Fabrice Leclerc (Exponential) "En France, les pubs vidéos online ne sont qu'une transposition des spots TV"

Tout juste lancé en France, le réseau américain Exponential veut coupler data et rich-media pour grignoter des parts de marché aux acteurs français. Son directeur général explique sa stratégie.

JDN. Pourquoi avoir décidé d'investir le marché français ? Quels sont vos objectifs ?

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Fabrice Leclerc, directeur général d'Exponential pour la France. © S. de P. Exponential

Fabrice Leclerc. Notre arrivée en France est la suite logique d'une stratégie de développement international basée sur le déploiement de notre expertise et le niveau de maturité des contacts que nous avons noués dans chaque marché. Nous disposons de près de 150 collaborateurs en Europe et y distribuons chaque année 900 campagnes. La France étant un pays où le marché du digital est en très forte croissance, c'est tout naturellement que nous avons décidé d'y ouvrir un bureau pour y déployer notre offre qui couvre : convergent branding, social et performance.

Nous voulons proposer aux marques de l'Hexagone de pouvoir toucher leur cible avec des formats créatifs qui vont générer de l'interactivité et de l'engagement.

Vous voulez pousser des formats vidéos plus créatifs. Comment vous différenciez-vous du pré-roll traditionnel ?

Quand on regarde les créations de la vidéo online, on constate qu'il n'est à ce jour qu'une transposition de la télévision. Rares sont les vidéos qui s'adaptent aux usages d'Internet et qui ne se contentent pas d'assimiler l'internaute à un simple spectateur. Ce que nous voulons proposer aux annonceurs ne sont autres que les forces de ce média : l'ultra-ciblage et l'interactivité. Certains de nos concurrents, et ils l'admettent eux-mêmes, réalisent moins de 30% de leurs ventes avec des formats créatifs. Ils étaient là avant nous mais je ne pense pas que nous manquions d'arguments pour venir grignoter leurs parts de marché.

J'ajouterais que notre offre qui couple la data à des créations abouties nous permet d'acheter de l'inventaire à des CPM plus élevés que ceux de la concurrence. Tout simplement parce que nous réussissons à préserver notre ROI. Aussi, ayant été initialement une technologie d'ad-serving, nous disposons de beaucoup plus de flexibilité. Un exemple : en France, peu d'acteurs peuvent aujourd'hui proposer une fonctionnalité d'ad-selector qui permet à l'internaute de choisir parmi plusieurs publicités celle qu'il désire voir pour accéder à un contenu. Pourtant, ce modus operandi qui booste le taux de mémorisation de la marque.

Tout de même, n'avez-vous pas peur d'arriver trop tard sur un marché où la taille critique est importante ?

Absolument pas, car au-delà de ces facteurs techniques de différenciation, nous pouvons d'ores et déjà proposer une couverture intéressante aux annonceurs, avec 70% de reach en France selon Médiamétrie. Nous pouvons proposer de l'in-stream sur Youtube, Dailymotion et Allociné en France.... Par ailleurs, je regrette le conservatisme des annonceurs en France à l'égard des adresses IP françaises consultant du contenu étranger. Sur la vidéo, pas loin de 50% de la consommation française concerne du contenu émanant de supports étrangers. Les annonceurs doivent comprendre, qu'opérations spéciales mises à part, l'important est l'audience que l'on achète, plus que le contenu éditorial assorti. Et avec l'important inventaire étranger dont nous disposons, je ne désespère pas d'inciter les annonceurs à sortir de leur logique d'achat un peu dépassée. Surtout à l'heure où on parle d'ad-exchanges !

Pour la toute première fois, la consommation de data vidéo a représenté plus de 50% du trafic Internet mobile en 2012, selon Cisco. Est-ce quelque chose que vous intégrez ?

Tout à fait, nous essayons de proposer avec AppSnack une alternative aux offres mobiles traditionnelles qui s'appuient sur du display pour envoyer vers un site mobile ou une application dédiée. Ici encore, je trouve que les agences se contentent de transposer des modèles empruntés au Web. En ce qui nous concerne, l'objectif est d'envoyer vers un format intermédiaire qui a le "look and feel" d'une application et qui fait la part belle à l'interaction, en proposant de la vidéo notamment. La vidéo est souvent au cœur du dispositif.

Mais les investissements ne décollent pas sur mobile. Comment l'expliquez-vous ?

C'est très simple, l'ensemble du marché, qu'il s'agisse des annonceurs, des agences et des éditeurs, est encore en proie à de nombreux freins psychologiques lorsqu'il s'agit d'aborder la problématique de la monétisation du mobile. Au cœur de tout ça se trouve la difficulté de faire du ciblage et du tracking. Tout le monde s'accorde à dire que l'on a affaire à un univers très compliqué, très fragmenté et difficile à appréhender. C'est pourquoi le marché s'en tient encore à des initiatives timides, même si les investissements ne cessent de croître.

Avec quelle data est alimentée votre plateforme "e-X Advertising Intelligence" qui doit aider les marques à trouver et atteindre leurs clients potentiels ?

Elle est alimentée par plusieurs sources de données. Le réseau d'éditeurs membres de notre ad-network nous a permis de constituer une base de près de 500 millions de profils, en majorité situés aux Etats-Unis et Royaume-Uni. Ces informations, généralement socio-démographiques et relatives à la navigation, peuvent ensuite être couplées à de la data "comportement d'achat" que nous nous procurons auprès de tiers tels qu'Exelate. Enfin, nous aidons les annonceurs à optimiser leurs campagnes en taguant les pages de leur site, afin d'en savoir un peu plus sur leurs clients et prospects.

Il y a tout un débat en France sur la valeur de cette data tierce, parfois jugée trop onéreuse pour être rentable. Qu'en pensez-vous ?

C'est effectivement une question à laquelle il est difficile d'apporter une réponse. En ce qui nous concerne, l'association data annonceur et data tierce fonctionne très bien. De fait, je pense que c'est la difficulté d'exploitation de la data qui rend sa monétisation si complexe. Nous attachons à segmenter notre audience le plus finement possible pour optimiser son usage. Quoi qu'il en soit, la question mérite un arbitrage réfléchi de la part de chacun.

La data est également au cœur d'un écosystème qui ne cesse de prendre de l'ampleur en France : le RTB. Comment Exponential va-t-il se positionner là-dessus ?

Plus qu'une révolution, l'essor du RTB représente une évolution d'Internet dans son mode d'achat, avec l'industrialisation de la vente des bannières display. Il est certain qu'Exponential va s'inscrire dans la logique de bipolarisation du marché, avec d'un côté les opérations spéciales, et de l'autre, les ad-exchanges. En ce qui concerne ces derniers, nous avons entamé des discussions avec des trading-desks concernant un partenariat portant sur l'exploitation de nos données et les campagnes de nos clients.

Fabrice Leclerc a commencé sa carrière en 1993 auprès des plus grands groupes médias (Expansion, Les Echos) avant de rejoindre Yahoo en tant que directeur de la publicité. Chez Lycos, il restructure et réorganise toute la régie avant de monter sa propre start-up pour développer un réseau de sites de jeux en ligne. Avec plus de 20 ans d'expertise sur le secteur des médias et du numérique, Fabrice Leclerc rejoint cette année le groupe Exponential en tant que directeur général de la filiale française.