Mathieu Weill (Afnic) "Le 2 millionième nom de domaine en .fr a été déposé vendredi"

A l'occasion du dépôt du 2 millionième .fr, le directeur général de l'Afnic fait le point sur les nombreux dossiers qu'a à gérer l'association gestionnaire du .fr.

JDN. Vendredi 15 mars est un jour est symbolique pour l'Internet français puisqu'il a vu le dépôt du 2 millionième nom de domaine en .fr...

Mathieu Weill. Oui, nous avons mis 3 ans pour atteindre ce cap depuis le dépôt du millionième. Le .fr est l'un des domaines de premier niveau les plus dynamiques, avec 30 % de croissance sur les cinq dernières années. Bien sûr, cette croissance tient pour beaucoup à l'ouverture du .fr aux particuliers. Et elle est redescendue à +20 % en 2010. Aujourd'hui, 300 000 .fr sont déposés chaque année. Pour dynamiser le .fr, nous comptons communiquer davantage sur son utilité, sa valeur économique, bref, tout ce en quoi il peut profiter à une entreprise.

Il y a un an, l'Afnic conservait la gestion du .fr pour 7 ans, et se voyait imposer un certain nombre d'obligations. Où en êtes-vous du baromètre des registrars ?

Nous avons eu plusieurs séances de travail sur l'observatoire de la qualité des registrars. Mais la loi concernant les noms de domaine votée en mars dit que les registrars devront recevoir une accréditation. Cela nous a obligé à reporter le dossier. Nous attendons de connaître quels critères seront pris en compte pour cette accréditation avant de réfléchir à ceux que nous prendrons en compte pour monter ce baromètre.

Les discussions avec les registrars semblent pourtant compliquées. Ils semblent nombreux à ne pas vouloir que ce baromètre soir nominatif...

La principale difficulté n'est pas celle-là, mais savoir sur quel échantillon de clients les évaluer. Par ailleurs, ils sont nombreux à passer par des revendeurs et ils s'inquiètent que l'on puisse les considérer responsables d'éventuelles dysfonctions qui pourraient exister chez leurs revendeurs. D'un autre côté, ils sont aussi responsables de leur réseau de revendeurs... Nous discuterons, mais ce baromètre se fera, c'est une exigence voulue par la loi.

Cette loi exigeait aussi que vous investissiez 5 % de votre chiffre d'affaires dans le renforcement de l'Internet français...

C'est un objectif tenu en 2010. Nous avons investi dans de l'achat de matériel pour accroître nos capacités et améliorer la redondance de nos infrastructures. Nous allons en outre bientôt migrer vers un nouveau datacenter de production chez Telehouse 3.

Vous devez par ailleurs investir 10 % de votre chiffre d'affaires dans la promotion du .fr. Qu'avez-vous fait en 2010 ?

Nous avons réalisé des campagnes de promotion à destination des prescripteurs, notamment de professionnels qui conseillent les entreprises. Nous menons également des actions récurrentes avec les registrars, comme pour les 10 ans de Gandi, ou d'autres opérations promotionnelles avec Amen, par exemple. A l'occasion du dépôt du deux millionième .fr, nous avons pour la première fois concédés une promotion sur la vente des .fr auprès des registrars. Nous avions jusque-là toujours refusé de pratiquer ce genre d'incitation financière pour éviter de créer un effet d'aubaine pour les cybersquatteurs. Il faut faire attention, mais notre réflexion évolue, l'objectif étant que les registrars mettent plus en avant le .fr dans leurs offres.

Comptez-vous baisser le prix du .fr pour améliorer son attractivité ?

C'est une réflexion que nous avons tous les ans. Mais si l'on se compare au marché, le prix du .fr est comparable à ceux du .com et du .eu. Une baisse des prix n'est donc pas une priorité.

Vous avez également obligation d'investir 30 % de vos bénéfices dans des projets de R&D. Quels sont ces projets ?

Nous avons un partenariat de transfert de connaissance avec la Tunisie pour créer l'équivalent du .tn en caractère arabe. Nous continuons par ailleurs de développer notre projet autour de l'Internet des objets avec GS1, notamment dans le cadre de l'application mobile Proxi Produit qui permet à un consommateur de recevoir des informations complémentaires sur un produit en scannant son code-barre.

Vous venez d'annoncer que la procédure de règlement des litiges sur des noms de domaine avec l'OMPI allait être fermée le 15 avril, tout comme la vôtre (Predec), le 15 mai. Pourquoi ?

Cela vient de la nouvelle loi sur les noms de domaine votée en mars qui modifie ces procédures. Nous travaillons à mettre en place une nouvelle procédure de modération qui devrait voir le jour le 30 juin. Dans l'intervalle, les plaignants devront attendre quelques semaines ou quelques mois. Dans les cas les plus graves, les ayants droit peuvent toujours saisir la justice...

L'objectivité de la procédure devant l'OMPI est mise en cause par la loi, pensez-vous que la procédure sera de nouveau accessible un jour ?

La réouverture de la procédure auprès de l'OMPI en France prendra plus de temps, mais nous espérons qu'elle sera un jour de nouveau possible. En attendant, l'Afnic a vocation à traiter l'ensemble des litiges portant sur le .fr et le .re. Le nombre de dossiers est tout à fait traitable. L'OMPI a géré 49 dossiers en 2010 et l'Afnic 87 dans le cadre du Predec.

Quand les européens (entreprises et particuliers) pourront-ils acheter des .fr ?

Cette ouverture se fera d'ici la fin de l'année, comme notre convention avec l'Etat nous le demande. Nous ferons la promotion de cette ouverture à travers nos bureaux d'enregistrements qui sont nombreux à avoir une présence à l'international.

Quel a été le chiffre d'affaires de l'Afnic en 2010 ?

Nos résultats n'ont pas encore fini d'être calculés. Mais notre chiffre d'affaires tourne autour des 10 millions d'euros pour un bénéfice de plusieurs centaines de milliers d'euros (Le chiffre d'affaires de l'Afnic a été de 8,3 millions d'euros en 2009, ndlr).

Diplômé de l'école Polytechnique et de l'Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications, Mathieu Weill a occupé différents postes au sein de plusieurs ministères. Chargé de mission en 1999, dans la cellule interministérielle "an 2000" du secrétariat général de la Défense Nationale, il a ensuite intégré le poste de Chargé de Mission "Soutien à l'Innovation en télécoms" au secrétariat d'Etat de la DGE, en 2000. Il rejoint en 2003, le STSI-MINEFI en tant que chef de bureau de la prospective et des études économiques. En juillet 2005, il est promu directeur général de l'AFNIC