Pierre Conte (Le Figaro) "Nous souhaitons industrialiser le développement de thématiques verticales"

Fin 2011, Le Figaro compte voir près d'un quart de ses revenus provenir de son activité en ligne. Le patron de son activité Web explique la stratégie du groupe.

JDN. Cette semaine s'est soldée par l'acquisition de Vodeo.tv. Comment allez-vous intégrer une activité de vidéo à la demande au Figaro ?

Pierre Conte. Nous sommes confrontés à la catch-up TV, un sujet qu'il faut saisir en considérant que la concurrence se renforce et que la publicité vidéo s'installe à côté de la publicité au CPM. A court terme, Le Figaro est un peu "short" sur la vidéo, d'où l'intérêt de cette acquisition. Vodeo.tv nous permettra de disposer d'un catalogue de 5 000 documentaires haut de gamme et donc de diversifier nos activités e-commerce. L'idée est d'intégrer au plus vite les contenus vidéo sur les pages du site en cohérence avec les contenus éditoriaux. Ainsi si l'internaute est sur un contenu culture, on lui proposera de visionner un documentaire de la même thématique.

Aujourd'hui il existe deux modèles sur Vodeo.tv, l'un par abonnement illimité à 7,99 euros par mois et l'autre à l'unité. Toutefois nous rentrons en phase d'expérimentation et nous pourrions aussi développer un modèle gratuit financé par la publicité. L'intégration de Vodeo.tv ressemblera donc à celle du service de ventes de billets en ligne TickeTac.com. Dans ce cas si l'on parle d'un événement culturel dans un papier, on propose une redirection pour l'achat de billets en ligne.

Vous êtes dans une stratégie de développement de contenus verticaux. Comment se structurent vos investissements ?

Nos investissements sont soit organiques, soit ponctués d'acquisitions tactiques. Le but est de combiner les deux pour développer des thématiques verticales sur différents supports. Nous lançons des projets organiques en interne comme avec le développement du courtier d'assurance en ligne Cplussur.com, de Figaro Golf, de Figaro Vin ou encore d'une thématique autour du nautisme. Ces investissements génèrent des déficits d'exploitation de l'ordre de 3 à 4 millions d'euros.

Les acquisitions permettent, elles, de compléter certaines thématiques, comme l'illustrent l'achat de Vodeo.tv ou du Bloc Marine. L'achat du Bloc Marine (services de cartographie et d'annuaires liés à la marine, ndlr), permettra de développer des outils mobiles payants spécialisés dans la lignée de notre thématique sur le nautisme. L'application intégrera aussi des outils météorologiques développés par La Chaîne météo, qui fait également partie du groupe. Pour chaque thématique, l'idée est de coordonner un ensemble de contenus grâce à des productions internes, des partenariats ou des acquisitions, et de les monétiser de manière pertinente avec de la publicité, des services en ligne, des programmes d'affiliation voire de l'e-commerce. En somme, nous souhaitons industrialiser le développement de thématiques verticales.

Vous parlez beaucoup d'e-commerce. C'est un virage ou une simple opportunité ?

L'e-commerce est une opportunité en termes de revenus quand on a une audience ciblée. Nous détenons par exemple 15 % des parts de Bazarchic, ce qui nous permet de prendre une commission sur les achats des visiteurs que l'on redirige. C'est une stratégie pertinente quand on sait que les visiteurs provenant du Figaro sur Bazarchic ont le panier moyen le plus élevé. De plus, la semaine prochaine verra arriver la nouvelle version du site Evene, qui développera en périphérie une activité d'agence de communication événementielle et poursuivra ses programmes d'affiliation sur les produits culturels, notamment avec la Fnac.

Quel est aujourd'hui le poids économique des activités digitales dans le groupe ?

Fin 2010, 20 % de notre chiffre d'affaires était réalisé en ligne, soit 110 millions d'euros sur 550, sachant que les petites annonces de l'activité Figaro Classifieds représentent 60 % des revenus en ligne. L'objectif pour fin 2012, c'est que 50 % du chiffre d'affaires du groupe soit réalisé sur des activités de diversification, c'est-à-dire hors quotidiens et magazines, pas forcément uniquement en ligne. Il est probable qu'à la fin 2011, l'activité digitale représente 23 à 24 % de nos revenus. Notre stratégie de développement d'abonnements mixtes fait qu'un quart des abonnements papier sont générés par le web, et les offres complètes comprennent l'accès sur tablette. Toutefois les revenus générés par la publicité sur les mobiles et les tablettes ne sont pas encore significatifs, on parle d'environ 500 000 euros cette année, sur un marché français de 30 à 40 millions d'euros. On ne peut toutefois pas se projeter sur le numérique si l'activité papier ne suit pas. L'un de nos plus gros investissements date de 2007 et concernait l'imprimerie, pour un montant de 70 millions d'euros.

Vous avez annoncé vouloir investir 10 millions d'euros d'ici à fin 2012, dans quelle direction ?

Toujours dans cette approche de création d'écosystèmes verticaux. Après avoir lancé les pages Santé dans le Figaro du lundi, nous avons conclu un accord avec CRM Santé, filiale de CRM Company pour pouvoir lancer un site web dédié à la santé. Il génèrera des revenus publicitaires et e-commerce, par exemple grâce à de la vente d'outils payants comme l'accompagnement en ligne dans un régime alimentaire. C'est un investissement de 1,5 million d'euros. Nous allons également effectuer une refonte de Figaro Bourse et du Figaro Patrimoine en ligne, en s'inspirant de Boursorama afin de générer de meilleurs revenus publicitaires et de vendre des outils analytiques pointus.

Diplômé de l'IEP, Pierre Conte a commencé sa carrière comme journaliste à RTL. En 1986, il rejoint le groupe Expansion puis Canal +, avant de revenir au groupe Expansion en 1992 comme directeur général adjoint, groupe qu'il quitte en 1997. Après un an chez EMAP (racheté depuis par Mondadori), il devient Président d'IP France et directeur général adjoint de RTL avant de devenir en 2002 président d'OMD France (OMNICOM) la troisième agence média française. Depuis mars 2005, il occupe les fonctions de président de FigaroMedias (ex Publiprint), qu'il dirige avec Pascal Pouquet et Bertrand Gié. Il est également directeur général adjoint du Groupe Figaro. En 2007, il devient président du directoire de Figaroclassifieds  (ex. Adenclassifieds). Il vient d'être réélu pour 3 ans à la présidence d'Audipresse, société en charges des mesures d'audience du media presse.