La recherche est de plus en plus coûteuse. Mais est-elle au moins
plus efficace ? Pas sûr.
A première vue, il sort chaque année autant de nouveaux médicaments. En 2006,
en France, 782 nouveaux dossiers ont été présentés aux autorités sanitaires,
contre 552 en 1997. Mais ce chiffre est trompeur : la plupart ne sont que des
copies de médicaments déjà existants, des extensions d'indications, une reformulation
ou une nouvelle présentation.
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En 2006, l'autorité de santé américaine
a approuvé moitié moins de nouvelles molécules que dix ans
plus tôt.
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Dans son palmarès annuel, la revue médicale Prescire a identifié seulement
23 nouvelles substances, et encore "avec peu de progrès thérapeutiques tangibles
pour les patients".
Même constat du côté de la FDA (Food and Drug Administration). L'autorité américaine,
qui délivre les autorisations de mise sur le marché, a approuvé seulement 22 nouvelles
molécules en 2006 contre 53 en 1996.
Les analystes inquiets
Même les analystes financiers commencent à s'inquiéter du faible nombre de
médicaments dans le pipeline des grands labos. Une étude d'UBS du 18 septembre
dernier estime ainsi pour Sanofi-Aventis que les produits à venir n'étaient "pas
innovants" ou concernaient des "marchés limités". Le bénéfice par action offert
aux actionnaires par les 20 premiers laboratoires mondiaux a été
divisé par quatre : il était en moyenne de 28% entre 1993 et 1998 ;
il est tombé depuis 5 ans à 4% ou 5%.
Car non seulement les laboratoires trouvent de moins en moins de nouveaux
médicaments, mais ces derniers ont rarement le potentiel pour devenir des "blockbusters"
(des produits dont le chiffre d'affaire dépasse un milliard de dollars).
Le chiffre d'affaires des 38 produits majeurs datant de moins de trois
ans atteint à peine 10 milliards de dollars, comparé aux 316 milliards de dollars
de chiffre d'affaires générés par la totalité du portefeuille de médicaments des
"Big pharma".
Des extensions plutôt que des nouveaux projets
Rien d'étonnant selon Philippe Pignarre, auteur du "Grand secret de l'industrie
pharmaceutique" : "les laboratoires de recherche ressemblent de plus en
plus à des chaînes de fabrication industrielles où le maximum d'opérations sont
automatisées, répétitives. C'est évidemment le meilleur moyen de trouver de nouvelles
molécules, mais qui n'auront qu'un seul défaut : être extrêmement semblables aux
médicaments déjà existants" écrit-il dans son livre.
"Les laboratoires de recherche ressemblent de
plus en plus à des chaînes de fabrication industrielles" |
Le Center for Medecine Research International a lui constaté que 20% des dépenses
de R&D des grands laboratoires étaient utilisées pour obtenir une extension d'indications
de médicaments déjà existants plutôt qu'au développement de nouveaux projets.
Le mirage des start-up
Faute d'être capables d'inventer eux-mêmes de nouveaux médicaments, les grands
laboratoires rachètent à tour de bras des petites start-up de biotechnologies,
porteuses d'une ou deux molécules prometteuses.
Cette année, Merck a ainsi mis la main sur Serono, une entreprise suisse de
biotechnologie pour 16,1 milliards de francs suisses (10,6 milliards d'euros).
Une stratégie pas toujours payante, car l'aboutissement à un vrai médicament est
plus qu'incertain.
Seule bonne nouvelle pour les laboratoires, les nouveaux médicaments concernent
souvent des maladies encore mal soignées (cancer, schizophrénie, polyarthrite
rhumatoïde
), et qui peuvent donc bénéficier de prix de vente élevés.
Un traitement à l'Avastin (un anticancéreux de Roche) revient par exemple à
2.500 euros par mois. De quoi compenser en partie les blockbusters qui ne vont
pas tarder à perdre leur exclusivité.