Marie Allavena (Groupe Eyrolles) "Nous voulons réaliser 8 % de nos revenus grâce au livre numérique"

La maison d'édition souhaite tripler son activité sur le marché du livre numérique d'ici mi-2011 grâce à la diffusion de ses titres sur l'iPad d'Apple et d'autres plates-formes. Le point avec sa directrice générale.

JDN. Eyrolles propose désormais un catalogue d'ouvrages pour l'iPad. Quelles sont vos ambitions ?

Marie Pic-Pâris Allavena. Cela fait deux ans que nous avons commencé la numérisation de notre catalogue et déjà 1 000 ouvrages sont disponibles, ce qui représente 2 à 3 % de notre chiffre d'affaires. Avec les nouvelles tablettes, nous voulons faire passer les revenus du livre numérique à 8 % de notre chiffre d'affaires d'ici un an. Pour cela nous allons numériser tout notre catalogue, au rythme de 100 formats PDF et 100 formats Apple par mois.

"Nos livres seront 10 à 25 % moins chers sur iPad qu'en librairie"

L'iPad étant une tablette onéreuse, vous visez une cible restreinte, non ?

Effectivement, sur l'iPad nous visons les jeunes actifs voyageant qui composent déjà une large part de notre clientèle. Un quart de nos titres sont des livres professionnels qui ne sont pas toujours disponibles dans les rayons des librairies. L'iPad représente donc un moyen de redynamiser cette gamme de livres, de manière complémentaire avec les autres canaux de distribution. Nous proposerons également sur iPad des ouvrages de culture générale, mais pas de littérature ni d'ouvrages grand public. Il n'y a aucun intérêt à numériser les ouvrages illustrés, beaux livres et livres d'art qui sont le plus souvent offerts en cadeaux. Et on n'offre pas un fichier numérique à Noël !

Quels prix comptez-vous pratiquer sur l'iPad ?

Sur l'iPad, les éditeurs gardent la maîtrise du prix. Apple est très respectueux du droit des auteurs. Nos livres y seront 10 à 25 % moins chers qu'en librairie.

Il est impossible de prêter ou revendre des livres numériques. N'avez-vous pas peur que se crée un marché parallèle et illégal comme c'est le cas pour la musique en ligne par exemple ?

Non, pas vraiment. Déjà, je ne pense pas qu'il y ait un véritable marché d'occasion pour le livre en général, à part pour les livres scolaires où il y a une vraie demande. De plus le marché du livre numérique est encore balbutiant et le piratage encore très faible bien que nous en ayons déjà connu. Mais je dois dire aussi que le développement d'applications pour contrer cette pratique illégale coûte finalement plus cher que d'être victime de piratage.

"Nous avons déjà entamé des discussions avec d'autres plates-formes pour diffuser des livres numériques"

Quel est le coût de numérisation d'un livre ? Comment évolue le marché ?

Jusqu'à maintenant il fallait compter en moyenne 200 euros pour numériser un livre au format e-pub d'Apple. Mais les tarifs sont très mouvants en ce moment et je ne vous donnerais pas les mêmes montants cette semaine et la suivante. Le marché commence à peine à se développer. Lorsqu'il a fallu proposer un catalogue à Apple nous avons dû faire appel à un prestataire en Inde pour accélérer le mouvement car notre prestataire français n'avait pas alors la capacité de nous livrer en temps et heure. Suivant la cadence de travail, il faut de un jour ou deux à une semaine pour numériser un livre. Enfin, en France en tout cas, il faut encore que les prestataires développent un travail de qualité pour fournir des fichiers corrects, notamment en matière de mise en page, afin d'être accepté par Apple.

Comptez-vous proposer votre offre numérique sur d'autres plates-formes ?

Oui, nous avons d'ailleurs déjà entamé des discussions avec d'autres plates-formes. Et nous n'avons pas signé d'exclusivité avec Apple sur les titres que nous diffuserons via l'iBook Store. Par ailleurs Eyrolles va lancer son propre entrepôt numérique dans moins d'un mois. Nous y stockerons nos fichiers numériques mais aussi ceux de la soixantaine de maisons d'éditions que nous diffusons et avec lesquelles nous sommes en discussions actuellement. C'est un très lourd chantier.

A 49 ans, Marie Pic-Pâris Allavena est entrée en 2007 au sein du groupe Eyrolles dont elle occupe le poste de directrice générale depuis janvier 2009. Diplômée de l'Essec, elle a débuté sa carrière dans la banque. En 1995, elle crée Futurekids, un groupe d'écoles d'informatique pour enfants, qu'elle revend en 2001. Elle intègre ensuite le cabinet Bernard Krief, chargée de missions d'executive search, puis rejoint Bernard Julhiet Group au poste de Directeur de l'activité "chasseur de têtes".