeune Coréen ne passe que 6 000 heures sur les bancs de l'école entre 7 et 14 ans (7 750 en France) et l'objectif est de réduire encore ce taux (réf. Rapport Fourgous, 2010). Bien que les classes soient plus chargées (18,2 élèves par enseignant contre 12,2 en France dans le secondaire), l'enseignement est nettement plus individualisé et les résultats s'en ressentent : la Corée du Sud est au premier rang de tous les pays de l'OCDE pour la compréhension de l'écrit et au 2e rang pour la compréhension des mathématiques (enquête PISA, voir cidessus). En Europe, c'est la Finlande et le Danemark qui se rapprochent le plus de ce modèle coréen.

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