Journal du Net > Economie  Untitled Document > Les goinfres, enquête sur l'argent des grands patrons

Patrick Bonazza est rédacteur en chef du service "Economie" du magazine Le Point. Durant sa carrière, il a été journaliste à L'Express et au Nouvel Observateur, avant de rejoindre Le Point en 1991.

Depuis quand reproche-t-on aux patrons de gagner trop ?

Historiquement, c'est le montant des indemnités de départ d'Elf de Philippe Jaffré, en 1999, qui a soulevé la première vague d'indignation. On n'avait jamais entendu parler de sommes pareilles [ndlr, 10 millions d'euros]. La rémunération des PDG n'était pas sur la place publique. Et là c'était d'autant plus choquant dans la mesure où Philippe Jaffré avait été nommé par l'Etat. On ne comprenait pas qu'un haut-fonctionnaire puisse se gaver autant. L'affaire a été oubliée. L'éviction de Messier en 2002 a révélé le même syndrome: un homme issu de l'appareil d'Etat qui a conduit sa boîte à l'échec. Dans ces moments là, tous les patrons se défendent de telles pratiques. A les entendre, dès qu'un scandale éclate, celui qui est éclaboussé est une brebis galeuse. Petit à petit, les grands patrons ont anticipé le mouvement. Un jour, ils devraient rendre des comptes. Les rapports Vienot ont moralisé la fixation des rémunérations. Et puis il y a eu cette loi votée en 2001. Depuis les entreprises cotées sont obligées de publier les salaires de leurs dirigeants. Ca a été un vrai progrès, mais ca n'a pas calmé la cupidité des patrons!

Patrick Bonazza. Photo Arnaud Février © Flammarion

Comment les patrons réagissent quand on leur fait remarquer qu'ils gagnent beaucoup ?

Dès qu'on parle de leur rémunération avec eux, ils avancent généralement trois justifications. Un, ce ne sont pas eux qui décident de leur rémunération, mais leur conseil d'administration. Mais comme tous quasiment siègent dans des conseils d'administration, ils votent leurs salaires entre eux. Et entre amis, ils se font des douceurs. Deux, ils expliquent que le marché des PDG est un marché mondial. Mais c'est n'importe quoi, il n'existe pas. Ni Jaffré (Elf), ni Bernard (Carrefour), ni Tirouflet (Rodia), n'ont retrouvé de job après leurs évictions. Trois : "nous enrichissons les actionnaires". Dès que la société qu'ils dirigent a pris de la valeur, ils considèrent avoir fait leur job. C'est sans doute une vision réductrice de l'entreprise.

Pourtant il y a des gens qui gagnent au sein de la même entreprise bien plus que leur manager ?

Ce sont principalement des personnes qui travaillent dans l'industrie de la finance. Il y a aussi celles qui font des LBO. Elles gagnent parfois davantage, mais elles ne touchent aucune retraite de ce niveau là. Le problème avec les patrons, c'est que quand ils se plantent, ils touchent aussi de confortables retraites. Le montant est tel, que parfois leurs entreprises sont obligées de provisionner des sommes astronomiques. Finalement le problème n'est pas tant ce qu'ils gagnent, mais la façon dont ils sont rémunérés.

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