Médias : ce que proposent les candidats à la présidentielle

Médias : ce que proposent les candidats à la présidentielle Emmanuel Macron manquait à l'appel mais Benoit Hamon et trois représentants des autres principaux postulants se sont adressés aux professionnels lors des Rencontres de l'Udecam.

Les cinq principaux candidats à l'élection présidentielle devaient venir présenter ce 2 mars leur vision du marché de la communication au cours des Rencontres de l'Udecam, deux mois avant le premier tour. Seul Benoît Hamon aura finalement payé de sa personne. Alexis Corbières, secrétaire général du Front de Gauche, représentait Jean-Luc Mélenchon, Mikaël Sala, secrétaire départemental du FN, Marine Le Pen et Nathalie Kosciuzko-Morizet, François Fillon. Emmanuel Macron, pas plus qu'un membre de son équipe, n'ont pu être au rendez-vous. Chacun disposait de 10 minutes pour présenter son programme et de 20 minutes pour répondre aux questions de deux journalistes. Le JDN fait le point sur leurs déclarations.

Comment mettre un terme à l'hégémonie des Gafa ?

Pour tous un même constat, la mainmise inquiétante des Gafa (Google, Apple, Facebook et Amazon) sur le secteur de l'économie numérique. Nathalie Kosciuzko-Morizet a été très pédagogue sur le sujet, s'attachant à expliquer comment Google et consorts avaient fait main-basse sur l'ensemble de la chaîne de valeur du digital. "Forts d'une capitalisation boursière de plusieurs dizaines de milliards de dollars, ils se diversifient et rachètent toutes les start-up susceptibles d'être LA plateforme de demain. Car sur le Web, c'est celui qui est le plus proche de l'utilisateur qui capte la marge." L'ancienne secrétaire d'Etat au numérique sait de quoi elle parle. Problème, elle a été beaucoup plus avare en propositions. On retiendra tout juste cette profession de foi : "L'Europe doit se montrer aussi ambitieuse sur la question du numérique qu'elle l'a été pour celle de l'agriculture, avec la PAC en 1957."

Des propositions concrètes, Benoit Hamon n'en manquait pas. Il a notamment annoncé qu'il instaurera deux impôts consacrés aux Gafa s'il est élu président. Le premier est "un impôt sur le chiffre d'affaires qu'ils réalisent en France." Lorsqu'on lui demande comment il compte s'y prendre pour déterminer ce montant, les Gafa étant très discrets sur le sujet, Benoit Hamon botte en touche et préfère brandir l'impôt de 25 % sur les profits détournés par les multinationales mis en place au Royaume-Uni. "Une initiative très intéressante". Alexis Corbières, qui soutient lui aussi cet impôt sur le chiffre d'affaires réalisé dans l'Hexagone, propose une autre solution : "Il faut simplement sortir des traités de libre-échange !"

Benoit Hamon plaide ensuite pour "une contribution des Gafa à la création culturelle via une taxe." Un sujet cher au représentant des socialistes. Lequel a d'ailleurs partagé une inquiétude concernant la gestion par Vincent Bolloré de Canal Plus. "Ce dernier, qui est un grand argentier du cinéma français, sera-t-il en mesure de contribuer autant qu'il l'a fait jusque-là ?", s'interroge-t-il.

Patriotisme économique en bandoulière, Mikael Sala veut lui aussi que les Gafa soient soumis aux mêmes règles que les champions français. Le représentant du FN veut mettre un terme aux stratégies d'optimisation fiscale et veut croire qu'en discutant avec Google et Netflix, il arrivera à un "deal".

Des médias français trop concentrés ?

"Oui", répondent à l'unisson Benoit Hamon et Alexis Corbières. "9 personnes possèdent 80% des médias", clame un Alexis Corbières qui emprunte à son mentor toute sa hargne lorsqu'il lance cet appel : "il faut refuser cette concentration !" Benoit Hamon est à nouveau le plus concret sur le sujet et propose "une loi anti-trust qui impose qu'un patron ne puisse pas disposer plus de 40% d'un groupe de presse et qu'un même groupe de presse ne puisse pas disposer de plus de 20% dans deux groupes". Une proposition qui a fait se hausser pas mal de sourcils dans l'assistance. A commencer par ceux de Maxime Saada, le patron de Canal Plus qui se demandera plus tard : "Qui détiendront les 60 et 80% restants ? Les acteurs US ? Jeff Bezos et cie ?"

Mikael Sala, qui s'est lui plutôt concentré sur les liens entre presse et politiques, suggère de son côté de limiter "la part du chiffre d'affaires qui provient des commandes publiques pour les groupes qui détiennent un titre de presse", afin d'assurer l'indépendance de ces derniers. Le meilleur moyen, pour y arriver, c'est à en croire Benoit Hamon d'être totalement transparent. "Chaque titre de presse devra dire qui sont ses actionnaires." Autre proposition mise sur la table par le représentant des socialistes : "favoriser la création d'un "actionnariat" citoyen et d'un nouveau statut permettant l'arrivée de sociétés de médias à but non lucratif."

Quel avenir pour le CSA ?

Alors que de plus en plus de contenus des médias audiovisuels sont consommés sur le Web, la question de l'évolution du rôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel se pose forcément. Son champ des responsabilités se cantonnant à notre téléviseur, faut-il dès lors le rapprocher d'un autre régulateur, celui des télécoms, l'Arcep ? Benoit Hamon ne tranche pas mais appelle à plus de "coopération et de synergies entre le CSA et l'Arcep."

Mikael Sala propose lui carrément de transformer le CSA en y réunissant trois collèges : "des professionnels, des représentants du gouvernement et des usagers des médias". En bref, "des gens qui consomment la télévision, la radio ou la presse papier et ont un avis à faire connaître."

Trop coupé des citoyens, le CSA doit être réformé, estime aussi Alexis Corbières. Ce dernier prêche pour "la création d'un conseil supérieur des médias qui rassemblerait le CSA, l'Autorité de régulation de la publicité, la commission paritaire des publications et agences de la presse."