Tristan Nitot (Mozilla) "Nous ne sommes pas des extrémistes anti-pub"

Avec Firefox 22 qui sortira en juin prochain, la fondation Open Source planche sur un dispositif de blocage des cookies tiers. Mais que recouvrira précisément ce mécanisme potentiellement hostile aux publicités en ligne ?

nitot
Tristan Nitot est principal évangéliste au sein de la Fondation Mozilla. © JDN / Cécile Debise

JDN. Vous avez annoncé le blocage par défaut des cookies tiers dans Firefox 22 qui sera lancé le 25 juin prochain. Que répondez-vous aux acteurs de la publicité en ligne qui s'érigent contre cette décision ?

Tristan Nitot. Il y a eu en effet beaucoup de réactions à cette annonce. De notre point de vue, elles sont un peu exagérées. On a entendu un peu tout et n'importe quoi. Il faut remettre notre démarche à sa juste mesure. Elle a pour but, comme vous le dites, de bloquer les cookies tiers, c'est-à-dire les cookies qui ne sont pas poussés par les sites que l'internaute a visités. Ce n'est pas le cas par exemple des cookies liés à l'utilisation de Google Analytics, et déposés pour mesurer l'audience d'un utilisateur donné. C'est en effet à chaque site utilisant cette solution de suivi d'audience de paramétrer ses pages pour déposer les cookies en question. De même, le nouveau dispositif ne bloquera pas les publicités affichées par les pages d'un site.

Qu'entendez-vous précisément par "cookies tiers" ?

Il s'agit de tous les cookies poussés par des sites que l'internaute n'a pas visités, et avec lesquels il n'a eu aucune interaction. Clairement, les régies publicitaires ont eu tendance à mettre en place ce type de processus. Ce ne sera plus possible. En revanche, à partir du moment où l'internaute aura cliqué sur une bannière ou un lien publié par un tiers, il sera alors possible pour ce dernier de lui transmettre un cookie. A partir du moment où il y aura eu interaction, alors le blocage sera levé. 

Précision importante, Firefox n'effacera pas les anciens cookies tiers qui pourront donc toujours être exploités. Et ce sachant que la très grande majorité des internautes n'effacent pas leur historique.

"Un ancien vice-président de l'IAB a salué notre initiative"

Dans le fond, ce débat n'est pas nouveau. Pourquoi avoir pris cette décision ?

Une récente étude d'Ovum a montré que 68% des internautes choisiraient de ne pas être pistés s'ils le pouvaient. Or, les cookies tiers font partie des solutions de pistage. Ce qui nous a conduit à nous poser la question de les endiguer. Nous ne sommes pas non plus les premiers. Apple a en effet pris cette décision il y a plusieurs années déjà, à la fois pour les versions Mac et iOS de Safari. Ce n'est donc pas une guerre déclarée à la publicité. Loin de nous l'idée d'ailleurs de mettre le Web à genou. Nous ne sommes pas des extrémistes. 

Certains professionnels de la publicité en ligne se sont d'ailleurs prononcés en faveur de notre projet. C'est le cas de Jim Spanfeller, un ancien vice-président de l'Interactive Advertising Bureau. Pour lui, c'est une excellente nouvelle, et le début d'une aire nouvelle suite à de trop nombreux abus en matière de pistage [lire sa chronique sur Adexchanger, ndlr]. 

Vous avez tout de même reporté cette implémentation de Firefox 20 à Firefox 22 ?

Là encore, c'est un malentendu. Nous n'avons jamais annoncé l'arrivée de cette nouveauté pour Firefox 20. Nous avons un cycle de développement avec différentes pré-versions sortant à 6 semaines d'intervalle : Nightly, Aurora et Beta. Les nouvelles fonctionnalités que nous implémentons doivent faire leurs preuves à chaque pré-version avant de passer dans la release suivante. Avant d'arriver en version finale, une nouvelle fonction n'est donc pas toujours acquise. C'est aussi un mode de développement cohérent avec la démarche Open Source. Le blocage des cookies tiers suit ce cycle. Je dirais qu'aujourd'hui, il y a plus de 90% de probabilité qu'il soit dans Firefox 22.

Tristan Nitot est principal évangéliste au sein de la Fondation Mozilla